La démocratie libérale, une espèce en voie de disparition.

La démocratie libérale, une espèce en voie de disparition.

Au pas camarade, au pas camarade, au pas, au pas, au pas.  Selon Poutine, « l’idée libérale serait obsolète ». Outre ses nombreux admirateurs de par le monde, et en France, bien d’autres lui disputent le cadavre du libéralisme. Ici les autocrates, comme Poutine, Erdogan, qui plastronnent ; là, les Populistes illibéraux, comme Orban ; à coté les pourfendeurs du libre échange, comme Trump ;  rejoint par  les Ecolos, type Hulot, pour qui le « libre échange est à l’origine de tous les problèmes écologiques ». Même le groupe libéral démocrate au Parlement européen, sous l’impulsion des macronistes, a changé de nom, sans doute gagné par la honte.

Ne restent de libéraux que les Stambouliotes, les Hongkongais, les Honduriens. Comme les Hongkongais ont l’espérance de vie la plus longue du monde, « l’idée libérale » subsistera un peu. Ils manifestent contre des menaces sur les libertés publiques que fait peser leur propre gouvernement, complice de l’Empire de Xi Jiping.

Dix ans après un coup d’Etat, les Honduriens -encore trois morts dans les manifestations cette semaine -, réclament le départ d’un Président mal élu, accusé de narcotrafic.

Quant aux Stambouliotes, ils ont renvoyé Erdogan dans son palais, lui qui, maire d’Istanbul, avait proclamé « Qui gagne Istanbul gagne la Turquie » avant de passer 17 ans au pouvoir. La démocratie est plus résistante qu’on ne le croit.

Comme Poutine, Erdogan considère que le temps des démocraties libérales est révolu. Depuis le soi-disant coup d’Etat de 2016, des dizaines de milliers de militaires, d’enseignants, de journalistes, de policiers, ont été emprisonnés. Le régime s’éloigne de l’Europe et  prend la Russie pour modèle.

La discipline, l’unité de commandement ne valent-ils pas  mieux que le désordre et l’indécision ? Pas vraiment si l’on compare les résultats économiques : Depuis son recul démocratique, la Turquie s’enfonce. Quant à Poutine, suspendu aux cours du pétrole, il a du revenir sur des coupes budgétaires qui ont fait plonger sa cote de popularité, affolant ses courtisans.

Ni si l’on regarde les résultats politiques : La Russie a gagné la Crimée, mais perdu l’Ukraine, et ruiné les relations avec l’Europe, son partenaire naturel. Quant à la Turquie, hier modèle international, elle est aujourd’hui isolée, travaillée à nouveau par des conflits violents, parcourue par des réseaux terroristes, en difficulté avec les Etats-Unis, l’Union européenne, l’Arménie, la Grèce, l’Egypte, Israël, la Syrie, l’Arabie saoudite, la Lybie, et évidemment les Kurdes et l’Irak.  Elle peut toujours acheter des armes à la Russie, mais se privera de ses fournisseurs américains et européens. Car la Russie, hormis du gaz et du pétrole, n’a pas grand-chose à vendre, sinon des armes et une crise du rouble, ce dont elle se protège en achetant … des Euros.

On pouvait craindre que la cécité des autocrates ne soit contagieuse, que les peuples ne continuent à les suivre. Istanbul montre que non. Hong Kong envahit le Parlement pour y brandir le drapeau britannique et rêve d’un Brexit d’avec la Chine ! La démocratie libérale ne sera pas vaincue par les Empires et les Satrapes, mais elle peut l’être par la peur et la méconnaissance des ressorts du monde. La fièvre illibérale a déjà gagné les populistes, elle gagne aussi les écologistes catastrophistes.

Ainsi, chez nous, Hulot explique que le libre échange est l’ennemi du climat (et des peuples). Yves Cochet, autre figure écologiste, prépare la fin du monde, préconise le rationnement et le contrôle des naissances.  Imparable : si  nous courrons vers le désastre, un Etat de guerre s’impose, une législation d’exception.

Telle est la version extrême de certains écologistes verts. D’autres, écolo-pragmatiques, considèrent le libre-échange comme la meilleure allocation des ressources possible, un moyen de lutte contre la pauvreté, un partage de normes juridiques, commerciales, sociales, politiques … écologiques.  Hélas Hulot n’est pas seul : droite, gauche, extrême droite, extrême gauche  rivalisent à dénoncer le libre échange.

Qu’on imagine un monde vraiment protectionniste, à la Trump ou à la Hulot : Les pays sans gaz ni pétrole  retourneraient au charbon et au bois. La production de tee-shirt resterait en France, mais chaque chemise produite sur place coûterait vingt fois son prix, soit un pouvoir d’achat beaucoup plus bas, avec un énorme gâchis écologique, car toute production exige matières premières et énergie.

Le meilleur système d’ « économies » des ressources de la planète, est un système ouvert, d’échanges avec des prix libres. La solution des problèmes  écologiques n’est pas de chercher une alternative au capitalisme, mais dans l’avènement d’un capitalisme bleu, vert, de toutes les couleurs, qui permet et rétribue innovation, investissement et nouvelles énergies. Au delà des bénéfices économiques, les bénéfices politiques des systèmes ouverts sont majeurs.

On peut croire défendre la démocratie libérale sans le libre échange, c’est un leurre. Le protectionnisme ne peut fonctionner qu’avec des contrôles qui s’appliquent non aux étrangers mais aux citoyens du pays contrôleur. Les Etats protectionnistes sont les pays où le contrôle politique et social est le plus abouti.

On glose sur la faillite des démocraties. On ricane sur les heures de conciliabule pour désigner un exécutif européen. Soit. La recherche du consensus, c’est long, mais plutôt efficace. La nouvelle équipe européenne, ne se proclamera pas libérale, mais il faut espérer qu’elle le soit. Parce que l’Europe est génétiquement libérale, d’où le nombre de ses ennemis. Quand elle ne l’est pas, elle est bureaucratique. Quand elle ose être libre et indépendante, elle rappelle au monde des principes qui font encore vibrer Hong Kong, Istambul, Sao Paolo et Tegucigalpa. Et peut être Alger et Tunis. Morte l’idée libérale ? Pas encore. Faire et laisser dire.

Laurent Dominati 

A. Ambassadeur de France
A. Député de Paris

Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press

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