L’Algérie, malade comme son Président, cherche sa guérison.

L’Algérie, malade comme son Président, cherche sa guérison.

Le Président algérien, Abdelmadjid Tebboune, atteint du coronavirus est soigné en Allemagne, à Cologne. Il va bien, dit son entourage. Mais comme plus personne ne croit les communications officielles, chacun y va de sa rumeur. D’autant que personne ne savait qu’il était parti. Comment a-t-il pu voter au Référendum auquel il tenait tant ? Par procuration, sans doute. Et qui dirige en son absence ? Le souvenir de Bouteflika est revenu, à moins qu’il ne soit jamais parti.

23,7% d’Algériens se sont déplacés pour approuver la nouvelle Constitution. A Alger, des forces de police avaient été déployées. En Kabylie, des incidents ont eu lieu la veille du scrutin. A Tizi Ouzou, le taux de participation a été de 0.07%. Jamais il n’y eut une participation officiellement si faible depuis l’indépendance : une gifle.

Jamais une si faible participation, ni une si grande transparence

Et encore, sur ces 23,7%, seulement 66,8% ont dit oui. Ce qui est peut-être une bonne nouvelle : le pouvoir ne maquille pas les chiffres. Lors de l’élection présidentielle, la participation, déjà considérée comme faible, avait été évaluée à 40%. L’honnêteté de la publication des résultats montre que quelque chose, doucement change. 

La réforme de la Constitution se voulait une réponse au Hirak, qui réclame de mettre fin au « système ». Le seul changement est dans cette franchise de reconnaitre le peu d’enthousiasme des Algériens pour cette réforme. On peut comprendre le désarroi du pouvoir. Comment démocratiser si les Algériens ne croient pas aux élections ? Pour l’instant, de l’opposition, les seuls à avoir accepté le vote sont les Islamistes du MSP (Mouvement de la société pour la paix). Mais peut-être la dissolution de l’Assemblée et des élections ouvertes permettraient de débrider le blocage.

Comment faire émerger un système politique crédible ? Le Président algérien peut surprendre. Après tout, il n’a rien à perdre. Il sait que le « système » est désormais incapable de s’opposer à lui. Il a mis en prison, pour cause de corruption, une partie des cadres de l’ancien régime, se conciliant ceux qui restent en place. L’armée n’a plus de chef incontestable. La mouvance islamiste a perdu de sa force. A 74 ans, il pourrait devenir autre chose qu’un Président de transition, un paravent de fortune, et construire peu à peu une vraie démocratie. 

Le Président pourrait libérer les journalistes en prison 

Les Algériens ont parfaitement compris que la démocratie ne se réduisait pas seulement au vote. Cela commence par la liberté, et notamment la liberté d’opinion. Le Président pourrait donner ces premiers signes, et libérer la centaine de journalistes qui sont en prison, et permettre les journaux critiques. L’Algérie figure à la 146e place (sur 180) du classement mondial de la liberté de la presse 2020 de Reporters Sans Frontières. D’autant que la nouvelle Constitution est censée garantir la liberté de la presse.

Il pourrait, comme l’avait fait le roi du Maroc il y a des années, choisir de nommer à la tête du gouvernement un opposant : Un moyen d’ouvrir le système sans prendre le risque d’un dérapage. Cela risque de créer beaucoup d’agitation, mais l’inverse risque d’en créer aussi, teintée, qui plus est, de désespoir. Car l’économie algérienne souffre.

Bientôt l’impasse financière 

En 2020, selon le Fonds Monétaire International, le PIB devrait chuter de 5.5%. Le déficit commercial plongerait de -17%, ce qui est logique avec l’effondrement du prix des hydrocarbures. Les réserves de change baissent, le temps est compté. A la fin de l’année 2021, le gouvernement sera dans une impasse financière. 

Il devra alors réduire les subventions aux produits de base s’il ne veut pas emprunter sur les marchés internationaux. Mais le voudrait-il qu’il n’est pas sûr de pouvoir le faire. Il a refusé l’accord avec l’Union Européenne, qui, il est vrai, provoquerait un choc de compétitivité. D’un autre coté, l’Algérie en a besoin. Pour l’instant, la loi de finances annonce un redressement de l’économie auquel personne ne croit. S’aveugler ne résoudra rien. 

Lorsque le Président Tebboune reviendra de Cologne, il aura des choix difficiles à faire. Pour sortir l’Algérie de l’impasse, il lui faut le soutien le plus large, il ne peut le trouver qu’en associant l’opposition. Pour sortir du piège économique, il doit ouvrir le pays, et les seuls capables, à long terme, d’être des partenaires pour l’Algérie sont l’Europe, et en premier lieu la France.

Trouver le soutien le plus large, en Algérie et en Europe

Le quai d’Orsay a refusé de commenter les résultats du referendum, alors que Jean Yves Le  Drian avait, à Alger, le 15 octobre exprimer le souhait que se concrétisent « les souhaits du Hirak dans les institutions », ce que prétendait faire le Président Tebboune avec son référendum. Une façon de contenter tout le monde. 

Gérald Darmanin est en visite à Alger ce samedi, surtout pour évoquer la coopération en matière de lutte contre la radicalisation, de terrorisme et d’immigration. Gérald Darmanin, petit fils de harki, aura sans doute droit à un accueil particulier : C’est une chance  à saisir.

L’Algérie pourrait être un des pays les plus riches d’Afrique et de Méditerranée. Il peut être le pivot d’une alliance nord/sud. Il faut avoir le courage de tourner le dos au passé, parier sur la démocratie, l’ouverture et la jeunesse. Un vieux président, mal élu, atteint par le coronavirus en est il capable ? Avec 75% d’abstention, y-a-t-il un autre choix ? Sans changement de fond, l’Algérie restera malade, de plus en plus. 

Auteur/Autrice

  • Alain Stéphane a posé ses valises en Allemagne à la suite d'un coup de foudre. Aujourd'hui, il travaille comme rédacteur dans un journal local en Saxe et est correspond du site Lesfrancais.press

    Voir toutes les publications
Laisser un commentaire

Laisser un commentaire