La hausse des prix de l’énergie a fait chuter l’euro jusqu’à la parité avec le dollar américain ces derniers jours, tandis que les inquiétudes concernant l’approvisionnement en énergie ont contraint la Commission européenne à revoir sensiblement à la baisse ses prévisions de croissance.
Alors que la Commission maintient ses prévisions de croissance du PIB de l’UE à 2,7 % pour 2022, elle s’attend à présent à une croissance de seulement 1,5 % en 2023, contre une précédente prévision de 2,3 %.
« La guerre de la Russie contre l’Ukraine continue de jeter une ombre sur l’Europe et notre économie. Nous sommes confrontés à des défis sur de multiples fronts allant de la hausse des prix de l’énergie à des perspectives mondiales très incertaines », a déclaré le vice-président exécutif de la Commission européenne, Valdis Dombrovskis.
La situation pourrait empirer
Les incertitudes entourant l’évolution de la guerre imposent de considérer les projections de croissance avec prudence.
« L’évolution de la guerre et la sûreté de l’approvisionnement en gaz étant inconnues, ces prévisions sont marquées par une forte incertitude et des risques de dégradation », a déclaré le commissaire européen à l’Économie, Paolo Gentiloni.
Ces risques de baisse ont également été enregistrés par les marchés financiers, comme en témoigne la brève parité de l’euro avec le dollar américain observée cette semaine (13 juillet).
Si la symbolique est plus signifiante que la substance même de cette parité, l’ampleur de la chute de l’euro reste importante et inquiétante : – 11,8% depuis le début de l’année.
Cette chute est presque équivalente aux baisses observées en 2015, année où la Banque centrale européenne (BCE) a dû mettre en place des mesures de relance importantes.
En outre, la baisse de valeur de l’euro n’a peut-être pas encore atteint sont point le plus bas.
Moscou va-t-il interrompre les livraisons de gaz ?
« Nous voyons la possibilité d’un mouvement jusqu’à 0,97 dollar et peut-être même 0,95 dollar », a déclaré Olivier Konzeoue, directeur de l’équipe des devises chez le gestionnaire d’actifs UBP, en notant l’implication de la crise énergétique pour l’économie européenne.
« Fondamentalement, nous savons que tout tourne autour de la Russie », a-t-il ajouté.
La dernière baisse de l’euro est intervenue après que les flux de gaz passant par le gazoduc russe Nordstream 1 ont été interrompus pendant 10 jours pour des travaux de maintenance.
Mais si Moscou prolonge cette interruption, l’Allemagne — qui a déjà entamé la deuxième phase d’un plan d’urgence pour le gaz à trois niveaux — pourrait être contrainte de rationner le carburant.
« Si le gazoduc fermé pendant 10 jours ne rouvre pas et que nous subissons davantage de rationnement du gaz, dans cette situation, nous risquons de ne pas avoir connu les niveaux les plus bas de l’euro », a déclaré Christian Keller, responsable de la recherche économique chez Barclays.
L’Union européenne se prépare également à une chute de l’approvisionnement gazier russe, en témoigne un document de la Commission ayant fuité et sur lequel EURACTIV a mis la main.
Ainsi, certains analystes s’attendent à une chute à 0,90 dollar si l’approvisionnement en gaz est encore perturbé davantage.
Une position inconfortable pour la BCE
Ces mesures mettent la BCE dans l’embarras. Elle devrait relever ses taux d’intérêt la semaine prochaine pour la première fois depuis 2011 afin de lutter contre l’inflation qui atteint un niveau record. L’exécutif européen prévoit que l’inflation annuelle pour 2022 atteindra 7,6 % dans la zone euro et 8,3 % dans l’Union européenne.
La fragilité de la monnaie exacerbe le problème de l’inflation. Cependant, la BCE ne peut se risquer à un durcissement radical de sa politique, qui risquerait de faire reculer la croissance économique.
Les effets de la flambée des coûts de l’énergie se font déjà sentir. L’Allemagne vient de déclarer son premier déficit commercial depuis 1991 et l’attitude du marché est tombée en dessous des niveaux observés lorsque la pandémie de coronavirus a débuté en 2020.
Une analyse réalisée par BNP Paribas sur les performances des monnaies en cas de flambée des prix de l’énergie montre que l’euro est plus affecté que les autres monnaies des pays développés par les chocs des prix du gaz, avec une baisse moyenne de 4,5 % dans ces périodes.
JP Morgan a noté que la zone euro est déjà confrontée à des flambées « paraboliques » des prix du gaz, les approvisionnements ayant chuté de 53 % en juin. L’Allemagne, grande puissance industrielle, a connu une baisse de 60 % de son approvisionnement.
Elle a ramené son objectif euro-dollar à 0,95 dollar, « ce qui montre que le marché sera de plus en plus disposé à prendre en compte une probabilité accrue de hausse ».
Dans le pire des cas, l’euro-dollar pourrait atteindre 0,90 dollar, selon JP Morgan, qui cite les prévisions de la Bundesbank annonçant une baisse de 6 % du PIB allemand la première année en cas d’arrêt complet de l’approvisionnement.
Solidarité et indépendance
Jordan Rochester, de la société Nomura, estime que l’euro pourrait tomber à 0,95 dollar d’ici la fin du mois d’août, mais dans un scénario où les stocks de gaz ne seraient pas réapprovisionnés avant l’hiver, il pourrait glisser à 0,90 dollar.
De même, les analystes de Citi prévoient qu’un arrêt de l’approvisionnement russe fera grimper les prix du gaz bien au-delà des niveaux actuels d’environ 170 euros par mégawattheure.
L’euro tombera à 0,98 dollar si le gaz atteint 200 euros, tandis qu’à 250 euros, il se négocierait en dessous de 0,95 dollar, ont-ils expliqué à leurs clients.
Face aux défis à venir, les commissaires européens M. Gentiloni et M. Dombrovskis ont appelé à la solidarité et à la réduction de la dépendance de l’UE vis-à-vis des combustibles fossiles russes.
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