Dans la nuit du jeudi 28 au vendredi 29 novembre, quelques heures après la visite du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, au Tchad qui semblait s’être déroulée sans incident, la nouvelle est tombée, sans préavis, les autorités tchadiennes ont décidé « de mettre fin à l’accord de coopération en matière de défense » signé avec Paris en 1966. Après le Mali, le Burkina Faso et le Niger, d’où la France a été chassée par les juntes militaires qui y avaient pris le pouvoir, elle est désormais priée de retirer ses troupes du Tchad, souvent présenté comme le pilier de sa présence militaire au Sahel, mais aussi du Sénégal. Car peu avant le Tchad, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye avait annoncé dans une interview au Monde qu’il « n’y aurait bientôt plus de soldats français » dans son pays. Quelles seront les conséquences pour les 30 000 Français installés dans ces pays ? On fait le point pour les expatriés.
30 000 Français dans la région
Au Sénégal, La communauté française, plus de 25 000 personnes, est la première des communautés étrangères installées au dans le pays, essentiellement à Dakar. Bénéficiant du concept de la « Téranga » qu’on peut traduire par « hospitalité », les expatriés voient leur intégration facilitée dans la société sénégalaise. De plus, la Téranga se manifeste également dans la vie quotidienne des Sénégalais, à travers des gestes simples comme offrir un repas à un étranger ou l’aider à s’orienter. Cette attitude bienveillante contribue à créer un environnement agréable et convivial pour ceux qui choisissent de vivre au Sénégal, et elle est souvent citée comme l’une des principales raisons pour lesquelles les expatriés apprécient leur vie dans ce pays. Un pays où la communauté française est divisée en deux avec d’un côté les Français installés dans le pays depuis plusieurs générations et ceux qui sont arrivés depuis quelques décennies attirés par la croissance de son économie qui rend le pays attractif pour des PME-PMI françaises dans l’ensemble des secteurs d’activité.
Au Tchad, les Français sont nettement moins nombreux, entre 2000 et 5000 personnes. Leur présence est liée principalement à deux activités le soutien à nos troupes sur place et l’exportation de la Gomme arabique. Selon le service économique régional de l’ambassade de France au Cameroun, la gomme arabique représente une composante importante du commerce bilatéral franco-tchadien. Selon une revue de ladite institution qui date de 2018, « plus de 40 % des exportations en volume de gomme arabique du Tchad sont à destination de la France.
La fin de la Francafrique, une occasion ratée ?
Si la France a des liens avec ces pays, pour le meilleur et le pire, depuis des siècles, la politique lancée sous Jacques Chirac et reprise depuis par ses successeurs, à l’exception de Nicolas Sarkozy, n’a pas eu les résultats escomptés. En effet, si la fin de la Francafrique devait sonner l’heure d’une véritable indépendance pour les pays africains, ce fut au contraire l’occasion pour deux régimes impérialistes de se substituer à notre pays. Les premiers à avoir débarqué sur les sables du Sahel, ce sont le Chinois. Comme à leur habitude, c’est par la voie économique que ces derniers se sont imposés à coups de marchés géants et en ouvrant la vanne des financements. Avec un effet pervers, la perte de souveraineté sur certains pans de leur économie.
Puis les aléas de la géopolitique conduisirent la Russe à se pencher sur le berceau de l’humanité. Et l’ombre de Moscou s’est déployée rapidement sur le continent. Le comble, c’est que la porosité de certains pays africains s’appuie sur une rhétorique « anti-impérialiste ». Le Kremlin remporte l’adhésion de ces pays en jouant du ressentiment accumulé pendant l’époque coloniale… Pour en imposer une nouvelle variante ?
L’Afrique disparaît des cartes militaires françaises
Si les conséquences économiques, pour notre pays et ses industries, de ces changements sont ressenties par tous depuis déjà une décennie, c’est désormais le volet militaire qui s’effondre.
Ainsi, les bases françaises vont, après celles du Mali, du Burkina Faso et du Niger, disparaître du Sénégal et du Tchad. La présence militaire française sur le continent pourrait donc se limiter à quelques poignées de soldats en Côte d’Ivoire et au Gabon, ainsi qu’à une base à Djibouti. Elle, pourrait, donc, dans les prochains mois, se résumer à quelques centaines d’hommes en Afrique de l’Ouest et centrale. Il y a encore deux ans, outre 1 600 militaires stationnés en Afrique de l’Ouest et au Gabon, l’ancienne puissance coloniale comptait plus de 5 000 militaires au Sahel dans le cadre de l’opération « Barkhane » contre les groupes armés djihadistes.
Seule la base française de Djibouti, qui accueille 1 450 militaires, n’est pas concernée par ce plan de réduction d’effectifs. Paris souhaite en effet conserver un point d’appui stratégique dans ce petit pays bordant le détroit de Bab-el-Mandeb, à la sortie de la mer Rouge, où transite une grande part du commerce maritime mondial entre l’Asie et l’Occident.
Rester à la manœuvre
Malgré tout la France tente de maîtriser son désengagement pour en limiter les conséquences néfastes. C’était d’ailleurs la mission de l’ancien secrétaire d’État à la coopération Jean-Marie Bockel, « envoyé personnel » du président Emmanuel Macron en Afrique, sur l’avenir des relations entre la France et ses partenaires africains.
Seuls la Côte d’Ivoire, le Gabon et le Tchad étaient concernés par ses recommandations. Le Sénégal était traité à part, compte tenu de la situation politique dans le pays, disait-on à l’Élysée, ainsi que Djibouti, en raison de son importance stratégique comme porte d’entrée vers l’indo-pacifique. Une réduction de l’empreinte militaire était partout admise, sans qu’aucun chiffre ne soit avancé. Elle pourrait descendre « jusqu’à zéro », disait-on. Ailleurs, il était question de conserver un détachement de liaison, un socle permettant des déploiements sur mesure, en fonction des besoins de formation des armées partenaires ou des situations locales.
Mais les deux annonces faites ces derniers jours viennent mettre fin à cette (petite) ambition. Si à Paris, on plaidait pour un dispositif « respirant », en Afrique, les dirigeants semblent ne plus vouloir respirer « français ».
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