À l’origine du projet de création d’un fonds de solidarité en faveur des Français de l’étranger, Joëlle Garriaud-Maylam répond aux questions des Français.press

À l’origine du projet de création d’un fonds de solidarité en faveur des Français de l’étranger, Joëlle Garriaud-Maylam répond aux questions des Français.press

Lesfrancais.press : Vous avez déposé une proposition de loi de création d’un Fonds de Solidarité en faveur des Français de l’étranger. Pourquoi une telle initiative ?

Joëlle Garriaud-Maylam : C’est un projet ancien, qui remonte à bien des années, avant ma première élection au Sénat en 2004. Il me semblait alors qu’un fonds de solidarité européen dont pourraient bénéficier l’ensemble des Européens habitant dans un autre pays que le leur s’intégrerait parfaitement dans les dispositions du Traité d’Union Européenne relatives à la citoyenneté européenne et donneraient corps à ce concept qui était une coquille un peu vide. J’avais d’ailleurs présenté cette idée (avec celle d’une représentation spécifique des expatriés au Parlement européen) lors d’une audition par la commission des affaires institutionnelles du Parlement européen en 2001 .  L’accueil fait à ces deux idées avait été extrêmement favorable, mais hélas, rien n’avait bougé ensuite, malgré les promesses reçues…

Après mon élection au Sénat en 2004, et dans la mesure où le projet de fonds de solidarité à l’échelle européenne semblait définitivement enlisé, je décidais de reprendre le dossier en limitant le champ d’application aux Français expatriés. Avec le soutien des élus de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE) je déposais dès 2008 une proposition de loi, cosignée par tous mes collègues UMP représentant les Français de l’étranger, et visant à créer au niveau national ce « fonds de solidarité pour les Français établis à l’étranger et victimes de catastrophes naturelles ou de crises politiques graves »

Malheureusement ma proposition de loi ne fut jamais inscrite à l’ordre du jour du Sénat, et l’on me dit qu’elle n’aurait aucune chance d’aboutir, sauf en cas de crise vraiment majeure, car on estimait que les expatriés français étaient déjà très gâtés avec leur représentation institutionnelle de 12 sénateurs, une Caisse des Français de l’étranger, un réseau de lycées très performants et qu’ils ne sauraient en demander davantage encore …  N’étant pas d’une nature à me décourager facilement, et convaincue du bien-fondé de ma démarche, je redéposais cette proposition de loi en 2016 mais là encore je me heurtais à un refus pour les mêmes raisons.

Avec la crise sanitaire du coronavirus qui affecte et affectera gravement nos communautés françaises aux quatre coins du monde, il m’a semblé indispensable de la redéposer une nouvelle fois et de me battre pour qu’elle soit enfin débattue au Parlement et que mes collègues parlementaires reconnaissent la nécessité de création d’un tel fonds, afin de pouvoir en urgence aider nos compatriotes démunis face à une crise particulièrement grave.

Joëlle Garriaud-Maylam au Sénat

Lesfrancais.press : Comment ce fonds de solidarité, si le Parlement le vote, sera-t-il financé ?

Joëlle Garriaud-Maylam :  C’est une excellente question car vous savez que les parlementaires ne sont pas censés demander de nouvelles dépenses à l’Etat sans avoir trouvé les moyens spécifiques de les financer… Il est tellement facile de vouloir faire œuvre de démagogie en proposant une idée généreuse en laissant à l’Etat la charge de trouver les moyens de la financer. Ce n’est évidemment pas sérieux, surtout à un moment où tous les économistes prévoient une récession pire que celle de 2008 !

Dès 2008 nous avions travaillé à élaborer un mode de financement solide pour ce Fonds de Solidarité. J’avais eu l’idée d’utiliser, outre des dons et legs, une partie des contrats de succession en déshérence, ainsi qu’un pourcentage du prix des passeports. Nous avions en outre travaillé avec l’AFE et sa commission de sécurité à une possibilité d’assurance volontaire des expatriés dont le produit serait affecté à ce fonds. Mais nous nous sommes aperçus alors, après une étude approfondie, qu’aucune compagnie d’assurance n’accepterait de s’engager sur cette voie, la plupart des expatries consultés refusant le principe de s’assurer pour ce risque de catastrophe naturelle ou de crise politique grave à l’étranger… La proposition de loi de 2016 avait donc écarté tout recours à un financement par produit d’assurance.

Lesfrancais.press :  Mais nous avons appris qu’il y avait deux autres propositions de loi visant le même sujet ?

Joëlle Garriaud-Maylam : Effectivement, c’est une caractéristique assez peu glorieuse de la vie politique que de reprendre à son compte les idées et le travail des autres, notamment à l’occasion de campagnes électorales. On change un ou deux mots et on essaie alors de faire croire que son idée est originale, ce qui ne trompe évidemment que bien peu de monde. Dire par exemple que l’originalité d’une PPL est de proposer ce  «fonds d’urgence» alors qu’il est évident qu’un fonds de solidarité l’est déjà puisqu’il doit être créé pour justement  répondre aux urgences ou qu’une  PPL serait basée sur un système d’assurances alors que c’est totalement faux ne saurait grandir les auteurs de telles  accusations…

Cela m’est souvent arrivé dans le passé que l’on me reprenne mes idées (on me dit souvent que je devrais en faire un livre !) Cela m’avait choqué la toute première fois où cela m’est arrivé. Il s’agissait d’une proposition de loi visant à faire passer l’âge du mariage des filles de 15 à 18  ans pour les protéger des mariages forcés.   Personne ne voulait auparavant de cette mesure qui avait été proposée en vain par des ONG pendant de très nombreuses années, mais à partir du moment  où l’actualité a fait qu’elle  avait une chance d’être acceptée (je l’avais alors transformée en un amendement pour gagner du temps) ont fleuri toute une série d’amendements quasi-similaires qu mien, chaque auteur prétendant que le sien était plus original… J’avoue que j’en avais été alors  assez stupéfaite… Aujourd’hui cela me fait sourire, je n’ai jamais eu de problème d’ego et je trouve que l’essentiel est d’arriver au résultat voulu….

Je trouve cependant que les parlementaires s’honoreraient de davantage travailler ensemble… Je crois depuis toujours aux vertus du collectif et déplore toute « course à l’échalotte » (pour reprendre l’expression d’un élu des Français de l’étranger) qui ne peut que nuire à l’intérêt général.

Plus que jamais en cette période de coronavirus, nous devons nous serrer les coudes, ne serait-ce que par respect pour nos compatriotes et toutes ces familles qui souffrent et qui attendent qu’on leur porte secours.

 

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