Les comités de la France Libre à l'étranger

Les comités de la France Libre à l'étranger

Parmi les Français résidant à l’étranger, un sursaut d’espoir avait entraîné les cœurs, lorsque les anciens combattants de 1914-1918 avaient vu revenir, aux postes de commandement, ceux qu’ils avaient suivis pendant la Grande Guerre. Mais d’autres Français de l’étranger, qui, entendant le Général de Gaulle, reconnurent ce que, pendant des jours d’angoisse, ils avaient attendu avec impatience : la voix de la France. Ils créèrent les comités de la France Libre à l’étranger. C’est cette histoire, en ce jour de commémoration des 80 ans du Débarquement en Normandie, que nous avons décidé de vous conter.

Des comités créés spontanément

Fort éloignés de la métropole, ils ne pourraient croire au déroulement des événements tel qu’il leur apparaissait au travers des dépêches d’agence ou des communiqués officiels. Ils n’envisageaient qu’une chose : un brusque retour de fortune pour nos armées et c’est pourquoi, d’un peu partout dans le monde, de Mexico, de Rio-de-Janeiro, de Manille, des télégrammes pressants étaient envoyés au Président Lebrun, à M. Paul Reynaud, au Général Noguès, au Maroc, au Général Mittelhauser en Moyen-Orient, voire au Comte de Paris.

Mais le sursaut est venu de l’appel du 18 juin. Ainsi en Australie, aux Philippines, en Chine, au Japon, aux Indes, en Afrique, en Angleterre, en Turquie, aux États-Unis, au Canada, dans les pays d’Amérique Centrale, dans ceux de l’Amérique du Sud, partout, prolongeant l’appel et l’action du Général de Gaulle, une opinion publique française se fait entendre. Elle repousse Vichy, fait connaître son adhésion à la politique du Général de Gaulle qui « invite tous les Français qui veulent rester libres à l’écouter et à le suivre ». (Londres 22/6/40).

« Les « Comités de Gaulle », « Comités des Français Libres », « Association France quand même » naissent spontanément partout sans instructions, sans plans, sans ordres ; ceux qui les créent, généralement des commerçants ou des techniciens, détachés de la politique par leur longue absence, sentent confusément qu’en ces jours où l’État abdique, il appartient aux citoyens de s’unir pour reprendre de ses mains débiles, le destin de la Patrie. De Benoist en Égypte, Guéritte et Semet à Londres, Eugène Houdry aux États-Unis, Georges Pinson au Mexique, Piraud au Chili, Prévosteau en Colombie, Albert Guérin en Argentine, Robert Seidner en Amérique Centrale, et combien d’autres dans le monde entier, groupèrent leurs compatriotes, sans attendre de personne, ni directives, ni moyens ».

J. Soustelle: « Envers et Contre Tout ». Tome l, page 67
Forces libres au Gabon en 1942 ©SIPA

Des voix libres

Rapidement, se précise le rôle de ces Comités qui resteront dans l’histoire comme une des plus originales et des plus fécondes créations de l’élan donné par l’appel du 18 juin.

Du jour au lendemain, sans aucune préparation, des femmes et hommes devinrent des propagandistes bénévoles pour sauver l’honneur de la Patrie. Partout des contacts furent pris avec la presse ; dans chaque pays, des amis fidèles mirent leur plume et leur talent au service de la France captive : des bulletins de propagande furent créés pour être prêts à faire connaître les exploits de nos armées et l’action de la Résistance intérieure dès qu’ils se seront manifestés.

Mais d’autres tâches incombèrent rapidement aux Comités de l’étranger :

  • Le recrutement et l’envoi de volontaires aux armées de la F. L.
  • Le maintien – puis le développement – des positions françaises sur le plan culturel en assurant le bon fonctionnement des écoles de l’Alliance française ou des établissements d’enseignement.
  • La collecte des sommes destinées à alimenter ces diverses activités, le surplus – c’est-à-dire la plus grande partie – étant envoyé à Londres au Général de Gaulle.
FDERESITANCE01

« Les manifestations se multiplient, témoignant du puissant mouvement de solidarité et d’unité française qui portent tous les Français résidant à l’étranger, et encore libres, à se grouper et à rejoindre les Forces Françaises Libres. Pendant le mois de février, les dons en espèce reçus par le Général de Gaulle des divers comités étrangers s’élèvent à plus de deux millions de francs. Il existe quarante-deux Comités France Libre à l’étranger, l’un des plus importants étant celui de Buenos-Aires dont le bulletin tire à cent dix mille exemplaires ».

Mémoires du Général de Gaulle. Tome I, page 337

Parmi les médias, on notera la mobilisation du Courrier australien, le vénérable ancêtre de tous les médias dédiés aux expatriés français, qui officiait déjà comme il le fait toujours. Ci-dessous, vous trouverez un extrait datant du 1er octobre 1943 ci-dessous.

Bien que la France ait été envahie en 1940 et ait depuis vécu toutes les misères de l’occupation par un ennemi brutal, la dette du monde civilisé envers sa culture ancienne et durable est si multiple qu’une affirmation de notre foi dans le destin de la France est le moins que nous puissions offrir à ces innombrables Français loyaux et courageux qui, tant dans leur patrie qu’au-delà des mers, Ils ont, au risque de sacrifices que peu peuvent concevoir, continué à résister aux forces de la tyrannie, et partagent donc le plus vaillamment dans l’effort des Nations Unies. Nous ne pouvons pas nous permettre d’oublier que depuis plus de mille ans, la France a pour mission d’éduquer le monde, à la fois en tant que leader dans les arts de la civilisation et en tant que défenseur de la dignité humaine. Elle a donné au monde certains de ses plus grands philosophes et hommes de science, et a gardé son prestige suprême dans l’art et la littérature. Il a été bien dit par une grande autorité britannique que « dans la lucidité et la cohérence logique de son interprétation de la vie, elle n’a pas de rival. » Comme elle a été dans le passé un grand représentant de la pensée libérale dans le domaine des sciences sociales, elle sera demain une grande interprète des quatre libertés par lesquelles le monde vivra. La civilisation est un processus continu, et si la France ne continuait pas à jouer dans le monde d’après-guerre son rôle historique parmi les nations, l’humanité subirait une perte irréparable. Une France forte, restaurée, créative, protégée contre l’agression matérielle de ses ennemis, est indispensable à la solidarité de l’humanité civilisée. La France a souvent été dans l’ombre et s’est toujours relevée. La France s’élève. Ce doit être l’effort éclairé de l’Australie après la guerre d’établir les relations culturelles les plus étroites avec la France et de partager les avantages spirituels et intellectuels qui caractérisent sa civilisation.

Le Courrier australien le 1er octobre 1943

Ainsi grâce à un effort de propagande intense mené par les bulletins périodiques, les publications, les émissions de radio, les comités centraux de la France Libre secondés par leurs comités locaux, démontrèrent dans le monde entier que, lorsqu’elle avait la possibilité de s’exprimer librement, l’opinion française rejetait Vichy, et répondait à l’appel du général de Gaulle.

Il en résulta que l’opinion publique étrangère se modifia à l’égard de notre pays : méprisant Vichy, elle comprenait que le peuple de France ne pouvait être tenu responsable des actes d’un gouvernement qui lui était imposé ; approuvant l’action du général de Gaulle, elle reconnaissait en lui celui qui avait sauvé l’honneur de la France en la maintenant dans la guerre.

Tout cela n’alla pas sans entraîner de vives réactions de Vichy, et même de la part de l’ennemi qui protesta en novembre 1940 à la Commission d’armistice de Wiesbaden, contre les activités de comités en Amérique.

Déchéance de nationalité

Le régime de Pétain ne tarda pas à réagir en publiant une loi le 28 février 1941. Celle-ci indique que « la déchéance de la nationalité française pourra être désormais prononcée contre tout Français habitant l’étranger ou y résidant provisoirement, qui, par ses discours, par ses écrits ou par ses actes, aura trahi les devoirs que lui imposait la qualité de membre de la communauté nationale.« 

Mais, là comme ailleurs, les menaces furent sans effet, les décrets de déchéance signés par Vichy ne ralentirent pas l’ardeur des membres des Comités de la France Libre, qui se trouvaient, du fait de leur dénationalisation, dépourvus de toute représentation diplomatique. En attendant que le C.N.F. de Londres ait pu organiser la sienne ils décidèrent d’assumer de nouvelles activités relevant plus du domaine de diplomates de carrière que de volontaires.

Petit à petit, les passeports de la F.L étaient reconnus par un nombre grandissant d’États qui entraient en relation avec le C.N.F. de Londres, lequel, organisant sa représentation diplomatique avec des fonctionnaires de carrière, fit paraître les décrets établissant :

1°) Les attributions des Comités et celles des représentants diplomatiques. (Décret n° 219).

2°) La liste des Comités de la F.L. à l’étranger. (Décret n° 349).

Ces décrets parurent au J.O. de la France Libre, les 12 mai et 28 août 1942.

Jusqu’à la mort

Ces Comités des Français de l’étranger sont souvent oubliés pourtant ils ont bien existé, ils ont accompli leur mission jusqu’au jour où leurs membres ont été arrêtés, jetés en prison et torturés par l’ennemi, comme en font état les récits reproduits plus loin.

Dans les limites de leurs attributions, telles qu’elles avaient été définies par le décret n° 219 de la France Libre, les Comités de la France à l’Étranger poursuivirent leur action jusqu’à la réorganisation complète des services diplomatiques et d’information, après la libération de la France et la cessation des hostilités.

Puis, leur raison d’être ayant disparu, ils envoyèrent aux œuvres d’assistance le reliquat disponible de leur encaisse et prononcèrent eux-mêmes leur dissolution, gardant la fierté d’avoir été, pendant les années d’épreuves, « le foyer, la flamme, la ferveur de l’opinion française proprement dite, et aussi des amitiés françaises dans le monde ». Souvenons-nous d’eux !

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