La France fait barrage à l’élargissement européen

La France a bloqué l’ouverture des négociations d’adhésion de la Macédoine du Nord à l’UE. Celle-ci avait pourtant promis de récompenser Skopje par un ticket d’entrée pour l’UE grâce à l’accord historique de Prespa conclu avec la Grèce.

Le 15 octobre, les ministres européens se sont rencontrés au Conseil des affaires générales (CAG) à Luxembourg pour débattre de l’ouverture des négociations d’adhésion de l’Albanie et de la Macédoine du Nord à l’UE. Une telle réunion avait déjà eu lieu en juin et les ministres avaient conclu que la décision serait reportée au mois d’octobre. Cette rencontre, toutefois, était la dernière sous le joug de la Commission Juncker et était décisive.

Seule la France s’est opposée à l’ouverture de négociations concernant l’adhésion de la Macédoine du Nord, alors que les Pays-Bas et le Danemark l’ont soutenue, mais ont bloqué la procédure pour l’Albanie. La Finlande a proposé que l’adhésion de l’Albanie soit considérée indépendamment de celle la Macédoine du Nord, ce que la France a refusé.

Refiler la patate chaude au sommet européen

La ministre finlandaise des Affaires européennes, Tytti Tuppurainen, dont le pays assure la présidence tournante du Conseil de l’UE, a déclaré qu’en l’absence d’accord, le problème serait inscrit au programme du sommet européen.

Les leaders européens se rendront à Bruxelles les 17 et 18 octobre et le programme prévu est pour le moins hétéroclite. Comment empêcher un Brexit dur ? Comment répondre à l’offensive militaire turque en Syrie ? Voici, entre autres, les sujets qui y seront abordés.

Selon la ministre française des Affaires européennes, Amélie de Montchalin, l’Hexagone est opposé à l’ouverture des négociations avec les deux pays des Balkans occidentaux.

À ses yeux, davantage de réformes doivent être mises en place dans les deux pays. Elle a néanmoins souligné que des points plus essentiels devraient être réglés, notamment la façon dont la Commission conduit les négociations et la fuite des cerveaux constatée dans ces régions.

La fuite des cerveaux et en effet un problème, mais il n’a pas fait l’objet d’interrogation pour la Serbie et le Monténégro, les deux pays des Balkans occidentaux dont les négociations d’adhésion sont en cours.

Crédibilité

D’après Amélie de Montchalin, tout est question de « crédibilité » : les critères ont été établis en 2018 et ils devraient être respectés. Dans le cas de la Macédoine du Nord, elle a précisé qu’une réforme du Bureau de Procureur spécial (SJO) était dans l’impasse.

Ceux qui s’opposent à la position française affirment que c’est l’UE qui perd en crédibilité, car le bloc n’honore pas ses promesses envers Skopje.

À Paris, un représentant du président français a indiqué que le gouvernement Macron refusait, pour le moment, d’ouvrir les négociations.

« Ces pays feront un jour partie de l’Union européenne, mais il est trop tôt pour amorcer les négociations à des fins d’élargissement », ajoute-t-il.

Bisbille avec Berlin ?

À Berlin, un représentant du gouvernement a déclaré qu’entamer les négociations d’adhésion était une priorité pour l’Allemagne, qui organise un sommet annuel avec la France ce mercredi 16 octobre.

« La chancelière, Angela Merkel, s’entretiendra avec Emmanuel Macron à ce sujet », affirme le porte-parole, ajoutant qu’elle abordera aussi la problématique lors du sommet européen des 17 et 18 octobre. « C’est une question stratégique pour le navire européen. »

Une source proche du dossier a dévoilé à Euractiv que la France pourrait revoir ses positions lors du sommet seulement en cas de compromis majeur, par exemple si Berlin se range derrière Paris concernant la réforme de la zone euro.

Emmanuel Macron pense déjà aux élections présidentielles de 2022. Il cherche aussi à ne pas s’attirer les foudres de Moscou, qui voit d’un mauvais œil les procédures d’adhésion des territoires qu’elle surveillait de près, notamment la Serbie, le Monténégro, la Macédoine du Nord. Podgorica a rejoint l’OTAN, la Macédoine espère en faire de même au début 2020, mais Belgrade ne l’envisage pas.

La plupart des autres États membres de l’UE ont exprimé leur frustration par rapport à la position française.

L’ouverture des négociations est une étape importante, mais la procédure de négociations peut durer plusieurs années, et les États membres ont un droit de véto si les engagements et les réformes du pays candidat ne convainquent pas.

Les considérations géopolitiques 

Nombreux sont les pays pour qui l’ouverture des négociations — avec l’Albanie et la Macédoine du Nord — est de la plus grande importance, au vu des tensions géopolitiques actuelles. En Macédoine, l’opposition VMRO-DPMNE ne pourrait que profiter du refus français et peut-être se rapprocher de la Russie. Du côté albanais, le rejet de Paris pourrait donner l’impulsion au gouvernement afin de former une Grande Albanie.

Les États membres les plus favorables à l’élargissement de l’UE en sont les nouveaux membres.

La tension est toujours palpable entre la Bulgarie et la Macédoine, mais Sofia a décidé de soutenir Skopje et d’utiliser son véto si le pays voisin décide de ne plus œuvrer à l’élaboration d’un traité bilatéral visant à résorber leurs contentieux.

« Il est crucial de donner un signal politique pour montrer que l’élargissement est toujours d’actualité », conclut George Ciamba, le ministre roumain des Affaires européennes.

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