Selon une directive européenne, les projets publics et privés doivent être soumis à une évaluation des incidences sur l’environnement avant d’être autorisés. Mais la législation française dans ce domaine laisse à désirer, comme l’a récemment indiqué l’exécutif européen.
Une mauvaise note chaque année
Pour la deuxième fois en deux ans, la Commission européenne a dû rappeler Paris à l’ordre au sujet de ses évaluations environnementales. Après une première lettre de mise en demeure en 2019, Bruxelles en a transmis une seconde jeudi (18 février) soulignant que « la législation française », qui transpose la directive européenne sur les évaluations environnementales votée en 2011 et renforcée en 2014, « présente des lacunes sur certains points » : « En particulier, la transposition de l’obligation faite à l’autorité compétente de prendre en compte les critères de l’annexe III de la directive ».
Cette annexe, bien que située en fin de document, est aussi cruciale que dense, puisqu’elle indique l’ensemble des facteurs à considérer pour qu’un projet soit soumis à une évaluation environnementale. Sera-t-il source de déchets, de pollutions, de nuisances ? Se situe-t-il sur une zone naturelle, densément peuplée ou transfrontalière ? Tous ces critères, que doivent prendre en compte les États membres de l’UE, semblent avoir été intégrés dans la règlementation française, comme l’indique le ministère de la Transition écologique sur son site web : « L’ environnement doit [au sein des évaluations environnementales] être appréhendé dans sa globalité : population et santé humaine, biodiversité, terres, sol, eau, air et climat, biens matériels, patrimoine culturel et paysage, ainsi que les interactions entre ces éléments. »
Des failles françaises
Pourtant, selon le docteur en droit de l’environnement Gabriel Ullmann, « derrière ces positions publiques se cache une réalité de terrain bien différente ». Comme la Commission européenne, cet ancien commissaire chargé de mener les enquêtes publiques sur de grands projets industriels pointait déjà en 2019, dans son analyse parue dans actu-environnement, plusieurs failles dans la législation française. « De nombreux pans des milieux ne figurent pas parmi les critères réglementaires à évaluer comme les services écosystémiques et récréatifs, comme la qualité des sols avec toute leur faune et flore endogées », relève le chercheur.
Par ailleurs, il note également que les évaluations environnementales françaises ne sont mises en place qu’en casd’ « impacts significatifs », quand la réglementation européenne parle d’ « incidence notable sur l’environnement ». Un cadre « beaucoup plus vaste » selon lui : « Dans ces conditions, il est évident que l’absence de perte nette de biodiversité, pourtant exigée par la loi précitée du 9 août 2016, ne peut aucunement être satisfaite. »
5G sous le feu des critiques
Notre-Dame-des-Landes, Bure, Triangle de Gonesse… Ces derniers mois, les critiques entourant l’implantation de nouveaux projets et infrastructures se sont multipliées en France. Des journées d’action contre les projets « inutiles et imposés » ont ponctué l’année 2020 : 17 juin, 17 novembre… Avec toujours la question des évaluations environnementale au centre des débats. Parmi les projets qui ont particulièrement cristallisé les tensions, la 5G tient une place de choix.
Dès septembre dernier, le gouvernement a décidé de lancer les enchères pour les fréquences 5G, avant qu’une étude d’impact environnemental n’ait été publiée. « Oui, la France va prendre le tournant de la 5G parce que c’est le tournant de l’innovation », s’enthousiasmait le 14 septembre dernier Emmanuel Macron, renvoyant les détracteurs de la 5G au « modèle amish » et à « la lampe à huile ». Ce décalage entre le coup d’envoi du projet et les expertises attendues a fait sourciller jusqu’au Sénat. Dans un rapport d’informations sur le sujet, les sénateurs ont dit « regretter qu’aucune évaluation de l’impact environnemental de cette nouvelle technologie mobile n’ait encore été mise à disposition du public et des parlementaires ».
Outre l’absence d’évaluations environnementales pour certains projets, la Commission européenne a également demandé à la France de veiller à ce que « les autorités compétentes accomplissent leurs missions avec objectivité et ne se trouvent pas en situation de conflit d’intérêts ». Une autre question « problématique » en France, selon Bruxelles. Paris a désormais deux mois pour répondre à la Commission, dernière étape avant la transmission d’un avis motivé.