La croissance française a fait bien mieux que prévu au deuxième trimestre grâce à des exportations dynamiques, mais cette embellie inattendue risque de tourner court, selon des économistes, dans un environnement marqué par une remontée des taux d’intérêt qui réfrène l’activité.
Après une progression de 0,1 % (révisée en baisse) au premier trimestre, le produit intérieur brut (PIB) a fait un bond de 0,5 % entre avril et juin, a indiqué vendredi l’Institut national de la statistique (Insee), qui tablait sur une faible hausse de 0,1 %.
Le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire a salué une « performance remarquable ». « Pour la première fois, la croissance française est tirée beaucoup plus par les exportations que par la consommation », a-t-il avancé sur RTL. « Cela engage un cercle vertueux où c’est la production qui finance notre modèle social et la redistribution », a ajouté le ministre qui se fait régulièrement le porte-voix de la réindustrialisation en France.
Cette embellie printanière repose sur la bonne tenue des exportations (+ 2,6 %), surtout des matériels de transport, alors que les importations rebondissent moins fortement (+ 0,4 %).
Outre le commerce extérieur, la croissance trimestrielle a aussi bénéficié du dynamisme de l’industrie manufacturière, des services marchands et de la production d’énergie, soutenue par la réouverture de centrales nucléaires.
« Cette forte progression est un peu en trompe-l’œil », a toutefois relativisé Maxime Darmet, économiste chez Allianz Trade, citant des « effets d’une normalisation » dans le nucléaire ou « exceptionnels » comme la livraison d’un paquebot.
Pas de récession
Pour les trimestres suivants, « il y a encore du potentiel de rattrapage dans les matériels de transport », qui avaient souffert de la perturbation des chaînes d’approvisionnement post-Covid. « Mais à part ça, il n’y a pas beaucoup d’éléments pour se réjouir », a-t-il ajouté auprès de l’AFP.
Ainsi, la consommation des ménages, moteur traditionnel de la croissance, a fléchi de 0,4 % au deuxième trimestre, avec un repli marqué (- 2,7 %) dans l’alimentaire, toujours affecté par une inflation à deux chiffres malgré une détente sur ce front.
Après avoir passé son pic, l’inflation a continué à décélérer en juillet, atteignant 4,3 % sur un an après plus de 6 % en début d’année, mais elle s’élevait toujours à 12,6 % pour les produits alimentaires.
« L’économie française est sur la voie d’une sortie progressive de l’inflation, sans récession », a souligné dans une déclaration le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau.
Si la consommation des ménages risque de continuer à souffrir ces prochains mois, l’accalmie de l’inflation ainsi que le rattrapage des salaires devraient leur permettre de regagner progressivement du pouvoir d’achat, avec à la clé un rebond attendu de la consommation vers la fin d’année.
En revanche, dans le même temps, le durcissement des conditions financières devrait fortement peser sur la demande, selon les économistes.
Déjà, le crédit se tarit en raison de la hausse des taux d’intérêt opérée à marche forcée par la Banque centrale européenne (BCE) pour tenter de juguler l’inflation et la ramener vers 2 % à l’horizon 2025.
Au deuxième trimestre, les investissements des ménages ont ainsi reculé de 1,6 %, pénalisant en premier lieu la construction.
« Cela risque d’être un segment d’activité qui va continuer à souffrir dans les trimestres à venir », a prédit Sylvain Bersinger, chef économiste chez Asterès, tandis que les exportations pâtiraient de la conjoncture morose chez les partenaires commerciaux de la France, comme l’Allemagne.
Pour l’économiste, la croissance serait « au mieux poussive » durant l’été.
M. Villeroy de Galhau a justifié le resserrement monétaire, dont un nouveau relèvement la veille du taux de référence à 3,7 %, au plus haut depuis le printemps 2001, en raison de « la persistance d’une inflation sous-jacente encore trop élevée », à savoir hors éléments volatils comme l’énergie.
Alors que la BCE a ouvert la porte à une possible pause à l’avenir, « la persévérance est maintenant la première vertu clé », a-t-il ajouté.
La volonté de l’exécutif de rétablir des finances publiques minées par les crises en déployant une politique budgétaire plus restrictive – avec notamment la réduction du bouclier tarifaire – devrait peser.
Pour l’ensemble de 2023, l’Insee table sur un net coup de frein de l’activité, avec une hausse de 0,6 %, loin des 2,5 % de 2022.
Le gouvernement est jusqu’à présent plus optimiste, misant sur une croissance de 1 %, un chiffre qui semble « atteignable » selon le chef économiste d’Ostrum Asset Management, Phillipe Waechter, sur Twitter, rebaptisé « X ».
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