Coup de semonce inédit. Le vice-président de la Commission européenne, chargé notamment des services financiers, Valdis Dombrovskis, a critiqué sans détours le traitement de l’affaire Danske Bank par l’Autorité bancaire européenne (ABE). Dans un entretien au Financial Times et sur Twitter, le commissaire letton a regretté la clôture de l’enquête de l’ABE sur le scandale de blanchiment qui a secoué la première banque danoise.
« Décevant : l’ABE n’a pas agi à l’égard de l’un des plus grands scandales de blanchiment d’argent en Europe », a-t-il écrit sur Twitter ce lundi 29 avril. « La Commission européenne a proposé un renforcement accru des pouvoirs de l’ABE en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, mais pour être efficace, cela nécessite une transformation de la manière dont les décisions sont prises au sein de l’ABE », a-t-il fait valoir.
Manquements et débats
Le 17 avril dernier, le superviseur bancaire a annoncé la fin de son enquête formelle sur de possibles infractions à la législation européenne des autorités financières estonienne et danoise dans le cadre des activités de blanchiment de Danske Bank et sa filiale estonienne. Pour mémoire, quelque 200 milliards d’euros d’opérations, sur une période allant de 2007 à 2015, principalement depuis des comptes de non-résidents estoniens, ont été jugées suspectes, selon un audit indépendant commandité par la banque.
« Lors d’un vote au cours de sa réunion du 16 avril 2019, le conseil des autorités de surveillance de l’ABE a rejeté une proposition recommandant la [constatation] d’une infraction au droit de l’Union », avait indiqué l’Autorité dans un bref communiqué.
Le conseil est composé du président de l’ABE et des représentants des 28 régulateurs nationaux (l’ACPR, adossée à la Banque de France par exemple). Pourtant, le rapport d’enquête qui avait été présenté « avait identifié quatre infractions » à la réglementation dans la façon dont les deux autorités, danoise et estonienne, avaient supervisé Danske, notamment le défaut de coopération, et leur recommandait de prendre des mesures, selon le Financial Times.
« Manquements »
Le président par interim de l’ABE, Jo Swyngedouw, a reconnu la constatation de « manquements » dans des courriers à la direction générale de la Justice et des Consommateurs de la Commission, et au groupe des eurodéputés verts, datés du vendredi 26 avril.
« Un certain nombre de membres du conseil des autorités de surveillance, tout en reconnaissant, avec le recul, des manquements dans le contrôle exercé par les deux autorités, a considéré que ces manquements ne constituaient pas une infraction au droit de l’Union et, de manière plus générale, a remis en cause l’utilisation de cet outil juridique dans des dossiers couvrant des périodes antérieures à l’application de la quatrième directive anti-blanchiment », indique-t-il.
Un membre du conseil des autorités de surveillance aurait voté en faveur des recommandations du rapport, de nombreux autres se seraient abstenus, selon le Financial Times.
« Manifestement les autorités nationales de surveillance ont voulu enterrer le scandale et se protéger mutuellement », a réagi Pervenche Berès, présidente de la délégation socialiste française et rapporteure sur la réforme des Autorités de supervision européenne (ASE/ESA) au Parlement européen. « Ce scandale Danske Bank n’est pas un scandale européen, c’est celui des limites de l’intergouvernemental en Europe ! » a-t-elle estimé.
L’affaire Danske Bank fait l’objet de plusieurs enquêtes, au Danemark, au Royaume-Uni, aux États-Unis et en France depuis février dernier.
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