La transition énergétique est une véritable révolution économique de grande ampleur. En quelques années, les États sont censés décarboner leur production en substituant notamment des énergies à faibles émissions de CO2 à des énergies fossiles. Ce changement opéré afin de limiter le réchauffement climatique diffère profondément des précédentes évolutions énergétiques qui se sont étalées sur de nombreuses décennies et qui reposaient sur l’obtention d’une efficience supérieure. Le pouvoir énergétique du pétrole est plus important que celui du charbon qui l’était lui-même également par rapport à celui du bois. La transition énergétique impose de remplacer des équipements et des infrastructures rendues obsolètes avant même leur amortissement. Elle est par nature inflationniste. Elle ne peut être facilitée que si le prix des énergies carbonées est élevé.
En trente ans, la France a réduit ses émissions de gaz à effet de serre d’un tiers
Elle est inflationniste car pour le moment, les nouvelles énergies coûtent plus cher à produire. Enfin, elle entraîne un bouleversement pour certains secteurs comme l’automobile ou les transports nécessitant une adaptation des compétences. Entre 1990 et 2020, la France a réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 32%, sachant que 2020 est une année atypique. Sans les confinements, la diminution serait de 27%. La France a ainsi fait la moitié du chemin par rapport à l’objectif fixé par le Gouvernement (55% de réduction en 2030). L’effort sur les huit prochaines années devra donc être très important nécessitant une augmentation sensible des investissements notamment pour la production d’énergies renouvelables, la décarbonation de l’industrie, l’adaptation des réseaux électriques et, pour la rénovation thermique, des bâtiments et des logements.
Patrick Artus, chef économiste de Natixis, estime que le besoin supplémentaire d’investissement se situe entre 3 à 4 points de PIB par an. Il considère, par ailleurs, que la transition pèsera sur la croissance car elle aboutit à la destruction de capital, non totalement amorti et potentiellement plus productif. L’augmentation du taux d’investissement passe par un effort accru d’épargne et la réorientation de cette dernière qui actuellement finance, en grande partie, les dépenses courantes des administrations publiques.
Si la décarbonation freine la croissance dans un premier temps, elle pourrait, ensuite, générer un supplément de productivité. Socialement et politiquement, la première période est délicate à conduire. La régression de la consommation peut être spontanée si les agents économiques arbitrent, de leur propre chef, en faveur de l’épargne pour financer des investissements dans la transition énergétique. La rentabilité aléatoire de ces investissements peut les dissuader de faire ce pari.
L’autre solution qui n’est pas sans défaut est que l’État se charge, directement ou indirectement, des investissements avec en parallèle une augmentation de la pression fiscale. Le rôle des administrations publiques dans la transition énergétique devrait donc être important conduisant les gouvernements à réclamer le maintien de taux d’intérêt faibles.
Pour financer les investissements nécessaires et en raison de choix technologiques pouvant s’avérer plus coûteux, les entreprises seront amenées à augmenter leurs prix.
La hausse du prix de l’énergie
Dans les prochaines années, les producteurs comme les consommateurs pourraient être confrontés à une énergie coûteuse. Pendant la transition, le besoin en énergies fossiles reste important mais les entreprises du pétrole et du gaz, sous la pression des opinions et des investisseurs, réduisent leurs investissements pouvant provoquer une insuffisance durable de la production. La consommation de pétrole tourne, en 2021, entre 95 et 100 millions de barils jour soit 25 % de plus qu’en 2002. La consommation atteint 3 400 milliards de tonnes équivalent de pétrole, soit une hausse de 50 % en vingt ans.
Les énergies de substitution sont, pour le moment, plus chères que les anciennes. Pour couvrir leur intermittence, elles nécessitent la réalisation d’équipements de stockage (batteries, fabrication d’hydrogène) et la construction de centrales électriques pouvant rapidement palier le déficit de production.
La transition énergétique devrait réduire les importations d’énergies fossiles qui pour la France représentent plus de 2 % du PIB, sous réserve que la dépendance en batteries, en métaux rares, etc. ne prenne pas le relais. La hausse des prix de l’énergie entraînera des transferts de pouvoir d’achat au sein de la population.
15% du revenu des ménages les plus modestes
Le poids dans le revenu de la consommation d’énergie est beaucoup plus élevé pour les ménages à revenu faible que pour les ménages à revenu élevé. Selon l’INSEE, il s’élève à 15% pour les ménages les 20 % le plus modestes, contre 6% pour les 20% les plus aisés.
La transition énergétique s’accompagnera de destructions d’emplois dans les secteurs des énergies fossiles, de l’automobile, etc. Et la création d’emplois dans ceux en lien avec les énergies renouvelables. Dans le bâtiment, celui de la rénovation avec la nécessaire isolation des logements et des bureaux, devrait connaître un essor important supposant une montée en compétences pour certains salariés.
En France, le cas de la filière automobile est particulièrement préoccupant en raison de son importance et de sa spécialisation dans la fabrication de moteurs diesels. Une perte de plus de 120 000 emplois est attendue dans les dix prochaines années. Ce secteur a déjà perdu beaucoup d’emplois depuis la crise de 2008. Ses effectifs (en intégrant la production, le commerce et la réparation) sont passés de 800 000 à moins de 630 000 de 2007 à 2020.
La transition énergétique suppose un effort d’investissement tant au niveau des infrastructures que des compétences des actifs. Les entreprises françaises doivent innover pour éviter que la décarbonation ne soit qu’un centre de coût. Le risque est que ce dernier soit transféré à l’État qui, dans cette situation, assumera cette charge en augmentant les prélèvements.
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