Les Français ont un mauvais pressentiment. Ils sont nombreux à penser que la fin de l’épidémie rimera avec l’augmentation des prélèvements obligatoires. Une des raisons de leur engouement pour l’épargne ne serait pas sans lien avec cette crainte non dénuée de sens au vu de notre histoire économique. Le ministre de l’Économie a beau répéter que le gouvernement ne prévoit pas de relèvement des taxes ni des impôts, les Français ne le croient pas. Jour après jour, la succession de vagues de covid-19 accroît la dette publique qui est désormais sur la ligne des 120 % du PIB.
Depuis quarante-sept ans, la France accumule déficit sur déficit avec, à chaque crise, une amplification de leur montant, le retour de la croissance ne permettant pas de retrouver leur niveau antérieur. La récession de 1993 l’amena à 6,4 % du PIB, celle de 2009 à 7,2 % quand celle de 2020 le propulsera certainement au-dessus des 10 points.
Le choix collectif de l’endettement
De 1980 à 2020, la dette publique est ainsi passée de 20 à 120 % du PIB. Ce dérapage sans fin des comptes publics est vécu comme une fatalité. Les crises, la démographie, l’effort de défense sont autant d’excuses pour justifier le toujours plus de dépenses. Le choix collectif de l’endettement repose sur l’idée que les générations à venir auront les moyens de rembourser. Ce présupposé est, en fait, une facilité de l’esprit étant donné que les déficits sont, avant tout, constitués de dépenses courantes. Il repose également sur l’idée que les dépenses publiques quelles qu’elles soient, concourent à la croissance et donc au bien-être de tous. Leur diminution est impossible car elle aurait un effet récessif.
Croissance atone
Cette justification imparable n’empêche pas la France d’avoir une croissance atone depuis de nombreuses années. Les taux d’intérêt négatifs déstabilisent les tenants de l’orthodoxie budgétaire. Si emprunter ne coûte rien, pourquoi s’en priver ? Si les intérêts ont disparu, le capital devra être néanmoins remboursé à un moment ou un autre. Le maintien des taux négatifs n’est pas une garantie pour la nuit des temps. L’épargne abondante aujourd’hui pourrait se raréfier dans les prochaines années avec le vieillissement ou avec l’appauvrissement provoqué par la crise sanitaire. Une défiance à l’encontre des États pourrait légitiment s’installer aboutissant à une forte et rapide hausse des taux.
La boule de neige de l’endettement risque alors de provoquer une avalanche détruisant tout ou presque sur son passage.
Le problème du jour d’après
Face à cette menace, certains avancent l’idée du grand effacement, d’une remise à zéro des compteurs qui ne serait que la traduction d’une banqueroute déguisée. Le problème est le jour d’après. Les prêteurs demanderont d’importantes garanties pour prêter à nouveaux aux États indélicats. D’autres penchent en faveur d’une dette perpétuelle logée au sein des banques centrales qui sera rongée par l’inflation si celle-ci veut bien revenir.
Quelles que soient les hypothèses retenues, une hausse des prélèvements obligatoires sera à un moment ou un autre incontournable pour enrayer la spirale de l’endettement, à moins que la voie des économies budgétaires soit choisie. Cette antienne est un vœu pieux. Le rapport Pébereau de 2006 demandait déjà une réduction immédiate et profonde des dépenses publiques. Leur reflux sera sans nul doute un combat car la crise sanitaire donne lieu à une socialisation sans précédent des revenus des ménages modifiant le rapport à l’argent et à la création de richesses.
La dépense publique est un symbole de pouvoir
La dépense publique est un symbole de pouvoir amenant les collectivités publiques à multiplier les équipements et les créations d’emploi, même en pleine crise. L’abandon de ces pratiques relève des douze travaux d’Hercule tout comme la revalorisation du travail et de l’innovation.
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Bonne lecture. Agréable et bien documentée. Un vrai plaisir. Cependant, il manque un scénario pour la résolution du problème du jour d’après. Une dévaluation soit volontaire (peu probable car excessivement coûteuse politiquement et une réminiscence de mauvais souvenirs en Europe), soit de fait, immédiate (peu probable) ou progressive (scénario inflationniste), ou un mélange de tous ces éléments. Le marché des changes est le plus gros des marchés financiers, faisant celui des actions un nain en comparaison. Le marché des changes montre déjà un retour à la volatilité des monnaies et l’émergence des crypto-monnaies contribue à transformer « pour toujours » des équilibres monétaires établis jusque à maintenant. Faire face à un pays qui décidera de faire du dumping monétaire pour réduire sa dette et améliorer sa position concurrentielle demandera obligatoirement des ajustements. Les politiques fiscales et monétaires sont coincées dans une impasse. L’altération viendra donc des marchés qui ajusteront les valeurs des monnaies selon leurs propres critères.