La complainte éternelle des enfants gâtés

La complainte éternelle des enfants gâtés

La France est menacée par l’inflation des prix et des promesses qui n’engagent que ceux qui les écoutent et en disent long sur l’état d’esprit des électeurs. Malgré une dette publique supérieure à 110 % du PIB, un déficit qui dépasse 5 % du PIB et un solde commercial négatif de plus de 80 milliards d’euros en 2021, les différents programmes ont mis l’accent sur les dépenses et ont relégué au second plan la question d’un « éventuel retour à une gestion vertueuse des finances publiques ». Les Français sont-ils des enfants gâtés ? Qui prépare le futur ?

Les dépenses publiques ont représenté près de 60 % de la création de richesses, un record au sein des pays avancés 

L’État, accusé de tous les maux, est par ailleurs continuellement appelé à l’aide pour soutenir telle activité ou catégorie de citoyens. Tenu d’indemniser les agriculteurs victimes du gel tardif, il est également sollicité pour venir en aide aux entreprises qui ont perdu des marchés en Ukraine ou en Russie, et se doit de compenser les pertes de pouvoir d’achat liées à la hausse des prix. 

En 2021, les dépenses publiques ont représenté près de 60 % de la création de richesses, un record au sein des pays avancés. Les prélèvements obligatoires ne pouvant suivre la hausse continue des dépenses publiques, les administrations publiques n’ont d’autres solutions que de faire appel à l’épargne française et internationale au prix d’un endettement croissant. 

L’idée de l’argent magique, gratuit, illimité s’est imposée comme une évidence. Nul n’imagine que le règne de l’argent facile puisse prendre fin dans les prochains mois ou prochaines années. Tout recours massif à la facilité monétaire aboutit à des lendemains qui déchantent. 

En la matière, l’histoire est sans nuance. De l’or des Espagnols au XIVe siècle à la crise grecque en 2011 en passant par les assignats français de l’époque révolutionnaire, l’accumulation des déficits est une source d’inflation et mène à la banqueroute. La France sera rattrapée tôt ou tard par ses démons. Ses partenaires pourraient sonner la fin de la récréation au risque de provoquer une crise politique au sein de l’Union européenne ; à moins que les marchés mettent sous pression les prochains gouvernements. 

Les taux historiquement bas pratiqués depuis une quinzaine d’années ont été une source d’économies artificielles pour l’État qui en a profité pour s’endetter. S’ils retrouvent demain leur niveau normal, voire incorporent une prime de risque plus importante au vu du poids de la dette publique française, le paiement de la dette accaparera alors une part croissante des recettes publiques. 

Avec des prélèvements obligatoires qui captent déjà 45 % du PIB, la France dispose de peu de marges de manœuvre pour restaurer ses équilibres financiers. En la matière, deux solutions s’offrent aux États, la réalisation d’économies et/ou l’augmentation de la croissance permettant de générer un surcroît de recettes publiques.

Pour certains, il faudrait mettre un terme à la rigueur qualifiée d’ultralibérale, sachant qu’elle n’a jamais eu cours en France.  

En France, les mots « économies budgétaires » semblent tabous voire inconvenants. L’épidémie de covid19, la guerre en Ukraine, la transition énergétique, le vieillissement de la population, la digitalisation de l’économie donnent aux administrations de nouveaux motifs d’interventionnisme. Pour certains, il faudrait mettre un terme à la rigueur qualifiée d’ultralibérale, sachant qu’elle n’a jamais eu cours en France. Pour d’autres, seul l’État serait légitime pour relever les défis auxquels la société du XXIe siècle est confrontée. 

Selon plusieurs études, les administrations publiques pourraient diminuer leurs dépenses d’au moins 5 % du PIB en réalisant de réels gains de productivité. Cela signifie un changement de méthode. Dans le passé, des réformes comme celle de la fusion des régions ou le développement de l’intercommunalité, loin d’aboutir aux économies escomptées, ont entraîné une augmentation des dépenses.

Sans travail, sans gains de productivité, il est illusoire de croire à un possible retour de l’industrie 

L’autre voie pour sortir de l’impasse financière passe par la croissance. Cette évidence est de moins en moins partagée au sein de la population qui, tout en souhaitant un niveau élevé de protection sociale, est méfiante voire défiante à l’encontre de l’économie dite capitaliste. L’accroissement des richesses est pourtant seul à même de financer les retraites, la dépendance, la santé, la formation, l’éducation ou la transition énergétique. Il passe par une augmentation du volume de travail réalisé par les actifs qui est en France inférieur au niveau constaté chez ses partenaires. Il suppose également des gains de productivité, un esprit d’innovation, un positionnement de la production dans le haut de gamme. 

Sans travail, sans gains de productivité, il est illusoire de croire à un possible retour de l’industrie, retour qui suppose par ailleurs que la population et les élus acceptent des usines dans leurs communes. 

Face à la montée des incertitudes, face aux défis géopolitiques, environnementaux ou économiques, comme l’a écrit Pascal Bruckner dans son essai « La tentation de l’innocence », « aucune difficulté n’est en soi insurmontable ; seul est dangereux d’apporter des réponses anciennes à des situations nouvelles ». 

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel

    Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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