Première visite d’Etat en France post Covid
Kaïs Saïed, le Président tunisien, est le premier Chef d’Etat à être reçu à Paris par Emmanuel Macron depuis la crise du Covid 19. Une visite officielle qui devait avoir lieu en février dernier mais qui fut repoussée en raison de la crise du coronavirus. Ce n’est que la troisième visite de Kaïs Saied à l’étranger depuis son élection en octobre 2019. Il ne s’était rendu qu’à Doha et à Alger. La France est donc sa troisième destination. Le ministre des Affaires Jean Yves Le Drian était à Tunis en janvier 2020. Il avait annoncé l’objectif d’un doublement des investissements français en Tunisie. Et le renforcement de l’université franco- tunisienne pour l’Afrique et la Méditerranée créée en octobre 2019.
Sur fond de tensions sociales et économiques en Tunisie
La crise Du Coronavirus a accentué les difficultés économiques et sociales en Tunisie, qui n’a jamais réussi son décollage économique après le Printemps arabe, qui avait pris son essor chez elle. Beaucoup pensent que la situation est pire que du temps de Ben Ali. Mais c’est le seul pays arabe dans lequel la Révolution a permis l’émergence d’un régime démocratique.
Un président peu connu du corps diplomatique
Kaïs Saïed n’était pas le favori de l’élection présidentielle. Issu de la « société civile », Professeur de droit constitutionnel, il l’a emporté par son caractère austère, qui dénotait avec les compromissions partisanes, et a mis en avant une image d’intégrité qui en faisait le symbole de la lutte anticorruption aux yeux de la jeunesse. Présenté comme un allié des Islamistes, il s’en est vite émancipé, au point que le Parti Ennahdha s’est un peu marginalisé. Il a également contesté les prises de position de Rachid Ghannouchi, son Chef, Président du Parlement, qui s’était prononcé pour l’intervention turque en Lybie. « Il n’ya qu’un seul Président en Tunisie » avait déclaré Kaïs Saïed, qui ne cache pas son désir de présidentialiser le régime. En Tunisie, les mouvements proches de la mouvance islamiste encouragent la Turquie et sont soutenus par elle, comme ailleurs en Afrique du Nord. Ce qui agace Alger et surtout l’Egypte. Et aussi les partis laïcs tunisiens.
La visite en France intervient alors que les tensions sont au plus haut entre la Turquie et la France, Ankara accusant la France de soutenir la Maréchal Haftar, la France dénonçant l’intervention turque et les violations de l’embargo sur les armes. Visiblement, la France a déjà le soutien de l’Italie, la Grèce, l’Allemagne, et le Royaume-Uni, de la Russie, de l’Egypte… Si Haftar perd du terrain, la Turquie indispose.
Au delà du cas libyen, la visite revêt une importance fondamentale pour la Tunisie comme pour la France. Pour la France, qui doit reconstruire une politique méditerranéenne, la Tunisie devrait être un de ses points d’appui principaux. C’est un des rares exemples d’une démocratie vivante, avec toutes les difficultés que cela implique, dans le monde arabe. C’est un pays francophone, membre important de la francophonie. Le prochain sommet de la Francophonie devrait d’ailleurs avoir lieu en Tunisie.
Il est important que la Tunisie réussisse. Actuellement, de violents affrontements ont lieu avec la police. La jeunesse est désemparée. Du point de vue économique, cette année est considérée comme la pire depuis l’indépendance, crise du coronavirus aidant. Sans l’aide de la France et de l’Europe, la situation va empirer, avec des conséquences nationales et internationales imprévisibles. C’est pourquoi les autorités tunisiennes attendent aussi des aides, des soutiens financiers, et des investissements.
Depuis le printemps, arabe, ces aides furent réelles, mais mesurées. La Tunisie devrait être l’exemple de la réussite démocratique en Afrique et dans le monde arabe. Ce serait un soutien considérable pour la France et pour l’Europe, un pôle de stabilité en Méditerranée et en Afrique du nord. L’intérêt de la France et de la Tunisie convergent dans tous les domaines.
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