Le Royaume-Uni, un inquiétant excès de mortalité 

Le Royaume-Uni, un inquiétant excès de mortalité 

L’épidémie de Covid s’est traduite par une forte augmentation de la mortalité. Des pays, comme la Russie, les États-Unis, le Brésil ou le Royaume-Uni, ont été plus touchés que d’autres. Le Royaume-Uni se distingue de ses partenaires par une progression du nombre de décès qui avait commencé avant la crise sanitaire et qui tend à se poursuivre depuis. 

À la différence des autres Européens, l’espérance de vie des Britanniques a stagné dès le début des années 2010. À la naissance, elle s’élève à 81 ans en 2022, contre 80,1 ans en 2011. Si cette espérance de vie avait continué à croître comme dans les années 1980/2010, elle aurait dû dépasser 83 ans en 2022. Selon les calculs de « The Economist », entre 2012 et 2022, 700 000 Britanniques seraient morts de manière anticipée.

Inégalités sociales devant la mort 

La disparition des gains d’espérance de vie est avant tout de nature sociale. Entre le quartier le plus riche de Londres (Kensington) et le plus pauvre (Newham – Stratford), l’écart d’espérance de vie a augmenté pour atteindre plus de 18 ans pour les hommes. L’écart d’espérance de vie entre une femme dont les revenus sont parmi les 10 % les plus faibles et une femme dont les revenus figurent parmi les 10 % les plus élevés est passé de 6,8 à 7,7 années de 2011 à 2017. Pour les hommes, les écarts respectifs sont de 9 et 9,5 ans sur la même période. 

La stagnation de l’espérance de vie touche toutes les tranches d’âge. Les taux de mortalité ont stagné chez les nourrissons et augmenté chez les jeunes adultes et les personnes âgées entre 35 et 50 ans à la différence des évolutions constatées dans les autres pays européens. En neutralisant les effets de la Covid sur la mortalité (650 000 décès), l’excès de mortalité est évalué à 250 000.

Drogue, alcool, suicide 

Comme aux États-Unis, la mortalité liée à la consommation de stupéfiants est en progression. L’alcool et le suicide sont également pointés du doigt. Les morts violentes chez les jeunes (accidents de voiture et criminalité) sont également en hausse. L’Écosse est en première ligne pour les décès liés à la drogue. Le taux de mortalité lié à ce facteur y est quatre fois plus élevé qu’en Angleterre ou au Pays de Galles. Le Royaume-Uni est confronté à un déficit de prévention, de diagnostics et de soins. 

L’accès aux médecins et aux traitements est de plus en plus difficile sur certaines parties du territoire. Les hôpitaux sont saturés et sont contraints de reporter des opérations. Si ce phénomène s’est accentué avec la pandémie, il était déjà notable auparavant. Les Britanniques les plus pauvres sont diagnostiqués bien plus tard que ceux qui figurent parmi les 20 % les plus aisés. Pour le cancer, les premiers sont 20 % plus nombreux que les seconds à être diagnostiqués d’un cancer à un stade élevé.

Piquet de grève devant un hôpital en janvier 2023 à Londres ©Reuters/AFP

Un système fonctionnarisé 

La prévention dispose au Royaume-Uni de moyens financiers faibles, moins de 2 % du budget total de la santé. Or, des actions de sensibilisation et le recours à des diagnostics préventifs permettraient une augmentation de l’espérance de vie d’au moins un an. 

Au Royaume-Uni, la question de la présence des médecins dans les quartiers les plus pauvres se pose tout comme en France. Un médecin avec un cabinet dans une ville où les habitants ont des faibles revenus a 10 % de patients de plus et 7 % de revenus de moins que celui qui est installé dans une ville cossue. 

Le système de santé britannique diffère de celui de la France, en étant fonctionnarisé. Il n’en connaît pas moins les mêmes problèmes. L’acuité de ces derniers apparaît même plus élevée au vu des données sur l’espérance de vie. Le vieillissement de la population et les changements de mode de vie génèrent un surcroît de mortalité. 

La médecine, construite pour une population jeune et en augmentation dans un contexte de forte croissance, doit se transformer pour gérer un nombre croissant de personnes âgées. Le maintien d’un lien direct entre des équipes de santé et les patients constitue une priorité mais bute sur les effectifs disponibles et les capacités d’organisation des systèmes de santé de part et d’autre de la Manche.

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