Misogyne, homophobe, raciste, grossier, insultant, prétentieux, arrogant, parvenu, inculte, égotiste, imprévisible, instable, naïf, grotesque et dangereux. Les mauvais côtés sont les plus visibles. Ce qui fit son succès à la télévision.
Au delà du provocateur, qu’en est-il de sa politique ? Son agressivité met le monde en péril, son prurit protectionniste affaiblit l’économie mondiale et son instabilité inquiète. Mais comme dans toute chose, il y a des aspects positifs: les bons cotés de Trump.
Déjà, malgré lui, cet effet remarquable : avoir renforcé l’unité des Européens. Ce n’était pas volontaire et ne sera donc pas porté à son crédit.
A son crédit la situation économique du pays. N’importe quel gouvernement en place depuis trois ans en serait comptable. L’économie américaine réalise des miracles. Drogué aux déficits publics, commerciaux et à la planche à billet, jamais dans son histoire elle n’a connu une telle période de croissance ininterrompue. Jamais le chômage n’a été aussi bas. Chacun crie « au fou », « au feu », et continue. La guerre commerciale agite Wall Street comme un yoyo, mais l’économie tourne.
Ce qui amène à se poser la question : le protectionnisme de Trump est-il si protectionniste ? Il a « renégocié » l’Alena avec le Mexique et le Canada, résultat : pas de changement. Il propose un traité de libre échange total avec le Royaume-Uni, mais il a aussi proposé un tel traité aux Européens.
Il songe à quitter l’OMC. Ce qu’il reproche : le statut de pays en développement accordé à la Chine (à la demande des Etats-Unis). Il réclame un « fair trade ». A-t-il tort ? La Chine est elle encore un pays en voie de développement ? Joue-t-elle vraiment le jeu ? Respecte-elle les règles de la propriété intellectuelle ? Chacun sait que ce n’est le cas. Mettre à plat le statut et les pratiques chinoises serait utile à tous.
Trump veut asphyxier l’Iran et mène le monde au bord de la guerre dans le détroit d’Ormuz. Mais l’Iran est-il un pays paisible et pacifiste ? Faut-il ignorer que s’il y a un traité avec l’Iran c’est bien parce que l’Iran cherche à se doter de la bombe atomique. Ce qui avait fait dire à Nicolas Sarkozy aux ambassadeurs : « Si l’Iran veut la Bombe, elle recevra des bombes». L’arme financière et économique pour étrangler l’Iran ne fera pas tomber le régime mais c’est autant de ressources en moins pour sa politique agressive.
Trump utilise sans cesse l’arme économique. Y compris vis-à-vis de la France et de l’Allemagne, même s’il en reste pour l’instant à la menace. Il l’a fait vis-à-vis du Mexique, du Guatemala, du Honduras qui ont du signer des engagements afin de contrôler les migrants. Le marchandage est affligeant. Mais n’est-ce pas, en version punitive, ce que font les Européens avec la Turquie, la Tunisie, le Maroc, la Lybie ? Des aides en échange d’un contrôle des flux migratoires. C’est le sens même de l’accord sur l’installation de centres d’accueil des migrants à l’extérieur de l’UE. Sans les milliards versés à la Turquie combien de millions de réfugiés syriens seraient face aux murs grecs, autrichiens, slovènes, hongrois ? Et combien de Salvini en Europe dépasseraient les 40% d’intentions de vote? Le réalisme est triste, il n’a qu’un avantage : il est réaliste.
Peut-on s’en satisfaire ? Pas plus que du « bon coté » de Trump. Fondamentalement, la drogue de liquidités et de déficits qui booste l’économie américaine n’est pas soutenable. La guerre commerciale avec la Chine coûtera cher et coûte déjà. Les tensions avec l’Iran ne diminueront pas son agressivité. Les migrants passeront toujours les murs si l’écart de richesse et d’espérance est trop criant. Ces politiques sont donc fragiles, éphémères, instables, comme Trump. Il manque une vision globale, à long terme, durable, confiante et stable.
C’est pourquoi il reste un bon coté supplémentaire. Après Trump, celui qui viendra aura en main un jeu bien plus ouvert. Il sera accueilli avec un surplus de bienveillance. On lui accordera un prix Nobel d’avance. Il n’abandonnera pourtant pas tout ce qu’aura fait Trump, mais il l’utilisera. Après le bad cop, le god cop.
C’est l’intérêt de la démocratie : Avoir plusieurs politiques possibles, utiliser travers, excès et acquis de ceux que l’on remplace, en bien et en mal, en continuité ou en contrepied.
Dans un an ? Ou dans cinq ans. Beaucoup d’Américains des Swing States où se joue l’élection se moquent des mauvais cotés de Trump. Ils pensent que Trump c’est bien pour l’Amérique, sinon pour le monde.
Le plus sage pour les Européens est de se préparer à cinq ans. Et de profiter de l’espace que laisse Trump pour être un pôle de confiance et de stabilité dans le monde, mais aussi de ses coups de boutoirs. Comme un passager clandestin des effets de sa brutalité. Il n’est pas inutile d’avoir un bad cop.
Laurent Dominati
A. Ambassadeur de France
A. Député de Paris
Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press
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