La France bloque le projet MidCat avec l'Espagne

La France bloque le projet MidCat avec l'Espagne

Tandis qu’Allemands, Espagnols et Portugais relancent le débat sur le gazoduc MidCat reliant la péninsule ibérique à la France, certains dénoncent une manœuvre profitable, avant tout, aux intérêts de l’Allemagne. 

Le 11 août 2022, le chancelier allemand Olaf Scholz annonce qu’il regrette l’arrêt du projet de gazoduc MidCat qui manquerait « dramatiquement » à l’Europe en cette période de crise.

Dans la foulée, le Premier ministre portugais Antonio Costa rappelle que ce projet est même « une priorité » pour le continent, enjoignant donc la France à se positionner.

Le projet MidCat a été lancé en 2013 à l’initiative des gouvernements espagnol et français et avec le soutien de la Commission européenne. Nécessitant des renforcements très importants du réseau gazier français, le projet initial fut raccourci et renommé South Transit East Pyrénées (STEP).

Il est finalement abandonné en 2019, au prétexte qu’il ne répondait pas aux promesses escomptées en matière de sécurité d’approvisionnement et de viabilité économique.

La France boude le projet

Depuis, le gouvernement français botte en touche.

En juin dernier, le ministère de l’Écologie, de l’Énergie et des Territoires avait répondu à EURACTIV France qu’il n’avait « aucun commentaire » à formuler, alors que le dossier revenait sur le devant de la scène suite au déclenchement de la guerre en Ukraine.

En juillet, nouvelle sollicitation en amont du conseil des ministres de l’Énergie européens. Le cabinet du ministère répond à EURACTIV France que le projet est « non viable », au regard de son manque d’intérêt circonstancié en ces temps de crise. 

Néanmoins, le ministère se disait « attaché » à une discussion avec les partenaires européens. 

Propos que semble avoir entendu la ministre de l’Écologie espagnole. Le 12 août, elle déclarait à la télévision espagnole (TVE), que les travaux sur le projet MidCat coté Espagne pouvaient être terminés en « huit à neuf mois ».

Contre la pénurie de gaz, Teresa Ribera propose, au minimum, de préparer l’ajout d’un compresseur supplémentaire sur les deux petits gazoducs qui relient actuellement l’Espagne à la France.

Selon elle, le chantier ne devrait d’ailleurs prendre que « deux ou trois mois » et pourrait fournir rapidement « 2 à 2,5% » de la consommation gazière européenne. Estimation que corrobore le cabinet S&P Global sollicité par La Tribune.

Mais le même jour, le ministère de la Transition énergétique français réitérait ses propos tenus en juillet. Il fait ainsi savoir, au média espagnol Ara, que le projet n’avait pas d’intérêt et qu’il mettrait des années à être opérationnel.

« Nous ne sommes pas les vassaux de l’Allemagne »

En un sens, c’est aussi ce que dénonce Thierry Bros auprès d’EURACTIV France : « le politiquement correct pourrait nous pousser à développer un nouveau gazoduc »« Mais à quoi sert un pipeline qui relie deux terminaux de regazéification ? », dénonce-t-il. 

Le projet rebaptisé STEP prévoyait en effet d’interconnecter la ville de Figueres en Catalogne — proche du terminal de regazéification de Barcelone — à la ville de Barbaira en Occitanie — proche du terminal similaire de la Fos-sur-Mer. Situation absurde, donc, selon le chercheur.

Néanmoins, le Premier ministre portugais déclare que le projet servirait tout de même à « désengorger les ports du nord de l’Europe » en permettant au continent de profiter d’une plateforme logistique située dans le sud de Lisbonne.

Mais Thierry Bros rappelle que le projet profiterait surtout à l’Allemagne. Or, il n’y a selon lui, aucune raison que Français et Espagnols payent pour un chantier qui profiterait d’abord aux Allemands. À noter que les Espagnols ont cherché à faire financer ce projet par l’Union européenne.

« Nous [les Européens] ne sommes pas des vassaux de Berlin », fulmine le chercheur.

Face à la gravité de la situation que traverse l’Allemagne, il ajoute qu’Olaf Scholz ne peut s’en prendre qu’à lui-même et aux mauvaises décisions prises par les gouvernements allemands successifs depuis l’arrivée de l’ancienne chancelière Angela Merkel au pouvoir. Entre autres : la fermeture des centrales nucléaires.

hydrogène, gaz
Concept de bus à hydrogène

Transport d’hydrogène ?

En outre, la ministre de l’Écologie espagnole, avance que le projet pourrait permettre de développer les futures infrastructures de transport d’hydrogène. Ce à quoi Thierry Bros répond que, compte tenu de son immaturité technologique, l’hydrogène comme vecteur énergétique est une chimère face à l’urgence de la crise.

De fait, le professeur a profité, jeudi (25 août), de son passage sur la chaîne LCI pour dénoncer l’inutilité des pourparlers entamés par Olaf Scholz avec son homologue canadien sur le développement d’un partenariat hydrogène.

Il lui préfère le « pragmatisme » d’Emmanuel Macron, en visite en Algérie, dans un pays producteur de gaz et partenaire européen majeur.

Le président devra néanmoins faire des courbettes s’il souhaite négocier un contrat gazier supplémentaire. Cela demanderait en effet des milliards d’euros d’investissements algériens, alors que l’Union européenne et ses États membres souhaitent, in fine, sortir des énergies fossiles.

Une situation que la pénurie actuelle de gaz devrait d’ailleurs accélérer.

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