On en a pris l’habitude depuis 1977, chaque année, le 8 mars, on célèbre les droits de la Femme. Mais quelle est l’origine de cette date ? Pourquoi avoir besoin d’une journée pour les droits fondamentaux de la moitié de l’humanité ? Et a-t-elle un impact ? Pour les Français de l’étranger, on fait le point.
Un long parcours depuis 1848
Dans le cadre des mouvements sociaux qui fermentaient à la veille de la Première Guerre mondiale, les femmes russes organisent leur première Journée internationale des femmes le dernier dimanche de février 1913. Dans d’autres pays d’Europe, à la date du 8 mars ou aux alentours de cette date, les femmes tiennent des rassemblements soit pour protester contre la guerre, soit pour exprimer leur solidarité avec leurs sœurs.
Mais aux Etats-Unis d’Amérique, conformément à une déclaration du Parti socialiste américain, la première Journée nationale des femmes est célébrée sur l’ensemble du territoire le dimanche 28 février 1909. Les femmes célèbreront ensuite cette journée chaque dernier dimanche de février jusqu’en 1913. Mais une étape clé a eu lieu bien plus tôt, en 1848, dans l’État de New York. Indignées par l’interdiction faite aux femmes de prendre la parole à l’occasion d’une convention contre l’esclavage, les Américaines Elizabeth Cady Stanton et Lucretia Mott réunissent plusieurs centaines de personnes à leur Convention pour les droits des femmes à Seneca Falls. Il s’agit de la première convention de ce type aux États-Unis. Ensemble, elles revendiquent des droits civils, sociaux, politiques et religieux pour les femmes, dans un texte appelé Déclaration de sentiments et de résolutions.
Ensuite, c’est en 1910, que l’Internationale socialiste réunie à Copenhague, au Danemark, décide d’instaurer une Journée des femmes pour rendre hommage au mouvement en faveur des droits des femmes et pour favoriser l’obtention du suffrage universel pour les femmes. La proposition est approuvée à l’unanimité par la conférence qui comprenait plus de 100 femmes de 17 pays, dont les trois premières femmes élues au Parlement finlandais. Aucune date n’est toutefois fixée pour cette célébration. Ainsi, à la suite de la décision prise à Copenhague, la Journée internationale des femmes est célébrée pour la première fois, le 19 mars 1911, en Allemagne, en Autriche, au Danemark et en Suisse, où plus d’un million de femmes et d’hommes assistent à des rassemblements. Outre le droit de voter et d’exercer une fonction publique, les femmes réclament le droit au travail, à la formation professionnelle, ainsi que l’arrêt des discriminations sur le lieu de travail.
Lancée en plein milieu de la Première guerre mondiale, la Journée internationale des femmes, au cours de ses premières années, devient un mécanisme de protestation contre la Première Guerre mondiale. Alors que les combats font rage, un grand rassemblement de femmes est organisé à La Haye, aux Pays-Bas, le 15 avril 1915. Plus de 1 300 femmes venues de douze pays participent à cette manifestation.
En France, c’est en 1982, sous l’impulsion d’Yvette Roudy, ministre déléguée aux droits des femmes, que la France reconnaît le 8 mars comme Journée internationale des droits des femmes.
Le 8 mars 1982 est marqué par de nombreuses manifestations dont le point fort est la réception donnée à l’Élysée et le discours du président de la République François Mitterrand. Il reçoit à cette occasion 450 femmes, représentant les milieux socio-professionnels et les associations et annonce plusieurs mesures en faveur des droits des femmes.
Des inégalités encore très présentes
Dans un monde confronté à de multiples crises qui exercent une pression énorme sur les communautés, la réalisation de l’égalité entre les femmes et les hommes n’a jamais été aussi cruciale. Garantir les droits des femmes et des filles dans tous les aspects de la vie est le seul moyen de bâtir des économies justes et prospères et de préserver une planète saine pour les générations de demain.
Pour autant, les mesures contre les femmes sont encore répandues, comme l’interdiction d’étudier et d’exercer certains métiers en Afghanistan, le droit à l’avortement révoqué par la Cour Suprême aux États-Unis, l’accès restreint à l’IVG et à la contraception en Pologne… Ces dernières années, les droits des femmes ont connu un recul tragique aux quatre coins du monde.
Les militants dénoncent l’action de lobbys conservateurs (« les mouvements anti-droits ») au sein de nombreux gouvernements et d’institutions internationales, ce rapport fait état d’un net recul des droits des femmes « partout dans le monde ». Ces derniers soulignent qu’« Aucun État n’est à l’abri d’un revirement conservateur », plus particulièrement en matière de contrôle des corps et des sexualités.
Sur le plan international, un rapport publié en mars 2022 fait état d’inégalités très fortes entre hommes et femmes, d’un point de vue économique. Dans son étude intitulée « Les Femmes, l’Entreprise et le Droit 2022 », la Banque Mondiale révèle des statistiques éloquentes :
– Dans le monde, 2,4 milliards de femmes en âge de travailler ne bénéficient pas des mêmes droits économiques que les hommes ;
– Dans 178 économies, les femmes font face à des obstacles institutionnels qui les empêchent de participer pleinement à la vie économique de leur pays ;
– 86 économies restreignent l’accès des femmes à l’emploi ;
– 95 économies ne garantissent pas un salaire égal à conditions de travail égales entre hommes et femmes ;
– A l’échelle internationale, les femmes ne disposent que des ¾ des droits juridiques accordés aux hommes.
D’après le rapport de l’organe français en charge du dossier de l’égalité Homme/Femme, le tableau alarmant du sexisme en France conduit les femmes à des renoncements quotidiens pour éviter de subir des actes ou des propos sexistes.
C’est le cas de 9 femmes sur 10, qui affirment adopter des conduites d’évitement dans différents aspects de leurs vie privée ou professionnelle :
– 55% renoncent à sortir ou à faire des activités seules ;
– 52% à s’habiller comme bon leur semble ;
– Près de 40% censurent leurs propos de peur de la réaction des hommes ou veillent à ne pas parler trop fort ;
– 8 femmes sur 10 craignent de rentrer seules le soir.
Ces situations ont un impact psychologique fort, aggravant la charge mentale des femmes, et pouvant induire pour certaines une perte de confiance en soi dans leur parcours professionnel ou leur vie quotidienne :
– Plus d’un tiers (35%) des femmes en situation d’emploi n’ont pas osé demander une augmentation ou une promotion ;
– 15% des femmes ont redouté ou carrément renoncé à s’orienter vers des métiers majoritairement composés d’hommes.
Se mobiliser pour les droits des Femmes dans le monde le 08 mars
Un thème précis est défini par l’ONU chaque année et donne lieu à de nombreux débats et actions. Face à un constat alarmant : un déficit de 360 milliards de dollars par an pour les dépenses consacrées aux mesures en faveur de l’égalité des sexes d’ici à 2030, le thème de cette année est « Investir en faveur des femmes : accélérer le rythme ». Cinq axes clés qui nécessitent une action commune ont été identifiés pour le thème de 2024 :
– Investir en faveur des femmes : une question de droits humains,
– Mettre fin à la pauvreté,
– Mettre en œuvre un financement tenant compte du genre,
– Passer à une économie verte et une société de soins,
– Soutenir les agents de changement féministes.
En effet, de nombreux combats sont encore à mener pour améliorer la situation des femmes dans notre société, par exemples : lutter contre les violences sexistes et sexuelles à l’égard des femmes, défendre une rémunération identique à poste égal, lutter contre les mariages forcés à travers le monde, agir pour un meilleur accès à l’éducation et à la santé, encourager l’accès des femmes à des postes décisionnaires notamment en politique, etc.
Chaque année, partout dans le monde, le 8 mars est l’occasion de célébrer toutes celles et ceux qui ont permis d’améliorer la condition de la femme et celles et ceux qui luttent au quotidien pour l’égalité des genres. L’occasion également de mettre en lumière les inégalités qui perdurent et de faire entendre les revendications pour les droits des femmes. L’égalité entre les femmes et les hommes n’est aujourd’hui pas atteinte, et la lutte pour les droits des femmes doit continuer. Ainsi, le 8 mars est toujours d’actualité 50 ans après son officialisation et les Français de l’étranger, comme tous les citoyens du monde, peuvent se mobiliser.