Un nouveau système de retraite « universel » et par points, avec un « âge d’équilibre » très controversé: voici les principaux points de la réforme, dans la version modifiée sur laquelle le gouvernement a engagé le 49.3.
Après plusieurs jours de flottement, Edouard Philippe a annoncé à l’Assemblée nationale l’utilisation de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution pour faire passer le texte sur la réforme des retraites, sans le vote des députés. Le gouvernement a retenu des amendements adoptés par l’Assemblée ainsi que des mesures issues des discussions avec les partenaires sociaux. Le projet de loi sera considéré comme adopté, sauf si des motions de censure sont votées par l’Assemblée nationale. Les deux motions déposées seront débattues mardi, la première émanant du groupe Les Républicains et la seconde de l’opposition de gauche composée de La France insoumise, du Parti communiste et du Parti socialiste. Elles n’ont toutefois aucune chance de déboucher sur un renversement du gouvernement, compte tenu de l’équilibre des forces au sein de la chambre basse, largement dominée par La République en marche.
« Universel »
Le futur système couvrira « l’ensemble des personnes travaillant en France, sans exception »: salariés du privé et des régimes spéciaux, fonctionnaires, magistrats, militaires, agriculteurs, travailleurs indépendants…
Tous les actifs nés à partir de 1975 cotiseront à une nouvelle « Caisse nationale de retraite universelle » qui chapeautera les 42 régimes existants.
Les députés ont symboliquement acté la future hausse des salaires des enseignants, en isolant dans un article spécifique du projet de loi cette « garantie », qui devra être concrétisée dans une loi de programmation à venir.
Pour répondre notamment à la grogne des avocats, le texte prévoit un abattement de 30% sur l’assiette des cotisations sociales des professions indépendantes, et un « dispositif de solidarité » pour soutenir les « petits cabinets ».
La transition pour les indépendants durera 20 ans et non 15 ans comme prévu initialement.
Le texte inscrit « en dur » une des ordonnances sur le « droit à l’information » des retraités, les oppositions critiquant de façon récurrente la trentaine d’ordonnances programmées.
Par points
Le montant de la retraite dépendra du nombre de points accumulés « tout au long de la carrière professionnelle » et non plus de la durée de cotisation (en trimestres) et du salaire de référence (25 meilleures années dans le privé, 6 derniers mois dans le public).
Unité de compte fondamentale du futur système, le point aura une « valeur d’acquisition » (durant la carrière) et une « valeur de service » (pour le calcul de la pension), qui ne pourront pas baisser, ni augmenter moins vite que l’inflation.
La valeur du point sera calculée à l’aide d’un « nouvel indicateur » de l’Insee sur « l’évolution du revenu moyen d’activité par tête », la gauche critiquant un « amateurisme coupable » en fondant un modèle sur « un indicateur qui n’existe pas » à ce jour.
Autre sujet sensible, la prise en compte de la pénibilité de certaines professions, sur laquelle les discussions avec les partenaires sociaux n’ont pas encore abouti.
Le gouvernement prévoit toutefois dans le texte de généraliser la visite médicale à 55 ans pour les travailleurs exposés à des facteurs des pénibilité et veut améliorer les modalités d’acquisition des points, dans le cadre du compte professionnel de prévention, pour les travailleurs exposés à plusieurs facteurs de risques professionnels.
Le projet de loi intègre aussi un « congé de reconversion » pour les personnes soumises à la pénibilité, pouvant aller jusqu’à six mois.
Age d’équilibre
L’âge légal de départ restera maintenu à 62 ans (ou moins pour certaines professions), mais il faudra « travailler un peu plus longtemps » pour toucher une retraite à taux plein.
Un « âge d’équilibre », assorti d’un « mécanisme de bonus-malus » de 5% par an, aura ainsi pour objectif « d’inciter les Français à partir plus tard avec une meilleure pension ».
Dans un premier temps, le gouvernement envisageait son entrée en vigueur dès 2022, pour le porter progressivement à 64 ans en 2027. Face à l’opposition des syndicats, cette « mesure de court terme » a été retirée du projet de loi, une « conférence des financeurs » devant proposer d’ici fin avril d’autres moyens « d’atteindre l’équilibre financier ».
Départs anticipés
Les fonctionnaires exerçant certaines « fonctions régaliennes » (policiers, douaniers, surveillants pénitentiaires, contrôleurs aériens) pourront toujours partir en retraite à 57, voire 52 ans. Idem pour les militaires, qui garderont le droit de toucher une pension après 17 ou 27 années de « services effectifs ».
Pour les autres fonctionnaires des « catégories actives » et les salariés des régimes spéciaux, l’âge légal sera progressivement relevé à 62 ans, mais l’extension du « compte pénibilité » et de la retraite pour incapacité permanente déjà en vigueur dans le secteur privé permettra à certains de cesser le travail à 60 ans.
Le gouvernement a également repris un amendement communiste sur les égoutiers. Ceux recrutés avant le 1er janvier 2022 pourront partir à 52 ans.
Dans la fonction publique hospitalière, les fonctionnaires ayant opté pour leur maintien dans la catégorie B pourront continuer à partir à 57 ans.
Fins de carrière
La retraite progressive, qui permet de toucher une partie de sa pension en continuant de travailler à temps partiel, sera étendue aux salariés en forfait-jours, aux régimes spéciaux et aux agriculteurs.
Les règles du cumul emploi-retraite seront modifiées pour que ceux qui touchent une pension à taux plein puissent engranger des points supplémentaires quand ils reprennent une activité.
Pension minimum
Les futurs retraités « ayant effectué une carrière complète » recevront si nécessaire « des points supplémentaires » afin que leur pension atteigne 1.000 euros net en 2022, puis 83% du Smic net en 2023, 84% en 2024 et 85% en 2025.
Droits familiaux
Chaque enfant donnera droit à « une majoration en points de 5% », dont la moitié sera attribué à la mère au titre de la maternité. L’autre moitié pourra être partagée entre les deux parents ou attribuée à l’un ou l’autre.
Un bonus supplémentaire de 2% sera accordé pour le troisième enfant et réparti à parts égales entre le père et la mère, à moins qu’ils en décident autrement.
Des points supplémentaires seront attribués aux parents isolés.
Droits conjugaux
La pension de réversion garantira au conjoint survivant, à partir de 55 ans et après au moins deux ans de mariage, « 70% des points de retraite acquis par le couple ».
Ces règles ne s’appliqueront toutefois « qu’à partir de 2037 », pour les personnes ayant intégré le système universel.
Le gouvernement assure que les personnes divorcées pourront bénéficier d’un pourcentage de pension de réversion de leurs ex-conjoints décédés.