En France, jour après jour, les spécialistes de l’immobilier craignent un krach sur fond de hausse de taux d’intérêt et de ralentissement économique, oubliant que ces quinze dernières années le prix des logements a été multiplié par deux. Sur douze mois, ces derniers restent toujours en augmentation, seuls ceux de Paris sont en baisse.
La crise tant attendue se fait attendre. Dans d’autres pays, comme aux États-Unis ou en Australie, la contraction du prix des logements a commencé dès le début de l’année 2022 mais elle semble déjà s’achever. En Australie, les prix de l’immobilier ont augmenté au cours des trois premiers mois de l’année 2023.
Au sein des pays de l’OCDE, de 2017 à 2022, les prix de l’immobilier se sont accrus de plus de 40 %.
Aux États-Unis, le marché immobilier semble à nouveau en hausse après plusieurs trimestres de recul. Le cours des actions des constructeurs de maisons a fait deux fois mieux que les autres valeurs.
Chez les partenaires européens de la France, le marché immobilier semble stable. Les analystes de JPMorgan ou de Goldman Sachs estiment que l’apogée de la crise immobilière est derrière du moins pour les pays anglosaxons.
Au sein des pays de l’OCDE, de 2017 à 2022, les prix de l’immobilier se sont accrus de plus de 40 %. La crise du Covid a entraîné une accélération de la hausse des prix. Depuis la crise financière, l’immobilier a connu une augmentation de plus de 65 %. Depuis le début de l’année 2022, les taux directeurs des banques centrales ont augmenté de plus de trois points de pourcentage à l’échelle mondiale, renchérissant le coût des emprunts immobiliers.
L’augmentation des taux d’intérêt et le durcissement de l’accès aux prêts immobiliers ont entraîné une contraction des prix des logements, toujours pour les pays de l’OCDE, de 3 %. En termes réels, en prenant en compte l’inflation, la baisse se situe entre 8 et 10 %. Cette correction reste dans la moyenne constatée depuis la fin du XIXe siècle mais elle est inférieure à celles intervenant après une phase de hausses fortes.
Entre 1990 et 1994, les prix ont reculé à Paris de plus de 40 %.
Une crise immobilière classique se traduit généralement, pour les pays ayant connu une forte augmentation des prix de nature spéculative, par des chutes abyssales. Entre 1990 et 1994, les prix ont reculé à Paris de plus de 40 %. Après la crise financière, les prix de l’immobilier irlandais se sont réduits de 50 %. Les prix des maisons américaines avaient perdu de leur côté de plus de 20 %. En Espagne, la chute avait atteint 27 % en 2008.
Depuis deux ans, la hausse des taux n’est pas la seule responsable de la baisse des prix de l’immobilier. Si à San Francisco, les prix des maisons ont perdu 10 % de leur valeur, cela est avant tout la conséquence du départ de certaines entreprises des secteurs de la haute technologie et de la finance pour la Floride et le Texas. Malgré tout, le prix de l’immobilier à San Francisco demeure élevé. Une maison y coûte en moyenne plus de 1,1 million de dollars, soit environ dix fois le revenu médian de la ville. Depuis quelques mois, les prix se sont d’ailleurs stabilisés.
A contrario, en Floride, les prix continuent à progresser. En Floride, Mick Jagger a mis en vente une maison à 3,5 millions de dollars, maison achetée en 2020 à 1,9 million de dollars.
En Australie, après une forte hausse en 2020 et en 2021, les prix des logements ont connu une diminution de 7 % en 2022. Mais, depuis le début de l’année 2023, le marché se redresse. Les maisons dans les quartiers bourgeois du port de Sydney se vendent rapidement avec des prix toujours en hausse. Les seniors recherchent des logements bien équipés et près de la mer.
Les banques restent assez confiantes sur la résilience du marché immobilier
À la différence de la crise des subprimes en 2008/2009, les banques restent assez confiantes sur la résilience du marché immobilier. Que ce soit aux États-Unis, en Australie, en Nouvelle-Zélande ou au Canada, le niveau de l’encours des crédits immobiliers n’est pas jugé problématique. Les défauts de paiements demeurent rares. Au Canada, la proportion des prêts hypothécaires susceptibles de ne pas être remboursés est proche d’un creux historique.
Contrairement au sentiment largement partagé sur les réseaux sociaux, le pouvoir d’achat a relativement bien résisté depuis le début de la vague inflationniste. En France, la baisse est inférieure à 1 %. Cette résistance du pouvoir d’achat évite l’engagement d’une spirale de baisses de prix sur le marché immobilier. En outre, ce marché est porté essentiellement par les ménages les plus aisés.
Aux États-Unis, les conditions d’accès aux crédits ont été durcies après la crise des subprimes, réduisant les risques de défauts. Les ménages sont moins exposés que dans le passé aux variations de taux. Au sein de l’Union européenne, de 2011 à 2021, la part des prêts immobiliers à taux variable est passée de près de 40 % à moins de 15 %. Même si les taux ont augmenté, le ratio moyen des paiements des intérêts par rapport au revenu est inférieur en 2023 à son niveau de 2019.
La réserve d’épargne permet de financer le surcoût généré par la hausse des taux d’intérêt
La pandémie a, par ailleurs, amené les ménages à se constituer une réserve d’épargne. Pour l’ensemble des pays de l’OCDE, cette cagnotte « covid » se chiffre à plus de 1000 milliards de dollars. Si aux États-Unis, elle a été en grande partie consommée, dans les autres en revanche, elle reste intacte, permettant de financer le surcoût généré par la hausse des taux d’intérêt. Une étude de Goldman Sachs souligne une corrélation positive entre les pays ayant un stock d’épargne important et la résilience des prix de l’immobilier. Les Canadiens ont ainsi accumulé une épargne importante pendant la pandémie et les prix des maisons se maintiennent à un niveau élevé, la baisse ayant été de courte durée. En Suède, les ménages ont moins épargné que la moyenne ; en contrepartie, le marché de l’immobilier souffre davantage.
Au sein des États membres de l’OCDE, le marché immobilier est soutenu par une forte demande de la part des ménages qui aspirent à des logements plus grands, plus modernes et dotés par exemple d’une terrasse. La crise sanitaire a provoqué une réévaluation des besoins. De nombreux ménages souhaitent privilégier un appartement voire une maison à proximité de la nature sachant que l’essor du télétravail permet d’en profiter plus longuement.
La progression du célibat et des familles monoparentales
Selon la Banque d’Angleterre, ces nouveaux besoins expliqueraient la moitié de la hausse des prix constatée entre 2020 et 2022 au Royaume-Uni. La progression du célibat et des familles monoparentales conduit également à une demande de logements plus importante que dans le passé.
La pierre demeure en outre une valeur refuge. En période troublée comme actuellement, les ménages privilégient ce placement au détriment des placements financiers de long terme. Le secteur de la construction craint une forte chute de l’activité. Si une baisse est constatée au sein de plusieurs pays de l’OCDE, elle demeure limitée et témoigne plutôt d’un retour au niveau d’avant la crise sanitaire. Les travaux de réhabilitation en lien avec la transition énergétique augmentent, en revanche, fortement.
Lors des précédentes crises immobilières, la chute de la construction était plus nette. Aux États-Unis, les créations d’emploi dans le secteur du bâtiment sont en hausse de 2,5 % pour le premier trimestre 2023. En Nouvelle-Zélande, le nombre de postes vacants dans ce secteur reste à un niveau élevé. En Corée du Sud, une baisse de 2,5 % des emplois a été enregistrée sur douze mois entre le premier trimestre 2022 et le premier trimestre 2023 mais le nombre total d’emplois reste supérieur à celui d’avant 2020. La résistance du secteur de la construction s’explique par le maintien d’une forte demande.
La hausse des taux d’intérêt n’est pas assez marquée pour provoquer un krach
Les migrations internes et externes jouent un rôle important en la matière. En France, la population continue à se concentrer au sein des grandes agglomérations et à proximité du littoral. En Australie, plus de 100 000 immigrés s’installent chaque année dans le pays. Au Canada, le nombre des arrivées sur le territoire dépasse 200 000. À Londres, malgré le Brexit, le prix des locations a augmenté, en 2022, de 16 % du fait de l’afflux des demandes. La crise immobilière semble se faire attendre. La hausse des taux d’intérêt n’est pas assez marquée pour provoquer un krach. Les taux réels demeurent négatifs.
Si les salaires poursuivent leur mouvement de hausse, le pouvoir d’achat des acheteurs de biens immobiliers pourrait ne pas être aussi atteint que certains le prétendent. Le marché immobilier au sein de l’OCDE est avant tout marqué par une pénurie de logements. Les législations adoptées dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique accentuent cette situation. Si dans les prochains mois, les prix de l’immobilier repartaient à la hausse, leur déconnexion avec les revenus serait de plus en plus importante, ce qui pourrait assez rapidement déboucher sur des tensions sociales et une véritable crise.
Laisser un commentaire