Le dollar, la clef de voûte de la politique économique américaine

Au premier trimestre 2019, le dollar reste de loin la première monnaie de réserve. 62% des réserves de changes sont en dollars au niveau mondial. L’euro arrive en deuxième position (22%) suivi par le yen (5%) et la livre sterling (4%). Le yuan (RMB) arrive loin derrière (2%) malgré la place de première puissance commerciale occupée par la Chine. Cependant depuis le début du siècle, les monnaies occidentales reculent dans les réserves de changes. Ce repli est assez net pour le dollar qui a perdu 6 points depuis 2002. De son côté, le poids de l’euro dans les réserves de changes s’est contracté de 2 points. Les devises des pays émergents ainsi que celles de l’Australie ou du Canada ont en vingt ans gagné plus de 6 points. Il est à noter que la monnaie chinoise n’a accru son poids que d’un point.

L’euro ne profite pas du recul du dollar en raison de la politique monétaire mise en œuvre depuis la crise des dettes souveraines en 2011 et des incertitudes tant économiques que politiques. Le différentiel des taux d’intérêt à 10 ans entre la zone euro et les États-Unis est de deux points depuis 2014, incitant les investisseurs à privilégier les placements en dollars ; ce qui entretient l’appréciation de cette devise.

La force du dollar provient de la profondeur de son marché financier qui offre un grand nombre de titres disponibles aux non-résidents. Les marchés financiers chinois ou japonais sont plus étroits et moins transparents pour les investisseurs étrangers. En Chine, les non-résidents ne détiennent que 5% des titres publics du pays. Ce taux est de 13% au Japon. Pour la zone euro, des taux supérieurs à 50% sont enregistrés pour certains pays.

Le dollar bénéficie indéniablement de la puissance économique mais aussi militaire des États-Unis. La devise américaine est une valeur refuge. En période d’incertitudes, les investisseurs se désengagent des régions à risques pour placer leur argent sur les marchés financiers américains.

Pour les États-Unis, le dollar est un outil à plusieurs facettes. Étalon mondial, monnaie des échanges et des réserves, c’est aussi une arme diplomatique de première envergure comme cela a pu être constaté dans le cadre des embargos décidés à l’encontre de l’Iran.

Le dollar par son rôle, par sa valeur ainsi que par les taux d’intérêt qui y sont associés est un vecteur de croissance pour les États-Unis. En captant une part non négligeable de l’épargne mondiale, les États-Unis peuvent ainsi financer leurs déficits budgétaire et commercial.

Le déficit public américain a atteint 6% du PIB en 2019, en forte progression depuis l’arrivée de Donald Trump à la présidence. La dette publique se rapproche des 120% du PIB (118% en 2019 contre 110% en 2016). La balance courante est déficitaire de plus de 3% du PIB, la dette extérieure dépasse désormais 50% du PIB. L’encours des titres du Trésor américain détenus par des non-résidents est passé, selon la Réserve Fédérale, de 2000 à 6 800 milliards de dollars de 2007 à 2019.

Du fait de l’abondance de l’épargne à l’échelle mondiale, la baisse des taux d’intérêt n’a pas eu d’incidence sur les flux de capitaux dont profitent les États-Unis. La valeur refuge l’emporte sur l’effet rendement. Donald Trump demande à la Réserve Fédérale d’abaisser ses taux directeurs afin de favoriser la croissance et de peser sur le cours du dollar. Le Président américain estime que les États européens en dépréciant sciemment leur monnaie prennent des parts de marchés indues aux États-Unis.

Une baisse des taux d’intérêt Outre-Atlantique et une dépréciation du dollar pourrait-elle remettre en cause le statut incontournable de ce dernier à l’échelle internationale? Les investisseurs pourraient-ils se détourner du dollar? Les Chinois pourraient-ils amplifier la vente des titres américains qu’ils détiennent? La place du marché américain constitue indéniablement un frein à une remise en cause brutale des équilibres de placements. Néanmoins, cela pourrait contribuer à des ajustements à la marge qui, sur longue période, pourraient peser.

Pour le moment, l’Arabie saoudite supplée la Chine dans l’achat des titres du Trésor américain. En cas de défiance des investisseurs étrangers, les Américains seraient contraints d’épargner plus ou de recourir à la création monétaire, ce qui risquerait d’augmenter la défiance à l’encontre du dollar. La nécessité d’avoir une plus forte d’épargne nationale pèserait sur la consommation et donc sur la croissance du pays. Les États-Unis n’ont rien à gagner sur le plan macro-économique à déprécier trop fortement leur monnaie et à diminuer leurs taux d’intérêt.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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