Une large majorité de députés a voté en faveur de la loi sur les services numériques (DSA) jeudi 20 janvier, après que des amendements en plénière ont introduit des changements importants au texte.
Le DSA est une législation horizontale pour le marché unique numérique, avec des exigences de transparence et des obligations de diligence raisonnable proportionnelles à la taille du prestataire de services.
« Nous avons l’occasion de créer un nouvel étalon-or mondial pour la réglementation des technologies, qui inspirera d’autres pays et régions », a déclaré Christel Schaldemose, chef de file des députés européens sur ce dossier.
Si le texte de compromis négocié au sein de la commission parlementaire principale a introduit quelques nouveaux éléments significatifs par rapport à la proposition initiale, d’autres modifications ont été introduites par des amendements de dernière minute lors du vote en plénière.
Publicité ciblée
L’amendement le plus important a été déposé par la Tracking-free Ads Coalition, un groupe multipartite de députés européens qui milite pour une interdiction des publicités ciblées. La demande d’une interdiction totale n’ayant pas abouti, un compromis a été trouvé pour interdire uniquement le ciblage des mineurs.
La Coalition a réussi à faire passer des amendements étendant la limitation aux données personnelles sensibles telles que les convictions politiques et religieuses et l’orientation sexuelle lors du vote en plénière.
En outre, les plateformes en ligne ne doivent pas rendre le refus de consentement pour le traitement des données personnelles plus complexe que son octroi, et le refus de consentement ne doit pas être pénalisé par la désactivation de fonctionnalités.
Exemption pour les médias
Une longue discussion au Parlement a porté sur le contenu éditorial, que les plateformes ne devraient pas retirer arbitrairement, selon les éditeurs. La proposition initiale d’une « exemption pour les médias » a été rejetée car des médias malhonnêtes pourraient devenir des vecteurs de désinformation.
Les amendements apportés en plénière ont donné des résultats mitigés. Une disposition qui permettait aux éditeurs de contester les décisions de modération de contenu des plateformes a été rejetée. En revanche, les députés ont approuvé une modification des exigences relatives aux conditions générales, demandant aux plateformes de prendre en compte la Charte des droits fondamentaux, y compris la liberté des médias.
Un autre amendement déposé par la commission des libertés civiles (LIBE) précise que si les conditions générales violent les droits fondamentaux, ils ne devraient pas être contraignants pour les utilisateurs.
Traçabilité des utilisateurs professionnels
Un autre point important de discussion tout au long des négociations sur le DSA était de savoir dans quelle mesure les marchés en ligne devaient être responsables des produits illégaux distribués sur leurs plateformes.
L’approche repose sur le principe de la « connaissance du client commercial ». En d’autres termes, les plates-formes ne sont pas directement responsables des produits illégaux, mais elles doivent s’efforcer de vérifier l’identité des fournisseurs de services pour s’assurer qu’ils peuvent être tenus légalement responsables.
Ces obligations d’information étaient initialement limitées aux places de marché en ligne. Pourtant, un amendement en plénière a modifié le préambule du texte en l’étendant à tout service intermédiaire, y compris plusieurs couches de l’internet comme les registres de noms de domaine et les réseaux de distribution de contenu.
« Il a été inséré pour que les titulaires de droits puissent poursuivre les gens plus facilement », a déclaré un fonctionnaire du parlement européen opposé au texte, notant que « toutes les informations fournies par les entreprises devront être vérifiées avant qu’elles puissent ouvrir un site web. Ce sera un cauchemar bureaucratique pour toutes les entreprises en Europe, grandes ou petites. »
Un autre amendement introduisant un nouvel article avec une disposition similaire n’a pas réussi à atteindre la majorité à une voix près.
Interfaces truquées
Les députés conservateurs ont réussi à obtenir un vote séparé sur les mesures contre les dark patterns ou interfaces truquées en français (art. 13a) mais ont échoué dans leur tentative de supprimer l’article.
Les dark patterns sont des techniques conçues « pour déformer ou altérer la capacité des destinataires de services à prendre une décision ou à faire un choix libre, autonome et informé ».
L’article interdit explicitement l’utilisation de techniques spécifiques pour extorquer le consentement à la collecte de données personnelles, par exemple via l’affichage répété de pop-ups. Il empêche également les plateformes de demander un tel consentement si les utilisateurs choisissent déjà par des « moyens automatisés », qui peuvent être un paramètre du navigateur web ou du système d’exploitation.
« Cela renforcerait le rôle de garde-barrière des acteurs dominants et aurait un effet disproportionné sur les petits éditeurs », a déclaré Greg Mroczkowski, directeur des politiques publiques à l’IAB Europe.
Représentation collective
Le DSA suit une approche asymétrique, mettant en place des obligations plus strictes en fonction de la taille de l’entreprise. Cependant, la question de savoir dans quelle mesure les PME devraient être exemptées a fait l’objet de discussions animées, les législateurs soucieux du monde des affaires s’opposant aux députés européens plus soucieux de la protection des consommateurs.
À cet égard, la commission de l’industrie (ITRE) a réussi à obtenir un amendement qui permettrait aux PME de se joindre à une représentation collective après avoir fait un « effort raisonnable » pour obtenir un représentant légal propre.
Anonymat en ligne
La commission LIBE a également réussi à faire adopter plusieurs amendements concernant l’anonymat en ligne. Ces dispositions exigent que les plateformes permettent aux utilisateurs d’utiliser et de payer des services de manière anonyme « lorsque des efforts raisonnables peuvent le permettre. »
Négociations inter-institutionnelles
Le Parlement européen est le dernier co-législateur à adopter le DSA, le Conseil de l’UE ayant arrêté sa position en novembre. Cinq trilogues politiques sont actuellement prévus, les 31 janvier, 22 février, 15 mars, 24-25 mars et 6-8 avril.
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