Les Suisses ont approuvé, les Cantons ont rejeté. Dans le cadre de leur système de démocratie directe, qui multiplie les « votations », les citoyens étaient appelés à se prononcer sur un texte de loi qui aurait obligé les entreprises suisses de s’assurer du respect des droits de l’homme et de l’environnement dans leurs activités à l’étranger, ainsi que de celles de leurs fournisseurs et de leurs partenaires. En cas de manquement, les entreprises auraient du s’expliquer devant les tribunaux suisses.
Les Suisses ont voté, à une courte majorité, en faveur du texte : 50.7% des voix. Mais la majorité des Cantons, 14 sur 21, s’est prononcée contre. Les cantons alémaniques germanophones ont rejeté le texte, tandis que les cantons romands francophones l’ont approuvé. C’est seulement la deuxième fois dans l’histoire, depuis 1955, que la majorité des électeurs ne correspond pas à la majorité fédérale. Le texte est donc rejeté.
Développement humain et développement économique
L’initiative pour des « multinationales responsables » avait été soutenue par 130 ONG, dont Greenpeace et Amnesty international. Le gouvernement suisse avait appelé au rejet du texte, qui pouvait nuire aux intérêts économiques de la Suisse. Glencore, IXM, Lafarge-Holcim, ont été particulièrement dénoncé par le comité à l’origine du référendum. Ceux-ci ont répondu qu’un tel texte provoquerait leur retrait d’un certain nombre de pays et que cela irait à l’encontre du développement. Cela reviendrait à imposer des critères « suisses » dans des activités situées dans des pays qui ne connaissent pas les mêmes exigences en ce qui concerne les droits de l’homme ou le respect de l’environnement. Le progrès économique assure-t-il forcément le développement humain ?
Une exigence de plus en plus forte dans les pays développés
Le débat n’est pas fini. Le Parlement va élaborer un projet alternatif pour accroitre la responsabilité des entreprises dans le domaine des droits de l’homme et du respect de l’environnement. Le texte en gestation pourrait infliger des amendes jusqu’à 100.000 Francs suisses pour les entreprises violant les principes directeurs de l’ONU sur la responsabilité des entreprises en matière de droits humains. Tout dépendra de la précision du texte et de l’interprétation qu’en feront les tribunaux helvètes.
Les Suisses rejoignent un combat sur la responsabilité des entreprises qui a lieu dans la plupart des pays occidentaux. En France, la loi sur le « devoir de vigilance » impose aux entreprises françaises de plus de 5000 salariés de veiller aux droits humains, aux libertés fondamentales, à la santé et à la protection de l’environnement depuis 2017, notamment par l’élaboration d’un « plan de vigilance ». Plusieurs autres pays européens, ainsi que le Canada et les Etats-Unis engagent la responsabilité de leurs entreprises en cas de manquements graves, par exemple pour le recours au travail forcé ou à toute forme d’esclavage. C’est à partir de telles précédents juridiques sur la responsabilité des entreprises que l’OCDE et l’OIT travaillent aussi sur des textes référents. Le premier bilan de la loi, en France, fait apparaitre que les entreprises se montrent de plus en plus soucieuses de l’image qu’elles peuvent donner dans des domaines dans lesquels les exigences sont de plus en plus fortes.
Laisser un commentaire