L’essor des cryptoactifs dans les années 2010 et la tentative de Mark Zuckerberg, le PDG de Facebook, de créer un nouveau système monétaire international avec son libra ont incité les banques centrales à réagir en développant des projets de monnaies numériques de banques centrales. Pour leurs détracteurs, elles ne sont qu’une mode, qu’un moyen pour lutter contre les cryptoactifs ; pour leurs partisans, elles sont une réponse nécessaire à un monde qui se numérise.
Des responsables de banques centrales estiment qu’elles seront indispensables pour ancrer la valeur de l’argent dans un système financier sans numéraire. Si ces monnaies de banques centrales voyaient réellement le jour, les gouvernements seraient conduits à reconstruire leurs systèmes bancaires et de paiement.
L’évolution des comportements de paiement de la population
La Banque d’Angleterre est en train de réaliser sur ce sujet une consultation publique qui prendra fin le 30 juin prochain. Les premiers résultats de cette étude soulignent l’évolution des comportements de paiement de la population. La suppression progressive de la monnaie fiduciaire et la réduction des contacts avec leurs banques, les Britanniques apparaissent assez ouverts à changer de système. La multiplication des monnaies parallèles nécessite que les autorités monétaires disposent d’outils adaptés pour ancrer la valeur et la robustesse de tous les fonds qui circulent dans les différents pays. Ce jugement est partagé par la Banque Centrale Européenne qui doit veiller à ce que « la monnaie qu’elle émet conserve son rôle d’ancrage monétaire », selon Fabio Panetta, membre du conseil des gouverneurs.
La FED aux États-Unis ne partage pas cet avis. « La monnaie physique peut effectivement disparaître, et tout fonctionne toujours », a expliqué Chris Waller de la FED. Selon David Andolfatto de l’Université de Miami, l’absence d’argent physique n’entraînerait « aucune conséquence ».
Le système bancaire actuel repose sur la confiance qu’inspirent les banques centrales qui sont les prêteurs en dernière instance. Les déposants de la grande majorité des pays de l’OCDE ont la garantie d’avoir accès à leurs liquidités sans risque. Par ailleurs, en cas de faillite de leur banque, la Banque centrale s’engage à les rembourser du moins jusqu’à une certaine limite. En l’état actuel, les monnaies digitales de banques centrales reposant sur la blockchain ne disposent pas d’un avantage comparatif tel pouvant justifier un changement de système en leur faveur. Il faudrait que les doutes à l’encontre des banques traditionnelles se multiplient pour entraîner un mouvement de fond vers les monnaies numériques.
La blockchain n’inspire pas pour le moment une réelle confiance
La blockchain n’inspire pas pour le moment une réelle confiance pour une grande partie de l’opinion publique. Celle-ci, dans un grand nombre pays, reste attachée à la manipulation de billets et de pièces, symboles de l’existence concrète des monnaies. Si l’argent physique a moins d’utilité que dans le passé, il conserve son statut de « cours légal » ce qui signifie, dans la plupart des contextes, que les créanciers doivent l’accepter comme moyen de remboursement des dettes. La règle protège la fonction de l’argent liquide en tant que réserve de valeur alors même qu’il devient moins utile pour les paiements.
Les monnaies digitales de banques centrales pourraient, en outre, être concurrencées par des monnaies digitales privées. Le risque de fragmentation du système monétaire serait même accru en raison de la banalisation des monnaies digitales. Les banques centrales auraient tout intérêt à réguler les cryptomonnaies et à développer les « stablecoins » pour stabiliser le système des paiements.
La monnaie reste un symbole fort des États, au côté du monopole du pouvoir coercitif. Elle est l’instrument pour payer les impôts. La suppression de tout lien entre monnaie et État contribuerait à déliter les liens entre ce dernier et les citoyens. La fixation des taux d’intérêt par les banques centrales est aujourd’hui un puissant outil économique. Comment les banques centrales pourraient peser sur l’inflation si elles perdaient le pouvoir des règles monétaires ? Dans le passé, cependant, nul n’imaginait qu’un système monétaire puisse fonctionner sans étalons tels que l’or ou l’argent.
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