Le cri d’alerte de Sylvie Serrano séparée de ses enfants en Allemagne

Le cri d’alerte de Sylvie Serrano séparée de ses enfants en Allemagne

À la suite de la publication de notre article « Les conjoints suiveurs face au divorce », nous avons été contactés par une lectrice engagée : Sylvie Serrano, qui connaît ce sujet de l’intérieur pour l’avoir vécu douloureusement. Elle a résidé en Allemagne et a connu une descente aux enfers après son divorce qui l’a vu séparer de ses enfants. Elle a été ensuite poursuivie par la justice ? Et même emprisonnée. C’est un cri d’alerte qu’elle lance avec Lesfrancais.press.

Son témoignage poignant, désormais devenu livre et combat public, met en lumière un pan souvent méconnu des conséquences de la mobilité internationale : la séparation parentale à l’échelle transfrontalière. En toile de fond on retrouve les difficultés posées par le droit familial dans certains pays européens — en particulier l’Allemagne. La Française a souhaité médiatiser sa situation.  Elle lance d’ailleurs une association appelée Me Tiny. Dans l’entretien qu’elle nous a accordé elle nous explique pourquoi elle a aussi créé cette structure.

Le terme « conjoint suiveur » désigne le conjoint d’une personne expatriée, qui suit son partenaire dans un autre pays pour des raisons professionnelles. Depuis des années, cette réalité sociologique concerne nombre de nos compatriotes de l’étranger. Mais derrière se nichent parfois des drames silencieux. Quand la séparation frappe ces couples, quand vient l’heure du divorce, la situation des enfants peut devenir alors problématique. Voire dramatique. Surtout quand le droit du pays de résidence protège à l’outrance le résident national au détriment du conjoint suiveur. C’est ce que nous raconte

SYLVIE SERRANO
SYLVIE SERRANO

Une histoire personnelle devenue symbole

Dans son livre « Les escrocs de l’injustice », récemment publié aux éditions Maïa, Sylvie Serrano raconte son parcours de mère française expatriée en Allemagne. Cette ancienne conjointe d’un médecin munichois est contrainte en 2018 de quitter le territoire allemand sans pouvoir emmener ses enfants.

Aujourd’hui installée à Hossegor, elle n’a plus vu ses enfants depuis 5 ans. Suite à un différend avec son ex-conjoint, elle a été poursuivie par la justice allemande et condamnée par la justice française. Des peines qui interrogent pour une mère seulement préoccupée par le lien avec les siens. Elle dénonce cette situation d’« absurde et inhumaine ». Le pouvoir considérable de l’administration allemande de la jeunesse, le Jugendamt est pointé dans son livre.

Le rôle contesté du Jugendamt

Créé en 1922, cet office allemand de l’aide sociale à l’enfance est régulièrement dénoncé par des parents non allemands comme étant discriminatoire dans ses pratiques. La communication ne se fait qu’en allemand. L’office refuse presque systématiquement que les enfants mineurs quittent le territoire germanique. Et ses avis sont quasi systématiquement suivis par les juridictions familiales allemandes.

Les escrocs de l’injustice
Les escrocs de l’injustice

Ce problème dépasse les cas individuels : des centaines de dossiers sont en souffrance au Parlement européen, comme l’a rappelé l’ex-eurodéputé Édouard Martin. En 2018, une résolution du Parlement européen exprimait sa « vive inquiétude » quant à la fréquence des discriminations contre les parents étrangers.  Le droit européen et les conventions internationales semblent méprisées. En particulier la Convention de La Haye sur les enlèvements d’enfants.

Le mouvement MeTiny : une voix pour les mères

De cette épreuve, Sylvie Serrano a tiré une initiative : le mouvement MeTiny, contraction de Me + Tiny (Moi et mon tout-petit).  L’objectif est de donner une voix aux mères séparées de leurs enfants dans un cadre international. Le mouvement milite pour que les systèmes judiciaires prennent mieux en compte le lien mère-enfant dans les procédures de divorce et de garde transfrontalières. « Des milliers de mères sont invisibilisées, réduites au silence par la complexité des systèmes juridiques étrangers et l’opacité des décisions de justice. MeTiny veut porter cette parole et exiger une réforme à l’échelle européenne », explique Sylvie Serrano.

Une cause de plus en plus relayée

Le 1er juin dernier, nos confrères du quotidien Le Parisien ont consacré un article aux conséquences du système du Jugendamt sur les parents français. Ont été évoqués notamment le cas de Sylvie Serrano et d’autres mères dans la même situation. Des associations comme Ratatouille, Familles Francophones d’Europe, participe aussi à ce travail de sensibilisation, souvent dans une relative indifférence politique.

Une mobilisation nécessaire

Alors que la mobilité européenne est encouragée, ces situations montrent l’envers du décor : le statut précaire des conjoints suiveurs, souvent sans emploi local, sans autonomie juridique, et en position de grande vulnérabilité au moment de la séparation. Ce sont majoritairement des femmes.

Sylvie Serrano lance un appel aux lecteurs expatriés de Lesfrancais.press : « Cette cause vous concerne peut-être, directement ou indirectement. MeTiny a besoin de soutien, de relais et d’engagement. »

Rencontre avec Sylvie Serrano

Nous avons pu échanger avec cette mère courageuse et combative.

Lesfrancais.press : « Vous avez vécu l'expérience traumatique d'être séparée durablement de vos enfants après votre divorce en Allemagne. Pouvez-vous nous raconter votre histoire ? »

Sylvie Serrano : « Mon histoire est contenue entièrement dans mon livre. Vous comprendrez que j’ai été séparée 2 fois d’avec mes enfants : en 2014, mes fils avaient alors 8, 10 et 13 ans, j’ai été séparée pendant 9 mois. Je suis alors retournée à Munich, ne voulant plus être éloignée d’eux. Mais je suis séparée d’eux désormais depuis 2020, mes fils avaient alors 14, 16 et 19 ans, cela fait 5 ans maintenant.

« Je dénonce dans mon livre la rudesse de la justice allemande avec le parent non-allemand »

J’ai été depuis condamnée à une peine de prison de 18 mois pour un différend familial avec mon ex-mari, (peine totalement démesurée par rapport au délit), j’ai connu la fuite, Interpol, la prison en Italie, une évasion… Je me suis rendue alors à la justice française, qui doit appliquer la peine allemande : 9 mois de bracelet électronique à partir du 1er octobre prochain. La demande de grâce a encore été refusée par la justice bavaroise et je souhaite faire intervenir le gouvernement français. Je dénonce dans mon livre la rudesse de la justice allemande avec le parent non-allemand. »

Lesfrancais.press : « Vous avez écrit ce livre poignant et engagé pour attirer l'attention de l'opinion sur ce sujet difficile. Avez-vous des retours des pouvoirs publics et pensez-vous faire bouger les lignes ? »

Sylvie Serrano : « Je n’ai pas encore reçu de retour officiel des pouvoirs publics, mais c’est bien mon objectif ultime. Mon livre, tout juste paru, marque le point de départ d’un engagement public fort. Avec la parution d’un article dans Le Parisien, je compte mettre en lumière le mouvement #MeTiny que j’ai fondé.

« J’ai la conviction que les lignes peuvent bouger, à condition que nous soyons nombreux à les pousser ensemble »

Je vais mobiliser tous les canaux possibles — réseaux sociaux, médias, presse, émissions télé — pour faire entendre cette cause essentielle : protéger le lien mère-enfant, surtout dans les procédures judiciaires. C’est un combat international. Une pétition internationale, disponible en plusieurs langues, est en cours pour faire entendre la voix des mères et des enfants au-delà des frontières, car elle constitue un levier important pour interpeller les autorités et démontrer l’ampleur du soutien citoyen. J’ai la conviction que les lignes peuvent bouger, à condition que nous soyons nombreux à les pousser ensemble. »

Lesfrancais.press : « Le mouvement #MyTiny connaît son essor. Quel message faites-vous passer à celles qui souhaiteraient vous rejoindre ? »

Sylvie Serrano : « Le mouvement #MeTiny est né d’une expérience personnelle douloureuse, mais il porte aujourd’hui une voix collective : celle de toutes les mères (et de leurs enfants) confrontées à une injustice silencieuse. Ce sujet est encore très méconnu, mais il détruit des vies.

« Il est essentiel que la justice replace la relation mère-enfant au cœur de ses priorités, sans jamais la confondre avec les conflits juridiques ou financiers opposant les parents »

MeTiny milite aujourd’hui pour que soit votée une loi imposant la présence obligatoire d’experts indépendants – psychologues, pédopsychiatres, psychiatres – lors des audiences devant les juges aux affaires familiales. Le bien-être psychologique et émotionnel de l’enfant doit être réellement pris en compte dans chaque décision. Il est essentiel que la justice replace la relation mère-enfant au cœur de ses priorités, sans jamais la confondre avec les conflits juridiques ou financiers opposant les parents. L’intérêt supérieur de l’enfant doit redevenir la seule et unique boussole de chaque décision. Ces réalités doivent être portées et reconnues par les plus hautes instances internationales, telles que le Parlement européen, l’ONU et Amnesty International. »

Auteur/Autrice

  • Boris Faure est l'ex 1er Secrétaire de la fédération des expatriés du Parti socialiste, mais c'est surtout un expert de la culture française à l'étranger. Il travaille depuis 20 ans dans le réseau des Instituts Français, et a été secrétaire général de celui de l'île Maurice, avant de travailler auprès des Instituts de Pologne et d'Ukraine. Il a été la plume d'une ministre de la Francophonie. Aujourd'hui, il collabore avec Sud Radio et Lesfrancais.press, tout en étant auteur et représentant syndical dans le réseau des Lycées français à l'étranger.

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