La crise immobilière a-t-elle eu lieu ? 

La crise immobilière a-t-elle eu lieu ? 

L’immobilier est sensible à l’évolution des taux d’intérêt. En règle générale, leur relèvement est annonciateur de baisse des prix de l’immobilier. Une augmentation du prix de l’argent rend plus coûteux les projets d’investissement dans la pierre. La hausse des taux pèse sur la demande, ce qui conduit les agents économiques à revoir à la baisse leurs projets. En France, au début des années 1990, la hausse des taux d’intérêt a provoqué une contraction du prix de l’immobilier de près de 50 %. La hausse rapide des taux d’intérêt depuis un an n’a pas, pour le moment, provoqué une chute brutale des prix des logements ou des bureaux. 

Un retournement mesuré du marché de l’immobilier 

Depuis une quinzaine d’années, les prix de l’immobilier connaissent une hausse importante dopée par les taux d’intérêt bas et par une insuffisance de l’offre. A la sortie des confinements, les transactions ont atteint des niveaux records accentuant le processus de valorisation. La hausse des taux d’intérêt engagée pour lutter contre l’inflation, la plus importante de ces quarante dernières années, est intervenue en plein boom des prix immobiliers. Elle a entraîné une diminution rapide des ventes dans les pays qui pratiquent les taux variables. Elle a atteint plus de 20 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Canada ou en Nouvelle-Zélande. 

En Europe continentale hors Suède, les transactions ont faiblement diminué. Les prix y ont reculé dans des proportions modestes. Selon l’OCDE, les prix ont diminué, en 2022, de 14 % en Suède et en Nouvelle-Zélande. En Australie, ils ont baissé de 9 %. En France, les prix ont progressé de 6 % en 2022 comme dans l’ensemble de l’Europe. Pour 2023, les prix seraient en baisse dans la quasi-totalité des pays de l’OCDE mais de manière modérée au vu des hausses passées. 

En France, selon les premières informations, sur le premier trimestre 2023, les prix seraient en baisse de 1 % (source Orpi). À Paris et dans certaines grandes villes qui avaient connu de fortes hausses ces dernières années, la baisse est plus marquée. Les prix auraient ainsi reculé de 5 % à Paris, de 7 % à Lyon, de 10 % à Bordeaux et de 12 % à Lille. En revanche, dans plusieurs villes ayant des prix moins élevés, ces derniers seraient toujours orientés à la hausse (+10 % à Brest, +14 % à Calais ou +25 % à Bourges). 

L’insuffisance de l’offre explique le maintien de prix élevés.

Plusieurs facteurs contribuent à la résistance du marché immobilier. Aux États-Unis comme au Royaume-Uni, la pratique des taux variables a reculé depuis la crise des subprimes. Néanmoins, près de deux cinquièmes des emprunteurs au Royaume-Uni devraient subir des augmentations de taux car la garantie de taux n’avait été accordée que pour deux ans. Cette correction pourrait provoquer une accélération de la baisse des prix. Les emprunteurs ne pourront plus compter sur l’épargne accumulée lors de la crise sanitaire. Aux États-Unis comme au Royaume-Uni, elle a été consommée en grande partie. 

Chantier en France en 2022 ©AFP

L’insuffisance de l’offre explique le maintien de prix élevés. La demande en biens immobiliers se concentre dans les grandes agglomérations avec une préférence de plus en plus marquée pour les périphéries et sur les littoraux. L’adoption de dispositions visant à restreindre l’artificialisation des sols limite les possibilités de constructions, concourant à une pénurie de logements. 

Pour l’immobilier professionnel, la situation est plus contrastée. La demande en entrepôts reste vive. Pour les bureaux, le télétravail devrait modifier à terme les besoins. Le lieu et la qualité des services seront de plus en plus discriminants. Le commerce de centre-ville est de son côté en difficulté. Les centres commerciaux doivent faire face à un renouvellement rapide des enseignes. Leur avenir dépend de leur localisation, des services proposés (loisirs, centres de santé, etc.) et du potentiel des zones de chalandises.

Un retour prochain des hausses ? 

Pour de nombreux investisseurs, la baisse des prix de l’immobilier serait de courte durée. Le programme de hausse des taux directeurs arriverait à sa fin. Une ou deux hausses au maximum sont encore attendues pour la FED, la BCE ou la Banque d’Angleterre. Le pays qui serait le plus exposé à de nouvelles baisses importantes de l’immobilier serait le Royaume-Uni (-12 % en 2023 selon Capital Economics). 

Le point le plus inquiétant dans la majorité des pays de l’OCDE est la diminution de la construction de logements neufs. En Allemagne, elle devrait se situer autour de 245 000 contre 400 000 attendus. Des contractions sont à prévoir au Royaume-Uni, aux États-Unis voire en France où le niveau de la construction est déjà faible. 

Dans de nombreux pays, l’accès à la résidence principale est hors de prix sans apport personnel important, compte tenu des taux d’intérêt, du prix des logements et des taxes. Au Canada, un employé pour acquérir une maison individuelle y doit consacrer 70 % de son budget en 2023 contre 46 % en 2020 selon la Banque Royale du Canada. En France, les taxes de raccordement pour les maisons peuvent atteindre plus de 20 000 euros auxquels il convient d’ajouter la taxe foncière. Par ailleurs, les prix de construction sont en forte hausse du fait de la hausse des prix et de la pénurie de main-d’œuvre. Les devis pour des chantiers immobiliers sont en hausse, sur un an de 15 à 30 % en Europe. Le prix du mètre carré construit (hors terrain) est ainsi en forte augmentation, autour de 3000 euros en moyenne dans les régions à forte tension. 

La décrue des prix de l’immobilier serait une bonne nouvelle pour les acheteurs et compenserait le surcoût lié à la hausse des taux. Les diminutions constatées depuis un an érodent légèrement l’augmentation des prix qui a été de 100 % en vingt ans dans un grand nombre de pays.

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