L’Allemagne, une nouvelle année « zéro » ? 

L’Allemagne, une nouvelle année « zéro » ? 

L’Allemagne avait fait un sans-faute lors des deux premières décennies du XXIe siècle. Grâce à l’abondance de l’énergie en provenance de la Russie et au recours à des sous-traitants en Europe de l’Est, elle avait réussi à maintenir les chaînes de production sur son territoire. 

En se positionnant sur des produits à forte valeur ajoutée, elle est parvenue à équiper en machines-outils les pays émergents (la Chine en premier lieu) et à leur fournir des voitures « made in Germany ». Cet édifice qui a permis de dégager d’abondants excédents commerciaux et de réduire le poids de la dette publique au point qu’elle était inférieure à 60 % du PIB avant la survenue de la crise covid est aujourd’hui menacé, tant par la guerre en Ukraine que par la transition énergétique et la rivalité croissante entre la Chine et les États-Unis.

La Chine, première cliente de l’Allemagne 

Or la première est, depuis sept ans, le premier client de l’Allemagne avec des exportations et des importations combinées, en 2022, de plus de 298 milliards d’euros, en hausse d’environ 21 % par rapport à 2021. L’Allemagne dépend de la Chine pour l’importation de terres rares indispensables dans les batteries et les semi-conducteurs. Réciproquement, les entreprises allemandes sont de plus en plus présentes en Chine. BASF a investi 10 milliards d’euros dans une nouvelle usine dans le sud de la Chine. Volkswagen, le premier constructeur automobile européen, dépend de la Chine pour 40 % de ses ventes. 

Un porte-conteneurs de l’armateur chinois Cosco, dans le port de Hambourg (Allemagne). (AXEL HEIMKEN / AFP)

L’Allemagne est, en retard dans son programme de décarbonation. Son électricité est en partie issue de centrales au charbon. Parmi les pays de l’Union européenne, l’Allemagne arrive en tête pour les émissions de gaz à effet de serre. L’arrêt des centrales nucléaires ne devrait pas améliorer la situation. Son économie souffre de pénuries de main-d’œuvre malgré un recours à l’immigration. Les PME et les entreprises intermédiaires peinent à recruter or, elles sont à la base du tissu économique allemand.

Montée en gamme de la production 

Le Chancelier a, le 6 mars dernier, souligné que « nous sommes à une époque de grands bouleversements ». Il promet de transformer l’économie allemande à grande vitesse en une économie étincelante et climatiquement neutre. Durant le second semestre 2022, les prévisions étaient sombres, avec la survenue possible d’une récession. L’industrie butait tout à la fois sur la hausse des coûts, des goulets d’étranglement concernant les biens intermédiaires importés et sur une baisse de la demande chinoise, touchée par l’abandon de la politique du zéro covid. Contrairement aux craintes anticipées, l’industrie fait preuve de résilience en réussissant à réduire sa consommation énergétique. La baisse des prix du pétrole et du gaz est également une aubaine, permettant d’améliorer la compétitivité des produits allemands. 

Les chocs subis par l’économie accélèrent la montée en gamme de la production. Les sidérurgistes abandonnent la production de métaux classiques pour des métaux sophistiqués. En revanche, la fabrication d’ammoniac, de zinc ou d’aluminium devrait se délocaliser à l’étranger.

Le combat de la décarbonation 

L’Allemagne a pris l’engagement de devenir une économie neutre pour le climat d’ici 2045. L’effort à réaliser est important car, actuellement, chaque habitant émet plus de neuf tonnes de gaz à effet de serre par an, montant supérieur d’environ 50 % à celle de la France, de l’Italie ou de l’Espagne. L’Allemagne a choisi de donner la priorité à l’énergie éolienne et solaire, ainsi qu’aux réseaux d’hydrogène vert. Afin d’accélérer le processus de verdissement de la production électrique, le gouvernement a fait adopter une loi visant à raccourcir les délais d’approbations des projets de développement des nouveaux réseaux électriques. Cette année, le gouvernement d’Olaf Scholz a plus que doublé le nombre d’appels d’offres pour les parcs éoliens terrestres. Chaque année, quatre à cinq éoliennes doivent être installées en Allemagne où la population se montre moins opposée que celle de la France face à ce type d’énergie. D’ici 2030, 80 % de la production électrique allemande devraient provenir d’énergies renouvelables. 

Le défi de la digitalisation 

Comme la France, l’Allemagne est en retard en matière de digitalisation. Elle se classe seulement autour de la moyenne parmi les membres de l’Union européenne en ce qui concerne l’intégration des technologies numériques par les entreprises. Son administration publique est bien plus en retard que celle de la France.

Le plan de digitalisation prévu par une loi de 2017 qui devait s’achever en 2022 n’a pas été respecté. 50 % des ménages et des entreprises allemands devraient être connectés au réseau de fibre optique d’ici 2025. En France, près des trois quarts le sont en 2022. 

Le vieillissement démographique 

De 2022, en l’état actuel de la démographie, la population active pourrait perdre 7 millions de personnes, soit une diminution de plus de 15 %. Les marges de manœuvre sont faibles car le taux d’emploi est déjà un des plus élevés de l’OCDE (77 % contre 68 % pour la France). L’âge de départ à la retraite atteint 67 ans outre-Rhin. Les pénuries de travailleurs qualifiés se multiplient. Le taux de chômage est désormais de 3 %. Face aux tensions du marché du travail, les salaires ont tendance à augmenter, ce qui pourrait nuire à la compétitivité des produits allemands. 

Le gouvernement actuel de l’Allemagne est constitué de trois partis, le SPD, les Verts et les libéraux, qui ne partagent pas les mêmes convictions sur les moyens de relever les défis. Les Verts souhaitent accélérer le verdissement de l’économie contrairement aux libéraux du FDP. Les membres du SPD essaient de concilier les uns et les autres. Attachés à l’Europe, ils sont sur ce sujet confrontés au scepticisme de leurs alliés libéraux qui apparaissent par ailleurs avant tout conservateurs. Les mauvais résultats du FDP aux dernières élections locales fragilisent la coalition. Un risque d’immobilisme n’est pas à écarter au moment où l’Allemagne se doit de changer son modèle.

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