Un rapide panorama des activités culturelles françaises en Europe centrale et orientale.
Cette chronique propose un aperçu des activités culturelles françaises dans les pays voisins ou proches de l’Ukraine. Preuve s’il en est que la culture continue à cheminer même en temps de guerre. La France possède avec ses instituts et Alliances l’un des tout premiers réseaux de coopération culturelle au monde. Et cet outil d’influence demeure un instrument diplomatique utile, discret et concret, pour que les amoureux du français se retrouvent autour d’événements artistiques, rassembleurs, même s’ils appartiennent parfois à des nations officiellement adversaires.
À Kiev, la culture et la langue entre les bombes
L’Institut Français de Kiev maintient courageusement un service minimum malgré la guerre. Cela permet aux cours de français d’être assurés depuis septembre 2022 dans des conditions parfois périlleuses. Comme le signale Olivier Jacquot, le conseiller culturel et directeur de l’institut, « L’IFU est actuellement le seul institut culturel étranger accueillant du public en Ukraine. C’est aussi une manière pour nous de soutenir ce pays dans sa résistance à l’agression ».
S’il n’est pas question pour l’heure de reprogrammer le printemps français qui chaque année voyait en avril des manifestations de haut niveau se tenir dans la capitale et au-delà, il convient de rendre hommage au personnel de l’établissement qui assure cette présence symboliquement forte au plan linguistique et intellectuel. A Kiev et en région avec des annexes et alliances françaises qui couvrent une bonne partie du territoire (Dnipro, Kharkiv, Lviv, Odessa, Rivné et Zaporijjia), la culture se défie donc des bombes et des massacres. Et la résistance est aussi linguistique quand elle ne se fait pas les armes à la main.
Dans les pays baltes, la menace russe n'empêche pas les activités
Les pays baltes sont souvent présentés comme des cibles potentielles de la Russie. Un petit pays européen de 3,5 millions d’habitants y montre une véritable vitalité dans son lien avec la France. C’est un de ces trois pays baltes que les Français ont parfois tendance à confondre. La culture donne immanquablement l’occasion de vaincre l’ignorance et de réduire les distances : Pendant une année, la Lituanie sera à l’honneur en France et inversement. L’automne 2024 mettra en valeur les relations entre nos deux pays conformément à l’engagement pris par les deux présidents de faire de l’année qui vient une année de célébration qui valorisera nos liens historiques et culturels.
La Lituanie à l'honneur en France en 2024
L’esprit de cet événement est résumé par la commissaire lituanienne Virginija Vitkienè, une autrice et responsable artistique de haut niveau, qui s’est vue confier la coordination générale de cette saison : « Cet événement de diplomatie culturelle en France permettra une compréhension plus profonde (et dans certains cas nouvelle) de la culture lituanienne, des enjeux sous-jacents de notre vision du monde et de notre créativité. Avec un programme culturel fondé sur les principes de la co-création, nous chercherons à mettre en valeur les contextes culturels, géopolitiques et historiques uniques de la Lituanie, sans oublier de démontrer nos valeurs et notre unité avec la France et l’Europe face à la guerre, au changement climatique et au nouvel « exode des peuples ».
Cette saison 2024 qui se déclinera en une grande variété de concerts, d’expositions contemporaines et d’événements artistiques est très attendue après une année 2023 qui a vu l’institut français et le ministère de la Culture renoncer à l’organisation d’une saison consacrée aux relations bilatérales avec un pays. Si cette tradition des saisons croisées existe depuis plus de 20 ans, elle reste soumise aux aléas de programmation et aux contingences liées à l’épidémie mondiale de Covid et à la guerre en Ukraine qui ont provoqué trop d’incertitudes pour la saison 2023 et ont condamné sa mise en place. La reprise des saisons culturelles en 2024 est donc heureuse malgré un contexte de crise qui demeure.
Le 39ème festival du film français à Varsovie
Plus proche de nous dans le calendrier c’est en Pologne, ce pays qui a accueilli plusieurs millions de réfugiés depuis le déclenchement de la guerre, que se déroulera le traditionnel festival du film de varsovie qui fêtera sa 39ème édition. L’institut français de Varsovie est partenaire média de ce moment culturel qui se déroule dans trois des cinémas les plus en vue de la capitale. L’occasion de valoriser quelques films français et de rappeler les liens entre nos deux nations fascinées par le 7ème art. La Pologne dispose avec l’école de cinéma de Lodz d’une profonde tradition cinématographique qui remonte à la période communiste et qui a vu de très grands réalisateurs souvent produits en France comme le regretté Andrzej Wajda émerger après guerre pour remporter honneurs et prix sur toutes les scènes internationales. Le festival du film français aura d’ailleurs lieu en mai ou juin 2024 avec le soutien de l’Institut. Au programme de la 39e édition du festival du film de Varsovie (6-15 octobre 2023, cinémas Multikino Zlote Tarasy et Atlantic) figurent plusieurs productions et coproductions françaises. Deux d’entre elles ont été sélectionnées dans la section « Compétition internationale » : « Les Derniers Hommes » de David Oelhoffen avec l’acteur polonais Andrzej Chyra dans l’un des rôles principaux et le film franco-allemand « Not a word » de Hanna Slak.
Suivez ce lien pour en savoir plus sur le 39e festival du film Français de Varsovie.
En Roumanie des célébrations et anniversaires multiples :
L’institut français de Roumanie n’en finit plus de célébrer des anniversaires de premier plan. Et la guerre voisine ne semble pas affecter sa programmation très riche.
Dans le cadre des 30 ans de l’adhésion de la Roumanie à l’Organisation internationale de la Francophonie, l’année 2023 a été marquée par des événements culturels renforcés par des manifestations à Timișoara qui est cette année capitale européenne de la culture. La passerelle avec la France est constituée plus que jamais par la langue française qui sera célébrée en 2024 au 19ème Sommet de la Francophonie dans la toute nouvelle Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts, ville symbolique pour les Français puisque chère à François 1er et à l’ordonnance qui a fait du français en 1539 notre langue officielle à la place du latin.
Comme l’indique le directeur Julien Chiappone-Lucchesi « Cette programmation connaîtra pour nous son point d’orgue à partir de mai prochain, période à laquelle nous célébrerons les 100 ans de notre Institut et des relations culturelles, universitaires, intellectuelles franco-roumaines. Ce sera aussi les 50 ans de notre cinéma Elvira Popesco, première salle d’art et d’essai du pays ».
Un institut centenaire qui malgré son âge vénérable garde une authentique vitalité incarnée par une programmation témoignant des liens étroits avec cette nation francophile à la langue latine.
À Moscou ou à Saint-Pétersbourg entre danse et cinéma en ligne
A l’institut français de Russie, les activités sont linguistiques, numériques et patrimoniales. On continue à y apprendre le français malgré le contexte plombé. Le site officiel de l’institut se fait discret sur la guerre qui n’est pas évoquée, mais met en lumière une intéressante programmation en ligne. C’est l’astuce qu’ont trouvée les responsables de l’institut pour poursuivre des activités culturelles malgré ce qu’on imagine être les pesanteurs politiques locales ou la suspicion des autorités. Les Russes, qu’ils soient francophones ou non, se voient donc proposer une grande variété d’œuvres françaises qui, du cinéma de la nouvelle vague aux spectacles de danse contemporaine permettent une récréation de l’esprit malgré les tumultes du temps.
http://www.francedanse.institutfrancais.ru
Événement moins virtuel, les Journées Européennes du Patrimoine ont vu à la mi-septembre l’ouverture de sites historiques russes au public comme le musée Sobraniye tout en proposant la visite de la médiathèque de l’institut. Une action réduite dans son ampleur, mais qui témoigne de la volonté de l’Ambassade de maintenir une coopération linguistique et culturelle malgré les sanctions européennes et occidentales.
Question à Franck Ferrari, enseignant à l’école française et conseiller des Français de Russie :
Boris Faure : « L’Institut Français de Russie fait-il le service minimum à cause de la guerre ? »
Franck Ferrari : « Je ne dirais pas en service minimum mais plutôt qu’ils gèrent leurs activités différemment et ont dû se réinventer.
La culture française reste présente. La fréquentation des cours puis la présentation aux examens DEFL et DALF en est aussi une preuve avec toujours une forte demande.
Je continue de fréquenter l’IFR pour deux raisons… l’emprunt de livres pour mes enfants et pour assister aux projections de films avec ma classe de CE2 en tant qu’enseignant. »
La culture trait d’union malgré la guerre
La culture reste un trait d’union entre les peuples. Si aucune exposition ou œuvre d’art n’a jamais arrêté une guerre, l’art permet cependant aux hommes de garder un lien avec les plus belles productions de l’esprit et de dépasser le cadre étroit des frontières nationales ou sociales même quand les canons tonnent. Si la culture peut être instrumentalisée parfois par des régimes autoritaires qui en font leur vitrine officielle ou l’utilisent au service d’idéologies de haine, elle demeure en démocratie un lien salutaire entre des peuples qui peuvent se détourner ainsi du nationalisme belliqueux.
Outil d’influence diplomatique pour la France, les instituts culturels présents dans le voisinage de l’Ukraine demeurent plus que jamais des lieux de liberté où le français devient une langue de paix.
Auteur/Autrice
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Boris Faure est l'ex 1er Secrétaire de la fédération des expatriés du Parti socialiste, mais c'est surtout un expert de la culture française à l'étranger. Il travaille depuis 20 ans dans le réseau des Instituts Français, et a été secrétaire général de celui de l'île Maurice, avant de travailler auprès des Instituts de Pologne et d'Ukraine. Il a été la plume d'une ministre de la Francophonie. Aujourd'hui, il collabore avec Sud Radio et Lesfrancais.press, tout en étant auteur et représentant syndical dans le réseau des Lycées français à l'étranger.
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