Dans un document confidentiel consulté par Euractiv, la France invite l’UE à créer un fonds d’émission de dette qui représenterait jusqu’à 3 % du PIB européen pour soutenir les États membres les plus touchés par la crise sanitaire.
Les ministres européens des Finances se retrouvent le 7 avril pour évoquer une série de mesures qui pourraient s’élever à pratiquement 500 milliards d’euros. Elles incluraient des instruments et des garanties dépendants du Mécanisme européen de stabilité (MES), de la Commission européenne et de la Banque d’investissement européenne (BEI).
Mais les institutions de l’UE et les États membres s’accordent à dire que l’Europe s’apprête à connaître une grave récession et que davantage de mesures devront être prises pour relancer l’économie une fois la pandémie enrayée.
Alors que la Commission européenne place le cadre financier pluriannuel (CFP) au centre de son plan de relance, au moins neuf États membres, dont la France, souhaitent adopter une stratégie plus ambitieuse, comme l’émission d’une dette commune.
À ce titre, dans une ébauche de document, le Ministère des Finances français propose un nouvel instrument d’émission de dette conjointe, une « entité ad hoc » semblable au Fonds européen de stabilité financière (FESF) créé au début de la crise financière de 2009. Le nouveau mécanisme ne mutualiserait pas la dette passée ou future des États membres.
« Cet instrument témoignerait de l’unité et de la solidarité européennes, parce qu’il bénéficierait principalement aux pays ou aux régions les plus affectés de l’Union européenne », indique le document.
Des détails fournis par le gouvernement français sur la proposition la semaine dernière ont aussi été ajoutés au document.
Le mécanisme serait couvert par des garanties émises par les États membres, individuellement ou conjointement.
Pour l’instant, Paris suggère de lever des fonds d’un montant équivalent à 2-3 % du PIB de l’UE sur cinq ans, soit environ 420 milliards d’euros — mais cette proposition sera évaluée par les autres leaders européens et pourrait être revue.
Par ailleurs, la France a amendé la formule de remboursement qu’elle avait mise en place la semaine dernière. Alors que la première esquisse de document évoquait une « taxe de solidarité », la proposition actuelle parle de « scénario central », auquel les États membres devraient contribuer en fonction de leur Revenu national brut (RNB).
Et pourtant, le document inclut encore la possibilité de mobiliser une « ressource européenne spécifique, exceptionnelle et temporaire » allouée au mécanisme tant qu’il est en vigueur.
Ces ressources pourraient être redistribuées, puisqu’elles ne dépendront pas du RNB mais des conséquences socioéconomiques de la pandémie sur les pays et les régions de l’UE. En clair, l’Italie et l’Espagne pourraient bénéficier de fonds plus importants que leur poids économique.
En ce qui concerne les objectifs post-coronavirus, la France appelle à financer les projets liés au « Green Deal » européen. Elle plaide aussi pour le financement de la stratégie industrielle, et en particulier la relocalisation des chaînes de valeur stratégiques en Europe.
Le document invite également à se concentrer sur les programmes « destinés à atténuer les effets d’une crise symétrique externe et à répondre aux besoins financiers mieux couverts au niveau européen ».
La France propose en outre d’établir une période de remboursement de la dette plus longue que celle fixée par le MES, sous certaines conditions qui font actuellement l’objet de discussions.
Tandis que le MES assure maximum dix ans de délais de remboursement, Paris suggère de prolonger ceux-ci jusqu’à 20 ans, voire plus, pour alléger le fardeau des économies nationales.
Le groupe des socialistes et des démocrates au Parlement européen, le S&D, plaide aussi pour une entité ad hoc similaire à la proposition française.
Lors d’une vidéoconférence lundi 6 avril, Jonás Fernández (S&D), un porte-parole de la Commission des affaires économiques et monétaires (ECON) du Parlement européen, a déclaré à la presse que « davantage de taxes » seraient nécessaires pour rembourser la dette commune émise au travers de ce mécanisme. Cela pourrait inclure un nouvel impôt sur les sociétés et la taxe sur les entreprises numériques.
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