« No sport », aurait répondu Churchill à qui lui demandait le secret de sa longévité. Il ne parlait pas de politique, il aurait pu.
Les sportifs réclament, à juste titre, un périmètre de sécurité pour écarter la politique de leur « art ». (Pourquoi ne pas considérer le sport comme un art, s’ils sont des artisans? Mais que fabriquent-ils, au juste ?). La politique, elle, s’immisce. De la construction d’un stade aux subventions, des Jeux antiques interdits par un empereur chrétien fanatique à ceux de Jesse Owens chassant Hitler à Berlin en 1936, si le sport est innocent, il ne le reste pas longtemps.
Récemment, Djokovic était expulsé d’Australie faute d’être vacciné : une affaire mondiale. La star avait, un temps, obtenu une dérogation. Il se reprend à Dubaï, capitale financière du monde arabe, capitale sportive aussi. Le sport est un jeu d’argent.
Faut-il poursuivre la Fifa pour homicide involontaire ?
Le Président de la FIFA, Gianni Infantino, déclare devant le Conseil de l’Europe : « Nous devons trouver des moyens d’inclure le monde entier pour donner de l’espoir aux Africains afin qu’ils n’aient pas besoin de traverser la Méditerranée pour trouver peut-être une vie meilleure mais, plus probablement, la mort en mer ». Noble dessein, qui choqua, parce qu’il venait en défense d’un but plus discutable, celui de doubler la mise : une Coupe du Monde tous les deux ans est un meilleur jackpot que tous les quatre ans.
Au même moment, se jouait, pour la Coupe d’Afrique des Nations, un match si mal organisé sous la responsabilité de ladite FIFA, qu’une bousculade de la foule causa huit morts. Faut-il poursuivre la Fifa pour homicide involontaire ? Ce qui est choquant, c’est que la Fifa, organisme corrompu et corrupteur, existe encore.
Elle organise bientôt la 22ème Coupe du monde au Qatar, un événement décalé tout exprès en hiver, dans des stades climatisés. « Une grande fête du football et de l’inclusion sociale », ose le Président de la Fifa. Selon The Guardian, 6500 travailleurs immigrés sont morts pour la construction des stades. “La mortalité se situe dans une fourchette qui correspond à la taille et à la composition démographique de la main-d’œuvre immigrée“, répondent les autorités qataries. Les travailleurs immigrés au Qatar sont 2 millions pour une population de 2,5 millions d’habitants. Il serait injuste d’accuser le Qatar, si accueillant. L’OIT, qui a ouvert un bureau sur place, a d’ailleurs publié un rapport beaucoup plus mesuré que celui d’Amnesty international : Le Qatar a aboli le permis de sortie, la confiscation des passeports et autres instruments de contrôle. Et l’alcool, promis, coulera à flot pour les 1.5 millions de touristes attendus. C’est un signe d’ouverture. Les Frères musulmans respecteront donc une sorte de trêve alcoolique olympique.
Plus il y a de fêtes, plus la police religieuse est sur la touche.
Le choix du Qatar, résultat d’une vaste entreprise de corruption, n’a pourtant jamais été remis en cause. Le Qatar est une puissance sportive. Il n’a pas que le PSG. Après la Coupe du monde, le Qatar accueillera les Championnats du monde de natation en 2023, un Grand Prix de Formule 1 à partir de 2023, les Jeux asiatiques en 2030. Il investit dans les médias (BeIn sport) et les instances mondiales. Autant d’argent qui n’ira pas aux Frères musulmans.
Pourquoi le Qatar investit autant le sport ? Avec ses rivaux émiratis et saoudiens, il court en catégorie « soft power » après ces deux idoles : la religion et la modernité. Aux uns les Frères, aux autres les Salafistes. Au Qatar la Formule 1, à l’Arabie le Dakar. La compétition entre modernité et religion est aussi interne : plus il y a de fêtes, plus la police religieuse est sur la touche. Elle se plaint.
Avant la clim du Qatar, la neige artificielle de Beijing.
Avant la Coupe du monde, les Jeux olympiques d’hiver à Pékin, début février. Avant la clim du Qatar, la neige artificielle de Beijing. Boycott mesuré, pour défendre la cause des Ouïghours, les États-Unis (et leur fidèle second, le Royaume-Uni) ont fait savoir qu’ils n’enverraient pas de représentants officiels à la cérémonie d’ouverture. Poutine ira, lui, à titre privé, la Russie étant exclue des JO pour avoir organisé un système de dopage à Sotchi en 2014. Poutine avait une fringale de médailles. Repenti, il demande donc « que la politique n’interfère pas dans le sport ».
Le premier boycott des Jeux fut celui des pays arabes en 1956 pour protester contre l’opération franco-britannique du Canal de Suez. Pays-Bas et Suisse se retiraient aussi pour dénoncer la répression soviétique à Budapest. En 1976, 22 pays africains boycottaient les Jeux de Montréal pour dénoncer l’apartheid en Afrique du sud. En 1980, les États-Unis et une cinquantaine de pays boycottent les Jeux de Moscou suite à l’invasion de l’Afghanistan. En réponse, la Russie et douze de ses alliés snobent ceux d’Atlanta en 1984. Boycott ou non, la caravane passe.
Imaginer un vrai tribunal du sport pour juger les instances dirigeantes.
Que le sport soit pourri par le dopage, l’argent, le blanchiment, le trucage, les réseaux criminels, la propagande politique, n’empêche pas de regarder les JO ou la Coupe du monde. Faut-il pour autant ne rien faire ? Sans la justice américaine, les corrompus de la Fifa seraient toujours en place. Et sans l’humiliation 7-1 de la Seleçao par l’Allemagne, la corruption du PT aurait peut-être été oubliée. Reste à imaginer un vrai tribunal du sport pour juger les instances dirigeantes.
Il est assez logique que le sport, qui ne peut se dérouler qu’en fonction de règles, soit le domaine où les tricheries, au plus haut niveau, sont les plus communes. Tant d’argent, tant de gloire, tant d’émotion ! « Aucune protestation ne peut s’opposer à la Coupe monde de football » disait Blatter le corrompu, ni à tant d’argent.
Le sportif le plus riche de l’histoire n’est pas un footballeur, mais un aurige : 15 milliards de dollars.
Le sportif le plus riche de l’histoire n’est pas un footballeur, mais un aurige: Diocles aurait gagné 1462 courses de char et 35 millions de sesterces, soit 15 milliards de dollars, au IIème siècle après J-C. Michael Jordan, le sportif contemporain le plus riche du monde, qui avec son milliard et demi, fait petit joueur.
Le sport a pour premier principe l’excès, y compris d’argent. L’exploit, n’est ce pas un excès ? Et la joie de la victoire des supporters, alors qu’ils n’ont rien fait, n’est-elle pas excessive, grotesque? Pierre de Coubertin pensait que l’athlétisme favoriserait la paix. Toutes les compétitions attirent le regard, sur les pays, les organisateurs, les récupérations, les scandales. Le sport agrège, corrompt, attire la lumière. Voir le jeu et ce qu’il y a derrière. Les commentateurs sportifs commentent victoires et défaites, évoquent aussi magouilles et tireurs de cartes. Les clubs mythiques sont souvent les plus louches, et les instances internationales de contrôle des mafias. Personne n’est dupe.
Par la ferveur, cette débauche d’énergie, on y gagne toujours plus que l’on y perd
Les grands événements ont ce mérite : la lumière. Ils incitent les pays à faire « Bella figura ». Pour ses Jeux olympiques, en 2024, Paris veut une rupture : des jeux écolos, artistiques, des jeux ouverts et populaires. Mauvais départ : la ligne de métro 16, Paris express, ne sera livrée qu’en 2025, après les Jeux. Pas grave : les infrastructures parisiennes sont déjà là : Les gares seront décorées par des artistes. La cérémonie d’ouverture sortira du stade pour la première fois de l’histoire des J.O. Son terrain de jeu: la Seine. 600.000 spectateurs y assisteront. 10.500 athlètes navigueront sur le fleuve jusqu’au Trocadéro pour la plus grande cérémonie du monde qui mettra en lumière les monuments de Paris.
Face au coté athlétique, ou plus encore, matérialiste du sport, voir sa face magique, religieuse, spirituelle. Là est l’art de la star. Quels que soient les scandales, à la fin, on regarde, on participe, on s’excite, et par la ferveur, cette débauche d’énergie, on y gagne toujours plus que l’on y perd.
Laurent Dominati
a. Ambassadeur de France
a. Député de Paris
Président de la société éditrice du site « Lesfrancais.press »
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