Aux États-Unis comme en Europe, l’heure est au grand retour du colbertisme combinant interventionnisme étatique et protectionnisme. À grand renfort de presse, les gouvernements vantent le lancement d’usines de batteries, de microprocesseurs ou de panneaux solaires. Ils entendent décarboner les économies, relocaliser certaines productions et modifier le comportement des consommateurs. En France, les mots « économie de guerre », « nationalisation » et « planification » ont été ressortis de la naphtaline comme le signe CNR signifiant désormais « Conseil National de la Refondation », qui fait référence au fameux « Conseil National de la Résistance » de la fin de la Seconde Guerre mondiale, Conseil dont furent issues plusieurs grandes lois sociales dont celles instituant la Sécurité sociale.
Toujours en France, l’État impose à un fabriquant de batteries, en contrepartie des aides reçues, qu’une partie de sa production soit réservée aux entreprises françaises. Le ministre de l’Économie fait pression sur les chefs d’entreprises afin qu’ils baissent leurs prix.
Des mesures sans précédent en période de paix
Aux États-Unis, avec l’Inflation Reduction Act, l’État subventionne à coup de centaines de milliards de dollars les entreprises souhaitant créer des usines sur son territoire en lien avec le développement durable. L’Union européenne fait de même avec notamment son plan Next Generation. Cette dernière a décidé l’instauration d’une taxe carbone aux frontières jouant le rôle de droits de douane et constituant des barrières à l’entrée du marché unique pour les productions issues des pays émergents moins avancés que les États européens en matière de décarbonation de leurs activités.
L’épidémie de Covid-19 a amené les États à prendre des mesures sans précédent en période de paix tant sur le plan sanitaire qu’économique. Le pli étant pris, il est difficile de se défaire des habitudes surtout quand les crises se succèdent. Cet interventionnisme tous azimuts reçoit l’assentiment d’une grande partie de la population qui estime que l’économie de marché, affublée du qualitatif d’ultralibérale, est responsable de nombreux maux dont le réchauffement climatique et les délocalisations synonymes de déclassement.
L’État autrefois décrié est à nouveau paré de toutes les qualités nécessaires
Le marché est jugé myope et incapable de faire face au défi de la décarbonation. L’État autrefois décrié est à nouveau paré de toutes les qualités nécessaires pour sortir les économies des ornières dans lesquelles elles s’enlisent depuis plusieurs années. C’est oublier que dans le passé, l’interventionnisme, le dirigisme et surtout le protectionnisme n’ont pas toujours obtenu les résultats escomptés. Les aides, les subventions, les systèmes d’autorisation préalables réduisent la concurrence, favorisent les entreprises installées et fortes de leurs relations avec les pouvoirs publics. Sans la sanction du marché, le risque d’une mauvaise allocation de l’épargne est important et les surcoûts, les dépassements, peuvent être légion.
Le colbertisme est synonyme de prix plus élevés et donc d’un pouvoir d’achat amputé
Les plans Calculs lancés par le Général de Gaulle ou Georges Pompidou n’ont pas réussi à doter le pays d’un puissant secteur informatique. La réussite du nucléaire a été réelle mais son coût fut élevé et n’a pas été sans revers comme en témoignent les difficultés de l’EPR. La réalisation d’un large réseau autoroutier n’a été possible qu’à partir du moment où l’État a accepté le principe des concessions. Le colbertisme est souvent synonyme de prix plus élevés pour les consommateurs et donc d’un pouvoir d’achat amputé. Il en est de même avec le protectionnisme.
Des tarifs Méline de 1892 au Bloc Or, la France a une véritable tradition en la matière. La population y est naturellement favorable comme le prouvent régulièrement les psychodrames provoqués par la signature de traités commerciaux avec tel ou tel pays. L’ouverture au commerce international a toujours été réalisée dans la douleur que ce soit avec le traité de libre-échange franco-britannique de 1864 de Napoléon III ou avec la décision du Général de Gaulle en 1958 d’accepter d’intégrer le marché commun issu du Traité de Rome. La fermeture des frontières a toujours été un symptôme et un catalyseur de déclin.
Au milieu du XVe siècle, la dynastie Ming met fin aux expéditions maritimes. Elle ferme ses ports et ses frontières aux bateaux et aux voyageurs étrangers, menant la Chine, alors première puissance économique mondiale, à sa marginalisation. Après le krach de 1929, le choix par les grandes puissances de l’autarcie a aggravé la crise et favorisé la montée de l’extrémisme. A contrario, depuis quarante ans, si une classe moyenne de plus de trois milliards de personnes s’est développée, en particulier, au sein des pays émergents, cela n’a été rendu possible que par leur participation au commerce international.
La fermeture des frontières, un symptôme et un catalyseur de déclin.
Refermer les frontières alimente les tensions géopolitiques. L’économie de marché dispose de nombreux atouts surtout quand elle intègre le facteur social. Une grande partie de son inefficience provient du manque de concurrence ; le développement d’oligopoles ces dernières années a favorisé celui d’un système de rentes nuisible à la bonne allocation des ressources. À la sortie de Seconde Guerre mondiale, les Nations sous l’impulsion des États-Unis avaient décidé de fixer des règles économiques et financières qui ont permis la reconstruction et l’avènement d’une forte croissance.
Depuis la crise de 2008/2009, cet esprit de coopération se délite avec l’avènement d’un monde fragmenté. La question environnementale qui est par nature globale ne peut pas se résoudre sans une intense coordination et régulation mondiale. La mise en place d’une tarification carbone suppose des aides en faveur des pays en développement comme cela a été prévu aux Accords de Paris, faute de quoi l’incompréhension entre le Nord et le Sud ne fera que s’accroître.
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