La Hongrie et la Pologne se sont opposées, ce lundi 16 novembre, à l’approbation du budget septennal de l’UE et à celle du fonds de relance, car elles rejettent le mécanisme qui lie le respect de l’État de droit à l’octroi des fonds de l’UE.
Le plan de relance bloqué
Le veto de Budapest et Varsovie – qui pourrait encore être levé au niveau des dirigeants nationaux des 27 – constitue un obstacle supplémentaire au versement des fonds européens dont les pays durement touchés par la pandémie, comme l’Espagne ou l’Italie, ont grandement besoin. Et ce dans un contexte où la résurgence de l’épidémie en Europe et la restauration de mesures restrictives entravent la reprise suspendue au budget européen.
Les 27 ambassadeurs qui représentent leur pays auprès de l’UE (Coreper) se sont réunis lundi 16 novembre pour approuver une série de compromis conclus entre les négociateurs du Parlement européen et la présidence allemande du Conseil.
À l’ordre du jour figuraient notamment le cadre financier pluriannuel (CFP), soit le budget de l’UE pour la période 2021-2027 de près de 1 100 milliards d’euros, et le fonds de relance de 750 milliards d’euros destiné à affronter la pire récession de l’histoire de l’UE, provoquée par la pandémie de COVID-19.
L’Etat de droit en cause !
Autre sujet sensible au menu : le nouveau mécanisme sur de l’État de droit, qui doit permettre de suspendre le versement des fonds de l’UE en cas de mauvaise gestion des capitaux européens ou de violation des principes de l’UE.
Malgré l’opposition de la Hongrie et de la Pologne à ce dispositif, la conditionnalité relative à l’État de droit a été approuvée à la majorité qualifiée requise au sein du Conseil.
En représailles, Budapest et Varsovie ont bloqué le budget européen pluriannuel et le fonds de relance, car dans les deux cas, l’unanimité était nécessaire en raison de la décision portant sur les ressources propres.
Le veto des deux pays sera discuté lors d’une réunion des ministres des Affaires européennes de l’Union ce mardi 17 novembre, puis lors d’un sommet vidéo des dirigeants européens jeudi 19 novembre.
Un porte-parole de la présidence allemande a déclaré sur Twitter que les ambassadeurs de l’UE n’étaient pas parvenus à obtenir « l’unanimité nécessaire pour engager la procédure écrite en raison des réserves exprimées par deux États membres ».
L’impôt européen tributaire des parlements nationaux
En outre, la procédure concernant les ressources propres doit être ratifiée par tous les États membres, principalement par l’intermédiaire de leurs parlements nationaux. Le processus d’approbation devrait donc durer au moins jusqu’au printemps prochain. En conséquence, la plus grande partie des ressources du fonds de relance de l’UE ne devrait pas être disponible avant le second semestre 2021.
Le compromis sur le budget à long terme de l’UE a également été bloqué au sein du Coreper. Un porte-parole allemand a déclaré que deux États membres avaient « exprimé des réserves s’agissant de leur opposition à un élément du paquet global », en référence au mécanisme sur l’État de droit, « mais pas concernant la substance de l’accord sur le cadre financier pluriannuel ».
Souveraineté nationale
Dans une lettre envoyée précédemment à la Commission, la Hongrie et la Pologne avaient menacé de bloquer le processus d’approbation du CFP et du fonds de relance si le mécanisme sur l’État de droit était approuvé, car les deux pays considèrent qu’il empiète sur leur « souveraineté nationale ».
Zoltan Kovacs, le porte-parole du gouvernement hongrois, a justifié le veto en disant que le compromis sur l’État de droit allait « à l’encontre des conclusions du Conseil de juillet », évoquant le sommet durant lequel les dirigeants des 27 ont approuvé le budget européen pluriannuel.
Au cours des négociations avec le Parlement européen, la conditionnalité relative à l’État de droit s’est étoffée, elle prévoit davantage de cas permettant la suspension des fonds européens, comme la mise en danger de l’indépendance du pouvoir judiciaire, ainsi qu’une orientation préventive, ce qui a suscité les critiques de la Hongrie et de la Pologne.
« La question est de savoir si la Pologne … sera soumise à un asservissement politique et institutionnalisé », a déclaré Zbigniew Ziobro, le ministre polonais de la Justice, lundi 16 novembre.
L’impact de la deuxième vague de la pandémie a obligé la Commission européenne à revoir à la baisse ses prévisions de croissance pour l’an prochain.
« Nous sommes à nouveau en crise », a déclaré un haut fonctionnaire de l’UE en évoquant le veto attendu de Budapest et de Varsovie.
Johannes Hahn, le commissaire au budget, a pour sa part exprimé sa déception à propos de l’issue de la réunion du Coreper.
Il a exhorté les États membres à « assumer leur responsabilité politique » et à prendre les mesures nécessaires pour adopter le paquet budgétaire européen.
« Il ne s’agit pas d’idéologies, mais de fournir de l’aide à nos citoyens au cours de la pire crise [qui frappe l’Europe] depuis la Seconde Guerre mondiale », a-t-il affirmé.
Reste à voir comment le veto hongrois et polonais pourrait être levé, étant donné que le Conseil a déjà approuvé le mécanisme sur l’État de droit.
L’Allemagne en première ligne
La Commission considère que c’est le rôle de la présidence allemande de trouver une issue à cette impasse, mais cette manœuvre délicate pourrait nécessiter l’intervention des dirigeants européens. Ces derniers se réuniront virtuellement jeudi pour discuter du Brexit, de l’état de la pandémie et de leurs efforts pour lutter contre le virus.
Pendant ce temps, la présidence allemande et les négociateurs du Parlement se penchent sur les détails de la facilité pour la reprise et la résilience, dotée de 672 milliards d’euros. Il s’agit du principal pilier du fonds de relance et de la pièce maîtresse de la négociation sur le budget européen.
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