L’Allemagne se caractérise par la force de son industrie qui représentait, en 2021, 19,5 % du PIB, contre 13,5 % en zone euro (hors Allemagne). Si dans les autres pays, le poids de l’industrie a eu tendance à diminuer ces vingt dernières années, il s’est accru Outre-Rhin de deux points de PIB. L’emploi dans le secteur manufacturier a moins diminué en Allemagne que dans les autres pays de la zone euro. De 1998 à 2021, il est respectivement passé de 20 à 16,5 % de l’emploi total et de 18 à 11 %. Le solde de la balance commerciale industrielle atteint 8 % du PIB en Allemagne (2021), contre 0,2 % pour la zone euro (hors Allemagne).
Au début des années 2000, l’Allemagne a ainsi opté pour une dérèglementation du marché du travail des services
Depuis les années 1950, l’Allemagne a toujours mis en œuvre des politiques visant à conforter la puissance de son industrie. Le choix d’un mark fort en était une des illustrations. La réévaluation du mark permettait de réduire le coût des importations et de valoriser les exportations tout en obligeant les entreprises à se positionner sur le haut de gamme. Avec l’introduction de l’euro, les gouvernements allemands ont continué à favoriser l’industrie en recourant à d’autres outils. Au début des années 2000, l’Allemagne a ainsi opté pour une dérèglementation du marché du travail des services (mini-jobs, contrainte de retour à l’emploi pour les chômeurs). Elle a également mis en œuvre une baisse des cotisations sociales des entreprises tout en freinant les hausses de salaires, ceux des services restant nettement inférieurs à ceux de l’industrie. Le salaire par tête moyen est passé dans l’industrie de 1998 à 2021 de 28 000 à 49 000 euros quand celui des services est passé de 18 000 à 32 000.
L’Allemagne importe deux fois plus de biens intermédiaires que la France
L’Allemagne a favorisé l’adoption de politiques libres échangistes qui lui permettent tout à la fois d’importer à moindres coûts et d’exporter à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Union. Les entreprises industrielles allemandes ont réduit leurs coûts de production en recourant aux importations de biens intermédiaires en provenance des pays d’Europe centrale. Les coûts de production de ces derniers sont 40 % inférieurs à ceux de l’Allemagne. Les importations en provenance de ces pays représentent 5 % du PIB en Allemagne, contre 3 % pour la zone euro (hors Allemagne). L’Allemagne importe deux fois plus de biens intermédiaires que la France.
L’Allemagne a fortement accru ses exportations vers l’Union de 1998 à 2007. Elles sont passées de 14 à 23 % du PIB. Après la crise financière, avec la stagnation de la zone euro, les entreprises allemandes ont privilégié les pays émergents. Les exportations en dehors de l’Union sont passées de 12 à 18 % du PIB entre 1998 et 2021. Depuis 2016, avec la fin de la récession en Europe, son poids au sein des échanges allemands est à nouveau en hausse. Il est passé de 20 à 22 % du PIB quand celui des exportations hors Union sont relativement stables.
L’industrie allemande a de forts besoins en énergie. Le choix opéré dans les années 1990 de recourir au pétrole et au gaz russes visait à disposer d’une énergie abondante à un prix relativement maîtrisé grâce à des contrats de long terme. Les importations russes de pétrole représentaient 30 % des importations totales en 2020. Les importations de gaz représentaient 65 % de la consommation de gaz et celles de charbon 46 % de la consommation totale de charbon.
A la différence de la France, la concentration du secteur bancaire est faible
Afin d’assurer le financement de son industrie, l’Allemagne a maintenu un secteur bancaire important, décentralisé et comportant peu d’établissements systémiques. De nombreuses banques en raison d’un bilan modeste ne sont pas supervisées par la BCE, ce qui leur donne des marges de manœuvre supérieures. En 2021, l’Allemagne comptait 421 établissements bancaires de droit public dont 414 caisses d’épargne et 7 banques de Länder. Ces établissements jouent un rôle important dans l’animation et le financement des bassins d’emploi. Elles détiennent d’importantes participations dans les entreprises familiales.
A la différence de la France, la concentration du secteur bancaire est faible. En revanche, comme en France, le financement de l’économie allemande est essentiellement de nature bancaire, plus de 70 %.
La transition énergétique met en difficulté son industrie automobile
Avec la guerre en Ukraine, l’Allemagne est confrontée à une augmentation importante des prix de l’énergie et des matières premières avec des risques de pénurie. Elle doit déjà faire face depuis le milieu de l’année 2021 à des goulets d’étranglement concernant un certain nombre de biens intermédiaires et à des augmentations de prix notamment dans le secteur des transports. La transition énergétique met par ailleurs en difficulté son industrie automobile qui est un des symboles de sa puissance industrielle.
L’Allemagne a besoin de maintenir la compétitivité de son industrie afin de préserver ses recettes d’exportation qui lui permettent de conserver des salaires élevés et de financer les dépenses de retraite. Les autorités allemandes ne peuvent donc pas se priver immédiatement du gaz ni du pétrole russes au risque de déstabiliser l’ensemble de leur économie.
En faveur d’une hausse des taux de la BCE
Le gouvernement allemand devrait, dans les prochaines semaines, peser de plus en plus en faveur d’une hausse des taux de la part de la BCE, son modèle reposant sur une inflation faible et sur une monnaie forte. Un euro fort lui permet d’importer les biens intermédiaires à bas prix et de vendre ses produits avec de fortes marges en dehors de l’Union européenne. La maîtrise des coûts passe par une rigueur salariale qui nécessite une inflation réduite. Les débats au sein de la BCE devraient donc tourner autour de ce sujet clef compte tenu des intérêts en jeu.
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