Le Premier ministre britannique Boris Johnson a annoncé 16,5 milliards de Livres (17.7 MM €) supplémentaires de dépenses militaires au cours des quatre prochaines années – une augmentation annuelle de 10 pour cent, la plus forte augmentation en valeur ajustée de l’inflation depuis 30 ans. Avec les engagements précédents, cela représente une augmentation de 15% des dépenses militaires pour un montant de 24 milliards de Livres (26.5MM€). Le Royaume-Uni a le septième budget militaire du monde, derrière la France et l’Allemagne, pour un montant voisin de 49 milliards d’euros, soit 1.7% du PIB.
Ces dix dernières années, ses dépenses militaires ont baissé de 15%, Selon Boris Johnson, « La situation internationale est plus périlleuse et intensément compétitive que jamais depuis la Guerre Froide, la Grande-Bretagne doit être fidèle à son histoire et se tenir aux côtés de ses alliés ».
Une augmentation du budget militaire sans précédent
L’essentiel des nouvelles dépenses bénéficieront à la Royal Navy. Le but est de rétablir « la position de la Grande-Bretagne en tant que première puissance navale en Europe ». De nouvelles commandes : treize frégates et de futurs navires de soutien du groupe aéronaval (le Royaume-Uni possède deux porte-avions, mais aucun à propulsion nucléaire). Avec ces investissements, le Royaume-Uni disposerait de la plus grande flotte de navires de surface modernes en Europe.
Les milliards promis seront aussi utilisés pour créer une « Cyber Force nationale » et un « Commandement spatial », établir une « agence militaire de l’intelligence artificielle » et développer les programmes d’avions de combat et de drones de nouvelle génération.
Boris Johnson projette la création d’un « commandement de l’espace » pour protéger « les intérêts du Royaume-Uni dans l’espace » et « contrôler le premier satellite lancé à partir d’une fusée britannique en 2022 ».
Véhicules autonomes, drones en essaim, cyberarmes, armes à énergie dirigée, (lasers), recueilleront cet effort d’investissements. Il s’agit pour le Royaume-Uni de mettre ses armées à la page de la « guerre du futur ».
Jouer son rôle avec l’allié américain
« l’ambition du gouvernement est de sauvegarder les intérêts et les valeurs de la Grande-Bretagne en renforçant notre influence mondiale et en renforçant notre capacité à rejoindre les États-Unis et nos autres alliés pour défendre des sociétés libres et ouvertes. »
Boris Johnson
L’année prochaine, le nouveau porte-avions britannique HMS Queen Elizabeth effectuera son voyage inaugural en Extrême-Orient. Tout un programme.
Guerres du futur : cyberguerre, intelligence artificielle, espace, drones…
L’engagement du Premier ministre vise à démontrer aux Etats-Unis que le Royaume-Uni resterait leur principal allié avec un poids militaire significatif, notamment en Europe. Elle vise aussi à mettre fin à la disette budgétaire qui risquait de pénaliser l’industrie militaire britannique, d’autant qu’elle s’isolerait des autres industries européennes en raison du Brexit et des rapprochements entre la France et l’Allemagne.
Pour autant, si la Royal Navy n’est plus ce qu’elle était, c’est aussi parce que le Royaume-Uni n’a plus d’empire à défendre. Les seuls interventions militaires britanniques ont été faites en accord et en coordination avec les Américains.
En 2010, la France et le Royaume-Uni inaugurait une approche bilatérale originale avec les Accords de Lancaster House pour amplifier la coopération militaire dans tous les domaines. Un rapport parlementaire vient d’être publié pour en faire le bilan[1]. Dix ans plus tard, beaucoup de projets ont été abandonnés comme le développement de drones communs, ou, plus significatifs, celui d’un système de combat aérien du futur (SCAF). Au départ engagé avec les Britanniques, il se fera avec les Allemands et les Espagnols, tandis que le Royaume-Uni cherche à s’associer l’Italie et la Suède.
Quelle coopération avec la France ?
En revanche, la coopération joue à plein dans le domaine de nouveaux missiles, des drones marines pour la lutte anti mines, les simulations et les tests pour la dissuasion nucléaire.
Cette coopération, si elle n’a pas porté tous ses fruits, a malgré tout permis des avancés, y compris dans la coopération opérationnelle comme on l’a vu dans l’intervention conjointe en Lybie. De plus, les Marines françaises et britanniques partagent les mêmes besoins en armement et ont des approches similaires, ce qui n’est pas le cas avec les Allemands.
La coopération en matière de satellites devrait se poursuivre, la France et le Royaume-Uni étant les seuls en Europe à voir des capacités de communication militaires par satellite.
Si l’augmentation du budget militaire consiste à réaffirmer l’indépendance stratégique du Royaume-Uni post-brexit, à moins de se retrouver entièrement dans la main des Américains, les Britanniques, même pour développer la Royal Navy, devraient plutôt accélérer que freiner la coopération avec la France.
[1] Rapport d’information de Charles de La Verpillière et Jacques Marilossian, Commission de la Défense, 29 octobre 2020.
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