Gabriel Attal, Premier ministre chargé de gérer les affaires courantes, a adressé aux différents ministres les « lettres plafonds » pour le projet de budget de 2025. Traditionnellement, leur envoi intervient au début du mois d’août afin de laisser aux ministres le temps de plaider leur cause devant Bercy ou Matignon. En raison des élections législatives anticipées et de l’absence de majorité qui en a résulté, le calendrier budgétaire est chamboulé, mais le sablier continue de s’écouler. Le gouvernement est en effet tenu par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) de présenter un projet de budget à l’Assemblée nationale le 1er octobre prochain, sachant que celui-ci doit être examiné en amont par le Haut Conseil des finances publiques et le Conseil d’État. En outre, la France doit, d’ici le milieu du mois de septembre, soumettre à la Commission européenne sa trajectoire des finances publiques, laquelle aura une incidence sur les choix budgétaires à effectuer.
Le budget de l’État est aussi peu manœuvrable qu’un pétrolier dans un port.
Avec près de 500 milliards d’euros de dépenses, le budget de l’État est aussi peu manœuvrable qu’un pétrolier dans un port. Les contraintes qui pèseront sur le futur gouvernement, quel qu’il soit, seront fortes. Nul ne croit possible de ramener le déficit public de 5 % à 4,1 % du PIB en 2025, mais un effort d’économies est attendu, tant de la part de l’Union européenne que des marchés financiers qui, jusqu’à présent, ont fait preuve d’une rare patience.
L’accroissement de l’écart de taux entre les obligations d’État françaises et celles de l’Allemagne est resté relativement modéré au vu de la situation politique. Quelles sont les raisons de cette indulgence ? Tout d’abord, les investisseurs sont pour le moment focalisés sur la situation économique et politique aux États-Unis. Ils ont ainsi vivement réagi début août à la décision de la banque centrale de ne pas abaisser ses taux directeurs. Ils ont, également les yeux rivés sur les élections présidentielles et législatives de début novembre. Ensuite, ils accordent du crédit à Emmanuel Macron pour avoir maintenu autant que possible le cap budgétaire et tenté de sortir la France de l’ornière où elle s’est retrouvée.
L’euro joue son rôle de paratonnerre.
De plus, l’euro joue son rôle de paratonnerre. Les investisseurs ne considèrent pas la France seule, mais la France au sein de la zone euro. Enfin, les fondamentaux économiques de la France sont satisfaisants. Le pays bénéficie d’une croissance certes modeste, mais résistante à la hausse des taux d’intérêt. Le taux de chômage a baissé pour atteindre un niveau sans précédent depuis une quinzaine d’années. Le déficit de la balance commerciale est revenu en dessous des 100 milliards d’euros après avoir atteint, en 2022, plus de 160 milliards d’euros. La France se réindustrialise et attire de nombreuses entreprises étrangères. Enfin, le taux d’épargne des ménages demeure élevé (plus de 17,5 % du revenu disponible brut), facilitant ainsi le financement des déficits publics.
Bien sûr, les investisseurs pourraient rapidement changer d’avis en cas d’absence de budget d’ici la fin de l’année ou de présentation d’un projet irréaliste, comme ce fut le cas au Royaume-Uni en 2022. Le gouvernement de Liz Truss avait alors élaboré un budget comprenant d’importantes baisses d’impôts non financées, ce qui avait entraîné une chute de la livre sterling et une hausse des taux souverains.
Une instabilité politique avec des censures à répétition contre les gouvernements successifs accroîtrait également le sentiment de défiance à l’égard de la France. Celle-ci ne pourra pas indéfiniment se reposer sur l’euro et la Banque centrale européenne. À ce sujet, afin de ne pas se retrouver en porte-à-faux, Christine Lagarde s’est, jusqu’à maintenant, abstenue de tout commentaire sur une éventuelle intervention de la BCE en cas de crise financière en France. Le caractère systémique de cette dernière poserait évidemment un problème majeur à l’Union européenne.
La France et l’Union européenne ne peuvent pas se permettre une nouvelle crise de grande ampleur.
Huit ans après le Brexit, quatre ans après l’épidémie de Covid-19, et deux ans après le déclenchement de la guerre en Ukraine, la France et l’Union européenne ne peuvent pas se permettre une nouvelle crise de grande ampleur. Le temps presse pour éviter l’enclenchement d’un compte à rebours fatal. Sortir du « triangle des Bermudes budgétaire » dans lequel la France s’est placée sera un exercice de haute voltige, reposant sur une réduction des dépenses et, sans doute, des augmentations d’impôts, en quelques mots, une véritable quadrature du cercle.
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