Le vignoble français craint une perte de surface avec les zones sans pesticides

Le vignoble français craint une perte de surface avec les zones sans pesticides

Mise en œuvre le 1er janvier, les zones de non-traitement aux pesticides sont décriées par les vignerons qui perdent de la surface d’exploitation, alors que la société civile les juge insuffisantes.

Une barrière de sécurité anti-pesticide. L’idée des Zones de Non-Traitement (ZNT) s’est peu à peu imposée comme une solution de protection contre les effets nocifs des produits phytosanitaires, dont la France peine à s’affranchir. Malgré le plan Ecophyto, la consommation des pesticides ne cesse de progresser, et a même bondi de 25 % en 2018, de l’aveu du ministère de l’Agriculture. Sous le coup d’une pression sociétale sans précédent, et d’un nombre croissant d’arrêtés municipaux interdisant l’épandage de pesticides à proximité des habitations, le gouvernement a dégainé une nouvelle arme : les Zones de Non-Traitement  qui définissent des espaces de sécurité entre les zones agricoles et les habitations.

L’annonce était attendue après la tenue d’une consultation publique à l’automne. Elle a été faite discrètement par le Ministère de l’Agriculture le 20 décembre 2019 et l’arrêté publié le 29 décembre.  Les distances minimales pour les zones de non-traitement seront de  cinq mètres pour les cultures dites basses comme les légumes et les céréales, et de dix mètres pour les cultures hautes, fruitiers ou vignes.

Des « avancées », selon le ministre de l’Agriculture Didier Guillaume, car de telles limitations ne sont présentes que dans « très peu de pays en Europe » (Slovénie, Italie et quelques Lander allemands).

Un arbitrage qui demeure très loin des demandes de certaines associations écologistes, qui réclamaient une distance de 150 mètres pour éviter tout risque de propagation en cas d’épandage de pesticides.

« Les distances soi-disant de sécurité retenues sont inconséquentes, réagit François Veillerette, le directeur de Générations futures. Du côté d’Europe Écologie les Verts, l’arrêté ne convainc absolument pas non plus. « EELV continuera à soutenir les maires prenant des arrêtés interdisant l’utilisation de pesticides à proximité des maisons d’habitation » a d’ailleurs réagi le parti écologiste.

Si l’efficacité de ces zones sans-pesticides est questionnée, l’impact sur les terres cultivables ne sera pas négligeable. « En instaurant, dans certaines situations, des distances de sécurité incompressibles, quelles que soient les pratiques et les mesures de protection, le Gouvernement laisse la place à l’idéologie et abandonne de nombreux agriculteurs sans aucune solution. Où est la logique ? » a regretté le principal syndicat agricole, la FNSEA.

De fait, les zones de non-traitement concernent toutes les formes de traitement, à l’exception du biocontrôles. Et impose de fait des contraintes similaires à un agriculteur ayant un recours intensif aux phytosanitaires qu’à un agriculteur n’en utilisant qu’occasionnellement.

Autre critique, l’absence de compensation pour les terres agricoles qui ne pourront plus être exploitées. « «Et que dire du fait que personne ne fasse mention de la compensation des pertes que subiront nécessairement les agriculteurs avec le retrait de surface de leur exploitation ? » s’agace la FNSEA. Le syndicat devrait discuter d’éventuelles actions de blocages au cours du mois de janvier.

Le vignoble français en première ligne

Si l’ensemble des terres agricoles sont concernées par les ZNT, le vignoble français se retrouve en première ligne. La proximité des vignes avec les habitations dans de nombreuses régions viticoles telles que la Champagne, la Bourgone ou encore l’Alsace expose les vignerons français à des pertes de surface importantes.

D’après les estimations de l’Association des viticulteurs d’Alsace, ce sont 300 hectares de vignes qui seraient directement concernés par la ZNT, soit 2 % du vignoble. En Champagne,  ce sont environ 1000 hectares qui seraient concernés par les ZN, soit 3% du vignoble, dans une région ou le prix de la terre avoisine 1 million d’euros l’hectare.  Le vignoble de Bourgueil dans la Loire pourrait voir sa surface perdre 75 hectares avec ces ZNT, soit 5% de sa surface.

La marge de manœuvre est limitée pour le vignoble, car même en agriculture biologique il est difficile de faire l’économie de traitement ponctuel au cuivre, pour lutter contre le mildiou, un fléau contre lequel les solutions de biocontrôles, seules à ne pas être soumises au ZNT, ne sont pas encore au point.

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