Les banques centrales, des géants aux pieds d’argile

Les banques centrales, des géants aux pieds d’argile

Depuis la crise des subprimes, les banques centrales jouent un rôle déterminant en matière de politique économique. La mise en place de politiques monétaires dites initialement non conventionnelles associant forte baisse des taux et rachats d’obligations a marqué une réelle rupture par rapport aux pratiques qui prévalaient depuis les années 1980.

L’épidémie de covid-19 a accentué le rôle des banques centrales. Si elles sont devenues de plus en plus les clefs de voute du jeu économique, elles n’en auraient pas moins perdu leur indépendance, leur politique étant dictée par la nécessité de garantir la solvabilité des États.

Les Etats ont remis la main sur les banques centrales 

Au sein de l’OCDE, l’encours de titres publics détenus par les banques centrales a été multiplié par cinq depuis 2008. En 2020, il représentait plus de 25% de la dette publique. Pour certains pays européens, ce ratio dépasse désormais 30%. Cet encours représente plus de 35% du PIB en 2020, contre 5% en 2008. Les banques centrales se sont mises à acquérir également des obligations d’entreprises soit environ 8% du total des obligations d’entreprises au sein de l’OCDE, représentant 8% du PIB (jusqu’en 2010, ces deux ratios étaient inférieurs à 2%).

Certaines banques centrales comme celles du Japon ou de Suisse détiennent également des actions (pour 9 % du PIB au Japon et 20% en Suisse). 

En France, la question du retraitement des prêts garantis par l’État se posera dans les prochains mois. La Banque centrale européenne pourrait-elle les porter et les transformer soit en obligations ou en parts sociales ? Cela supposerait évidemment l’accord des États membres de la zone euro.

Politique monétaire et sortie de crise

La politique monétaire conditionnera les modalités de la sortie de crise. Le maintien des rachats maintiendra les taux bas et garantira la solvabilité des acteurs économiques. Plus cette phase durera, plus le retour à la normale sera délicat à conduire. Des taux bas ralentissent la diffusion du progrès technique en facilitant la survie d’entreprises à faible rentabilité. Ils ont un effet anesthésiant qui prolonge le sommeil de l’économie mais qui n’autorise pas le retour d’une croissance forte et pérenne.

Gérer les bulles  

Dans ce contexte, les banques centrales devront gérer les éventuelles bulles d’actifs et doser l’inflation acceptable. Avec des portefeuilles d’actifs financiers importants, elles pourront de plus en plus influer sur les cours au risque d’être tenues responsables en cas de gestion hasardeuse. En ayant acquis un rôle économique de premier ordre, les banques centrales sont accusées de mettre en œuvre des politiques en dehors de tout contrôle en raison de leur indépendance. En réalité, cette dernière est de plus en plus relative. Les gouvernements imposent, en effet, leurs vues en raison du poids de l’endettement public.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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