Le meilleur des mondes - la décroissance ?

Le meilleur des mondes - la décroissance ?

En 2020, les pays occidentaux réalisent une expérience unique, celle d’une décroissance organisée pour sauver des vies. En 1972, le Club de Rome réunissant des scientifiques, des économistes, des fonctionnaires nationaux et internationaux, ainsi que des industriels de 52 pays, avait dans le cadre du rapport Meadows, prôné une régression économique non pas au nom de la santé publique mais au nom de la défense de l’environnement et d’une conception de l’Homme. 

La réduction d’un dixième de la création de richesse sur un an n’a jamais été réellement modélisée pour qu’on puisse en mesurer les conséquences économiques, sociales et psychologiques à court et moyen terme. Elle s’accompagne certes d’une réduction des émissions des gaz à effet de serre qui restera néanmoins modeste au regard des objectifs pris dans le cadre des accords de Paris en 2015

S’affranchir des règles économiques

Cette attrition générale est pour le moment supportable car elle est compensée, en grande partie, par les pouvoirs publics. Les dispositifs de soutien permettent le maintien des revenus des ménages. Depuis le mois de mars, la facilité budgétaire et monétaire est d’une telle évidence que certains estiment qu’elle peut durer presque éternellement, qu’elle peut tout résoudre d’un coup de baguette magique et que le monde peut définitivement s’affranchir des lois économiques. A partir du moment où la rigueur budgétaire n’a plus de raison d’être, en vertu de quoi ne faudrait-il pas s’autoriser à être licencieux ?

Un monde en régression 

C’est oublié que la vie sur terre est régie par un principe, la rareté, c’est-à-dire le caractère fini de toutes les ressources, que ce soient les matières premières, l’énergie, l’eau ou le travail. Le système de prix permet les échanges mais aussi de mesurer la rareté et d’en fixer la valeur. S’il se grippe, c’est l’ensemble du système économique qui est en jeu. 

Dans un monde en régression, il y a moins de production et moins de travail mais les besoins demeurent. Il faut se nourrir, se loger, financer les retraites, la santé, l’éducation ou les infrastructures. Dans de très nombreux pays, ces besoins sont loin d’être satisfaits. La création artificielle de monnaie déconnectée de la production peut faire illusion tant que le système de répression financière instituée par les banques centrales et les États perdurera. 

En acceptant de renoncer à la consommation et à l’investissement pour financer à perte les déficits publics, les ménages et les entreprises auto-alimentent la régression générale.

Réallocation des richesses et des pouvoirs 

Dans l’histoire, les périodes de fortes attritions, qui sont le plus souvent occasionnées par des guerres ou les épidémies, sont marquées par une forte montée de la violence qu’elle soit d’ordre publique ou privée. L’appropriation des biens, des terres, des capitaux s’effectue non plus en fonction des mérites ou de l’argent accumulé de manière légale mais par la force, par des moyens illégaux. 

Dans ces périodes, les plus faibles sont les premières victimes, ce qui traduit une montée des inégalités. À un moment ou un autre, les monnaies des pays les moins productifs pourraient être remises en cause. Une réallocation des richesses et des pouvoirs pourrait survenir. Elle serait organisée soit par des entreprises mondiales pouvant s’affranchir des lois nationales, soit par des États qui auraient pris un ascendant sur les autres à l’image des États-Unis en 1945. 

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

    Voir toutes les publications
Laisser un commentaire

Laisser un commentaire