La Commission européenne a présenté sa loi sur le climat, destinée à faire de l’Europe un continent neutre en carbone d’ici à 2050. Mais pour l’activiste climatique Greta Thunberg, elle équivaut à une « reddition ».
Selon le projet de loi dévoilé le 4 mars, l’UE devra réduire significativement ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à la moitié du siècle et atteindre un objectif plus ambitieux d’ici à 2030, qui reste cependant à déterminer. Ursula von der Leyen convient qu’il s’agit là d’une proposition succincte.
La présidente de la Commission a déclaré dans un communiqué que l’échéance de 2050 « ne constitu[ait] plus un objectif inconcevable. J’espère que mes enfants seront plus jeunes que je ne le suis aujourd’hui lorsque nous y parviendrons ». Elle a jouté que la loi climat « fera[it] office de boussole durant les 30 prochaines années ».
Selon elle, la nouvelle législation « offre à l’industrie et aux investisseurs de la prévisibilité et de la transparence », ainsi que « l’avantage d’être les premiers arrivés », tout en permettant de convaincre d’autres régions et pays du monde de suivre l’exemple de l’UE.
Pour Frans Timmermans, le vice-président de la Commission chargé du climat, « cela montre que l’UE ne plaisante pas. Cela nous aidera à maintenir le cap face aux autres urgences qui se présenteront à nous durant les 30 prochaines années et cela permettra aux institutions de rester focalisées sur l’objectif ».
Le Néerlandais a souligné que la loi européenne constituait un « vibrant appel » à d’autres pays, tels que la Chine et les États-Unis, pour qu’ils s’engagent davantage en faveur du climat. « Il s’agit d’un défi ouvert lancé aux autres pour qu’ils tentent de nous battre ».
Mais la jeune activiste Greta Thunberg, qui a assisté à la réunion hebdomadaire de l’exécutif aux côtés d’Ursula von der Leyen, n’a guère été impressionnée par le projet présenté. Lors d’une réunion de la commission environnementale du parlement qui s’est déroulée plus tard dans la journée, elle a qualifié la loi climat de « capitulation ».
« Nous ne vous laisserons pas hypothéquer notre futur », a-t-elle affirmé face aux eurodéputés, ajoutant que l’UE devait cesser de « prétendre qu’[elle] pouvait être un leader sur les questions climatiques, tout en continuant à construire et à financer de nouvelles infrastructures pour les combustibles fossiles ».
Dans une lettre publiée quelques jours auparavant, elle et divers autres activistes climatiques soulignaient que la neutralité carbone en 2050 n’offrait que 50 % de chances d’atteindre les objectifs les plus ambitieux de l’accord de Paris en matière de limitation du réchauffement.
Dans leur missive, les signataires enjoignent les dirigeants politiques à se focaliser sur le budget carbone restant — le volume de gaz à effet de serre qui peut être émis tout en respectant les objectifs climatiques — et de prendre en compte les preuves scientifiques les plus convaincantes à disposition.
Parmi ses reproches à l’adresse de la Commission, Greta Thunberg a souligné l’absence d’un budget carbone dans sa proposition de loi sur le climat.
Frans Timmermans a balayé ces critiques, affirmant que la Commission avait choisi une approche différente en prenant en compte tous les gaz à effet de serre, y compris les émissions de méthane de l’industrie pétrolière et gazière, qui ont un potentiel de réchauffement planétaire beaucoup plus élevé que le CO2.
« Nous voulons vraiment considérer cela de manière globale et tenir compte de tous les gaz qui sont responsables de la hausse de la température », a-t-il indiqué.
Il a ajouté que la Commission étudiait d’autres moyens de lutter contre la crise climatique, en préparant une stratégie sur la biodiversité et de nouvelles lois sur le recyclage des déchets et les matières premières secondaires.
« L’effet de ce que nous faisons avec l’économie circulaire est bien plus important que ce que [Greta Thunberg] prévoit », a assuré le Néerlandais à Euractiv.
Les objectifs 2030 dans le flou
La législation sur le climat proposée par la Commission n’inclut aucune révision à la hausse des objectifs actuels de l’UE pour 2030 et engage seulement l’exécutif européen à publier une proposition de mise à jour d’ici à septembre.
En vertu des règles climatiques actuelles, l’UE dans son ensemble doit réduire sa production de gaz à effet de serre de 40 % d’ici 2030, par rapport aux niveaux de 1990. Cet objectif a été qualifié d’insuffisant, car il est antérieur à l’accord de Paris sur le climat, établi en 2015.
Au cours de sa campagne pour la présidence de la Commission, Ursula von der Leyen s’était engagée à augmenter le niveau de référence afin que l’UE assume sa part en matière de réduction des émissions. Frans Timmermans avait également promis la même chose lors de son audition devant le Parlement en septembre.
Le responsable du climat a souligné qu’une étude d’impact approfondie sur les coûts qu’entraînerait un objectif plus élevé pour 2030 devait être réalisée correctement. « Nous ne voulons pas faire de la rigueur une victime de l’opportunisme politique », a-t-il plaidé.
En début de semaine, douze pays ont demandé au Néerlandais d’avancer l’échéance — prévue en septembre — à juin, afin que les négociateurs puissent trouver un accord durant la période estivale.
Frans Timmermans a laissé entendre que si ses services étaient contraints d’effectuer leurs calculs à la hâte, cela ferait perdre du temps à l’UE en définitive, car les États membres pourraient contester le travail de la Commission si celui-ci n’était pas irréprochable.
Il a également confirmé que la Commission avait l’intention de faire usage d’actes délégués pour revoir les objectifs climatiques 2030, ce qui limitera la marge de manœuvre des gouvernements nationaux et des députés européens dans le processus décisionnel. Ils ne pourront ainsi qu’approuver une proposition ou y opposer leur veto, mais ne seront pas en mesure de la modifier.
Les trois institutions devront se mettre d’accord sur une version de la loi sur le climat avant qu’elle ne puisse être adoptée. Il est donc probable que les négociateurs du Conseil européen s’efforcent de dépouiller le texte final de l’acte délégué.
Mais, pour l’eurodéputé centriste Pascal Canfin, « l’une des valeurs ajoutées [de ce processus] est de sortir de la situation actuelle où les objectifs climatiques sont unanimement fixés par le Conseil européen ». Il a ajouté que l’idée pourrait trouver un certain soutien au sein du Parlement européen.
Frans Timmermans a assuré que le recours aux actes délégués ne l’empêcherait « pas de dormir la nuit » — balayant ainsi l’idée que les gouvernements protesteront contre leur perte de pouvoir — mais a précisé que toute révision de la législation existante se ferait conformément au processus législatif régulier.
Comme pour toute proposition de la Commission, les députés et le Conseil devront désormais s’entendre sur leurs propres positions de négociation avant de se réunir avec l’exécutif de l’UE dans le cadre de discussions trilatérales connues sous le nom de trilogues.
Si Frans Timmermans s’en tient à l’échéance de septembre, cela signifie que le sommet UE-Chine prévu ce mois se tiendra presque certainement sans accord finalisé et qu’il faudra se livrer à une véritable course contre la montre pour se rendre au sommet onusien de novembre (26 COP) avec un moyen de pression supplémentaire.
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