Les divisions idéologiques entre le Rassemblement national (RN) et le parti de la Lega, en Italie, posent la question de la stabilité du groupe parlementaire Identité & Démocratie (ID), selon des sources rencontrées par EURACTIV France.
Les sources soulignent comme principaux points de division l’évolution de la Ligue vers une ligne de centre-droit, loin de ses origines d’extrême droite nationaliste, alors qu’elle participe depuis février 2021 à la coalition gouvernementale italienne dirigée par le pro-européen et ex-président de la Banque centrale européenne Mario Draghi.
Le groupe ID rassemble 10 partis européens d’extrême droite élus au Parlement européen — dont le RN en France, la Lega en Italie et le parti allemand Alternative für Deutschland (AfD).
La Ligue italienne est le plus grand parti de l’ID, avec 24 membres au Parlement européen. Marco Zanni, eurodéputé de la Ligue, est président du groupe depuis 2019.
« La Ligue est en train de passer par un processus de normalisation, et nous ne sommes plus vraiment d’accord sur quoi que ce soit », ont déclaré des sources de l’ID à EURACTIV.
Dans les années 1990, le parti présentait des caractéristiques sécessionnistes, tandis qu’au milieu des années 2010, avec le leadership de Matteo Salvini, il devient un parti ouvertement anti-européen.
Aujourd’hui, la politique de la Ligue à l’égard de l’Europe change radicalement, puisqu’elle ne fait plus campagne pour quitter l’UE, suivant le modèle britannique, mais s’engage plutôt en faveur d’États membres plus souverains au sein de l’Union.
Ce changement a été mis en évidence lorsque le parti a rejoint la coalition gouvernementale de Mario Draghi en février 2021. Trois ministères lui ont alors été attribués.
Des sources au sein du groupe estiment que la participation au gouvernement de Mario Draghi a forcé le parti de M. Salvini à adoucir ses positions sur sa politique nationaliste.
Une absence de cohésion de groupe
Selon les données de VoteWatch, un institut de recherche, la Ligue s’est éloignée de ses positions historiques sur des questions clés — notamment sur le sujet de l’invasion russe en Ukraine.
Alors qu’historiquement la Ligue était « l’un des partis [d’extrême droite] les plus accommodants envers la Russie », elle a ouvertement condamné l’invasion, selon un rapport de VoteWatch.
Sur la base de 280 votes, VoteWatch a constaté que la Lega était plus ferme à l’égard de la Russie que la plupart des membres de l’ID — en particulier le RN, qui reste, d’évidence, pro-russe.
La cohésion de groupe est aussi au plus bas sur d’autres dossiers politiques. Les députés européens ne votent de manière unie que dans 52 % des cas sur les questions de politique étrangère et de sécurité.
Cette unité passe à 56 % sur les questions économiques et monétaires, et à 64 % pour les politiques d’environnement et de santé publique. La cohésion moyenne des autres groupes sur ces mêmes questions est autour de 90 %.
Seul l’enjeu migratoire met les membres du groupe d’accord. « Notre groupe est fortement opposé au pacte migratoire », a déclaré à EURACTIV France le président de la délégation française d’ID, Jean-Paul Garraud. « Les niveaux de cohésion sont proches de 100 % sur cette question politique », a ajouté l’eurodéputé AfD Gunnar Beck.
« Les choses se passent bien »
Malgré ces différences, la Lega et le RN insistent sur le fait qu’il n’y a pas de frictions.
« Les choses se passent bien », a déclaré Gunnar Beck, vice-président du groupe ID et eurodéputé AfD, à EURACTIV France. « Malgré nos différences, nous sommes tous d’accord sur le principe de la souveraineté nationale. »
Le chef de délégation du parti de la Ligue au Parlement européen, Marco Campomenosi, a aussi souligné les bonnes relations qui existent entre son parti et le RN.
Interrogé par EURACTIV France, M. Zanni a par ailleurs expliqué « qu’au sein de notre groupe parlementaire, il n’y a ni tensions ni frictions, juste une dialectique politique normale ».
Mais en privé, certains expriment leur malaise. « Je ne suis même plus sûr de savoir ce que représente ID », soupire un député européen appartenant au groupe. « Enjeu migratoire mis à part, la cohérence idéologique n’existe plus. »
Objectif 2024
Un débat sur la coalition des droites a été lancé en Italie en vue des élections nationales de 2023.
La tête de file des Frères d’Italie (Fratelli d’Italia), Giorgia Meloni, eurodéputée et présidente du groupe parlementaire des Conservateurs et Réformistes européens (ECR) fait campagne pour la création d’une coalition de droite pour les élections nationales de 2023 avec M. Salvini et le parti de Silvio Berlusconi, Forza Italia.
Beaucoup peut encore changer d’ici 2024, lors des prochaines élections européennes. Mais certains se posent déjà la question : quid d’une alliance ID-ECR ? Rendez-vous dans deux ans.
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