Avec plus de 14 milliards d’euros de mises en recouvrement en 2022, comme prévu, le gouvernement a annoncé hier de nouvelles mesures de contrôle contre la fraude fiscale et douanière. Gabriel Attal veut notamment augmenter de 25% les contrôles des « gros patrimoines ». Quelles sont ces mesures ? Quel impact pour les Français de l’étranger ? Sont-il visés ?
Création d’un service d’élite contre les fraudes internationales
Gabriel Attal annonce que les sanctions seront durcies à l’égard des fraudeurs, notamment « pour les fautes les plus graves » pour lesquelles une « sanction d’indignité fiscale et civique » pourra être prononcée, sous la forme d’une privation de réduction ou de crédit d’impôt ainsi que du droit de vote « pendant une certaine durée », a dit le ministre. Il a également annoncé la création d’un service de renseignement fiscal à Bercy consacré à la lutte contre les grandes fraudes internationales, doté d’une centaine « d’agents d’élite » d’ici la fin du quinquennat, qui utiliseront les techniques de renseignement comme « les écoutes, la captation de données, la pose de balises ».
La cible des plus fortunés et des multinationales est donc clairement affichée. Elle a aussi des objectifs politiques : l’exécutif prend les devants par rapport à la publication d’une étude explosive de l’Institut des Politiques publiques (Ecole d’Economie de Paris), en collaboration avec la Direction générale des Finances publiques (DGFIP). Attendue à la fin mai, elle devrait démontrer que les ultra-riches arrivent à éviter massivement l’impôt. Un évitement lié à des montages d’optimisation fiscale, parfois à la limite de la légalité. En mettant l’accent sur les grandes fortunes, Bercy veut aussi faire taire les critiques sur les « cadeaux » aux plus aisés et aux grandes entreprises, au début du premier quinquennat Macron.
Les nouvelles mesures de lutte contre la fraude fiscale et douanière
Le plan dévoilé mardi par le gouvernement précise les objectifs et les moyens qui seront mis d’ici 2027 pour lutter contre la fraude fiscale et douanière :
- Les effectifs du contrôle fiscal et de la lutte contre la fraude fiscale seront augmentés de 15% d’ici la fin du quinquennat, soit 1 500 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires.
- Création d’un Conseil de l’évaluation des fraudes, présidé par le ministre délégué chargé des Comptes publics et qui rassemblera les administrations compétentes, des personnalités et experts qualifiés et des parlementaires. Ils s’assureront de la fiabilité des estimations produites.
- Restauration de la douane à la fois dans ses pouvoirs de constatation des infractions sur le terrain, mais aussi dans ses prérogatives d’investigation contre les trafics.
- Création d’une cellule de renseignement fiscal avec plus de moyens contre la dissimulation d’avoirs à l’étranger dans les paradis fiscaux et les entités opaques comme les trusts, le recours à des cabinets de défiscalisation et l’optimisation abusive des grandes multinationales.
- Création d’une initiative internationale en faveur de la transparence fiscale afin de partager plus rapidement et efficacement les informations utiles entre États.
- Renforcement de la capacité de l’administration à détecter et sanctionner les prix de transfert abusifs des multinationales.
- Extension du modèle de la « police fiscale » à toutes les fraudes aux finances publiques
Des mesures en préparation sur la fraude sociale
Tout en ciblant les plus aisés, le ministre insiste parallèlement sur l’idée d' »alléger la pression sur le petit contribuable, le petit patron, en massifiant « les régularisations plutôt que d’avoir recours aux contrôles et en instaurant « une remise de pénalité automatique pour la première erreur ». Autre geste vers le commun des contribuables : la création d’une « pénalité inversée automatique en faveur du contribuable en cas d’erreur de l’administration », a promis M. Attal.
Ce seront « 1.500 effectifs supplémentaires » qui seront dédiés à la lutte contre la fraude fiscale d’ici 2027, a-t-il encore indiqué. Gabriel Attal avait rappelé la semaine dernière qu’en matière de fraude fiscale, « on a eu l’an dernier 14,6 milliards d’euros de mises en recouvrement notifiées par la DGFiP ». Concernant la fraude sociale, « on a recouvré 800 millions d’euros de cotisations sociales non versées du côté de l’Urssaf ». Il prépare aussi des mesures de lutte contre les fraudes sociales qui seront présentées « d’ici la fin du mois » de mai, a-t-il précisé.
La publication de ces chiffres suscite des critiques de la part de l’opposition : « Je crois vraiment qu’on en fait trop avec ces chiffres, réagit Éric Bocquet, sénateur communiste auteur de rapports parlementaires sur le sujet. On ne peut que se féliciter de ces milliards récupérés, évidemment. Mais tous les ministres se félicitent chaque année de résultats mirifiques, de recouvrements extraordinaires… Je tiens à rappeler qu’entre 2010 et 2018, les résultats oscillaient entre 16 et 21 milliards d’euros », a-t-il lancé sur Public Sénat. Cela placerait l’année 2022 en dessous des années 2010. « Il y a beaucoup de communication autour de ce sujet ». A voir si le plan détaillé, présenté ce mardi, pourra convaincre les sceptiques sur cette nouvelle initiative face à la fraude fiscale.
Une cellule gouvernementale dédiée à la régularisation
Un autre changement important est qu’à l’avenir, les contribuables seront automatiquement dispensés de pénalités à la première erreur. Ils n’auront donc plus à demander une remise de pénalités auprès du service des impôts, ni même à prouver leur bonne foi pour en bénéficier.
Un changement que redoute Olivier Villois, secrétaire général de la CGT Finances publiques. « Ce qui est gênant, c’est que n’importe quelle erreur permettra la remise de pénalités automatiques », note-t-il au micro d’Europe 1. « Avec le droit à l’erreur actuel, toutes les erreurs ne pouvaient pas faire l’objet d’une dispense de pénalités. Là, il n’y a pas de différenciation », souligne-t-il, estimant qu’il s’agissait d’une « porte ouverte à la fraude » : « Certains vont se dire ‘si je me fais avoir, j’aurai une remise des pénalités et je paierai ce que je devais régler initialement' », imagine Olivier Villois.
Face à ce risque de fraude, le gouvernement prévoit de créer une cellule dédiée à la régularisation qui sera dotée de 200 agents.