Lors du 25ème anniversaire du marché unique l’année dernière, la Commission l’avait qualifié de « meilleur atout de l’Europe dans un monde en mutation ». La résilience du marché unique aux chocs externes et internes doit absolument être renforcée.
Dans les conclusions du Conseil européen des 13 et 14 décembre 2018, les dirigeants ont reconnu le marché interne comme le meilleur atout du bloc pour garantir le bien-être des citoyens, la croissance inclusive et la création d’emploi, mais également comme un moteur essentiel d’investissement et de compétitivité mondiale.
Le marché unique a amélioré la vie des citoyens et des entreprises à travers l’Europe, en créant l’une des plus grandes économies au monde et en rapportant des bénéfices économiques estimés à 8,5 % du PIB de l’UE.
Malgré tous ces accomplissements, le vice-président de la Commission en charge de la compétitivité, Jyrki Katainen, a insisté durant la célébration d’anniversaire au Berlaymont sur le fait qu’avant les élections européennes, il fallait « rappeler aux citoyens que le marché unique améliore nos vies au quotidien ».
« Le risque existe aujourd’hui que les gens prennent le marché unique pour acquis. Nous avons activement discuté de cela avec nos membres », a déclaré Hubert Weber, président de FoodDrinkEurope.
Son organisation représente le secteur des boissons et des aliments de l’UE, un secteur privilégié puisqu’il s’agit du plus gros contributeur à l’économie européenne en termes de chiffres d’affaires de fabrication, d’emploi et de valeur ajoutée brute.
« Le message que le marché unique est bon pour l’économie, pour les affaires, pour les travailleurs, les consommateurs doit résonner davantage », soutient la commissaire en charge de l’industrie, Elżbieta Bieńkowska, qui a déjà qualifié le marché unique de poumon de l’UE dans de précédentes déclarations.
PME
Les petites et moyennes entreprises (PME) dans l’industrie alimentaire et des boissons représentent neuf fabricants sur dix dans le secteur. Elles pourraient servir de paradigme pour souligner les futurs défis puisque ce sont elles qui ont le plus bénéficié de la création du marché unique.
La Commission européenne a proposé un nouveau programme de 4 milliards d’euros dans sa proposition de budget pour la période 2021-2027 pour permettre aux PME européennes d’exploiter pleinement le potentiel d’un marché unique très performant.
« Les grandes entreprises peuvent plus facilement faire face aux différentes exigences des différentes zones géographiques », a déclaré Hubert Weber de FoodDrinkEurope, « mais si les PME n’avaient pas de marché unique, elles concentreraient à nouveau leurs activités sur un seul pays, éliminant la variété et le choix qui existent aujourd’hui dans le secteur alimentaire européen ».
La bataille politique la plus dure de la législature qui vient de s’achever a probablement été celle contre les pratiques commerciales déloyales, qui visent à permettre aux PME et aux petits agriculteurs de tirer pleinement parti du marché unique.
La nouvelle législation sur les pratiques déloyales visait à rétablir les déséquilibres dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire de l’UE créés par les grands opérateurs contre les partenaires commerciaux ayant un faible pouvoir de négociation.
« Si je devais choisir une pratique déloyale qui nous tenait le plus à cœur, j’opterais pour l’abus de position dominante en termes de conditions de paiement », a déclaré Hubert Weber, ajoutant qu’ils continueraient à surveiller la mise en œuvre de cette nouvelle législation européenne dans les États membres par le biais des membres nationaux de FoodDrinkEurope.
Étiquetage et numérique
Une autre menace interne qui pèse sur la réalisation du marché unique vient de la question de longue date de l’étiquetage des denrées alimentaires.
« En ce qui concerne l’indication du pays d’origine, nous sommes très frustrés que la Commission Juncker n’ait pas mis en place une définition des principes de l’UE, permettant également à certains États membres de mettre en œuvre des systèmes nationaux volontaires d’étiquetage », regrette Hubert Weber.
Selon lui, la tendance à la prolifération de l’étiquetage national entrave le commerce au sein du marché intérieur. Même chose pour l’étiquetage des informations nutritionnelles, certains États membres développant des systèmes différents, comme la France l’a fait avec le « nutriscore ». Le Royaume-Uni a fait de même avec son système de feux de signalisation.
« Si vous êtes une petite entreprise, vous ne pouvez pas faire un emballage différent pour chaque pays », explique-t-il, ajoutant que le fait de ne pas s’entendre sur un cadre au niveau de l’UE ne fera que pousser les petites entreprises à quitter certains marchés. Dans le monde numérique d’aujourd’hui, des technologies comme les codes QR peuvent aider l’étiquetage des aliments à fournir toutes les informations dont les consommateurs ont de plus en plus besoin.
Toutefois, lorsqu’il s’agit du potentiel d’un marché unique numérique pour l’alimentation, Hubert Weber ne s’attend pas à un boom du commerce de détail en ligne dans les années à venir. En cause, la proximité des magasins d’alimentation presque partout en Europe, mais aussi le fait que les consommateurs européens veulent choisir personnellement les produits frais qu’ils achètent.
Menaces externes
Le marché unique doit également accroître la résistance aux chocs externes, comme l’ont montré récemment le Brexit et les tensions commerciales mondiales.
L’administration fiscale britannique (HMRC) estime que la charge administrative totale résultant de la seule déclaration en douane post-Brexit coûtera plus de 15 milliards d’euros des deux côtés de la frontière.
L’ensemble de la chaîne alimentaire, représentée par l’organisation des agriculteurs Copa-Cogeca, le groupe de coordination des négociants en produits agricoles CELCAA et FoodDrinkEurope, a récemment appelé à envisager des mesures « pragmatiques et temporaires » en matière de douanes, d’étiquetage, de sécurité alimentaire et de logistique.
Or, si l’objectif immédiat est d’éviter les conséquences d’un Brexit sans accord, un objectif à plus long terme est de construire une relation positive pour l’avenir, dans un esprit de bon voisinage.
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