L’économie dite libérale s’est construite autour du principe de la libre concurrence. La croissance serait la conséquence d’une émulation permanente entre les agents économiques. La fermeture des marchés, les situations de monopole aboutissent à la constitution de rente qui ne permettent pas une bonne allocation des ressources, ni une diffusion optimale des gains de productivité et moins encore une croissance pérenne. L’absence de concurrence réduit l’intérêt à investir, à innover et à prendre des risques. Les monopoles ont tendance à vouloir préserver les revenus de leurs actionnaires à travers la distribution de dividendes ou à travers des rachats d’actions. Les libéraux estiment que des bénéfices excessifs sont la preuve d’un dysfonctionnement, d’un marché insuffisamment concurrentiel.
Le bénéfice, selon la théorie libérale, doit tendre vers zéro. Il ne peut être que temporaire.
Depuis la première révolution industrielle à compter de 1750, le combat contre les tentations monopolistiques est permanent. La première loi Antitrust date de 1890 aux États-Unis (Loi Sherman du nom d’un sénateur américain). Elle fut complétée par le Clayton Act et le Federal Trade Commission Act en 1914. L’application des lois antitrust abouti à l’éclatement de la Standard Oil de John Rockefeller en 30 sociétés. En 1974, ATT, l’opérateur de télécommunications, est contraint de se scinder en sept sociétés. D’autres secteurs ont été visés par des procédures antitrust comme ceux du sucre, de la sidérurgie, des cartes de paiement bancaire.
Au sein de l’Union européenne, le droit de la concurrence relève de la Commission qui est accusée d’être soit trop rigoureuse (refus de la fusion Siemens Alstom) ou trop laxiste (à l’encontre par exemple des GAFA).
Avec la mondialisation et la digitalisation, l’économie mondiale connaît un processus de concentration de plus en plus important. Les indices mesurant la concentration des marchés ont augmenté de plus de 20 points en vingt-cinq ans. Les situations de monopole sont fortes pour la production d’acier, d’aluminium ou d’avions. Quelques entreprises réalisent plus de 70 % de la production mondiale. Cette concentration est également marquée dans le secteur informatique. Les GAFA sont en position dominante sauf en Chine où des entreprises nationales captent les parts de marché de manière tout aussi monopolistique. La mondialisation a favorisé l’émergence de grands groupes ou a conforté ceux qui étaient déjà de taille internationale. Une production éclatée à l’échelle de la planète suppose une implantation internationale et une forte maîtrise des flux. Les barrières à l’entrée sont importantes. Il est très difficile pour une entreprise naissante ou de taille réduite de s’imposer à l’échelle internationale.
Certes, les start-ups devenues les GAFA prouvent l’inverse. Leur modèle repose sur le principe que le premier prend l’ensemble du marché. Leur succès s’explique par la conquête rapide de parts de marché et par l’élimination des concurrents. Amazon en étant en situation de proposer un très grand nombre de références sur l’ensemble de la planète met en difficulté les distributeurs nationaux. Cette entreprise a perdu durant des années de l’argent sur la vente des produits mais en gagnait en louant ses capacités informatiques.
Les entreprises en situation de monopole ou d’oligopole, qu’elles soient technologiques ou non, ont tendance à privilégier la hausse de leurs marges bénéficiaires et à réduire leurs investissements. Ainsi, aux États-Unis, le taux d’investissement des entreprises est plus faible en 2018 qu’il ne l’était avant l’an 2000. Les gains de productivité ont été en un quart de siècle divisés par deux. La réglementation de plus en plus lourde rend plus complexe l’immixtion de concurrents. En outre, les entreprises ont tendance à adopter des codes de bonne conduite. Elles évitent de débaucher le personnel de leurs concurrents tant pour éviter une inflation des salaires que par crainte de mesures de rétorsion. Même si les autorités tentent de démasquer les ententes commerciales, ces dernières sont de plus en plus nombreuses. Elles peuvent être explicites ou implicites. Considérant que les gains de productivité sont faibles et que le marché ne s’accroît que faiblement, les entreprises privilégient le maintien de leur chiffre d’affaires et ne s’engagent sur le terrain de la conquête qu’avec prudence.
Après l’échec des procédures contre IBM dans les années 1970 et Microsoft dans les années 1990, les autorités semblent être démunies vis-à-vis des monopoles ou des oligopoles. Leur force économique et leur lobbying sont tels que les pouvoirs publics sont bien souvent amenés à les défendre sur la scène internationale. Ainsi, si Amazon suscite de lourdes critiques en mettant en difficulté des enseignes de la grande distribution, les collectivités publiques se battent pour accueillir sur leur territoire ses centres logistiques générateurs de centaines d’emplois. La compétition accrue avec les pays émergents conduit à un degré d’acceptabilité plus élevé en matière de concentration. La Chine, du fait de son poids démographique et de son capitalisme nationaliste, incite les États occidentaux à favoriser le développement de champions internationaux ayant à prendre des positions dominantes sur leurs marchés. Il en est ainsi dans les transports, l’agroalimentaire, l’énergie, les entreprises minières, la sidérurgie, l’informatique. Même le luxe n’échappe pas à la règle avec la constitution de très grands groupes (comme LVMH et Kering) qui ont acheté de très nombreuses marques.
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