Nous évoquions ce sujet si difficie dans des articles précédents. En effet, au Japon, il est commun pour un conjoint de nationalité japonaise de quitter le domicile familial avec les enfants du couple; L’autre parent, non-japonais, se retrouve, le plus souvent, démuni juridiquement face à cet état de fait.Cette situation concerne plusieurs centaines de parents français sur place, en majorité des hommes qui ont eu leurs enfants avec une épouse japonaise. Cela conduit souvent à des drames pour les parents et à des traumatismes pour les enfants. Le Japon est régulièrement condamné au niveau international, mais la situation n’évolue pas. Lesfrancais.press ont échangé avec Thierry Consigny, conseiller consulaire et conseiller AFE pour les Français, résidents au Japon. Ce dernier est particulièrement engagé sur ce sujet, il a eu l’occasion de s’exprimer sur ce sujet ce jeudi 11 juin devant Parlement japonais.
Lesfrançais.press : Tout d’abord, est-ce que vous pouvez-nous rappeler quelle est la situation, pourquoi est-ce si problématique au Japon car je crois savoir que c’est avant tout un sujet domestique au Japon, avant de constituer un problème pour les mariages internationaux?
M. CONSIGNY : La loi de la famille au Japon n’a pas changé depuis l’ère Meiji il y a plus de cent ans. Lorsqu’on se marie, l’épouse rentre dans le registre familial de l’époux. S’ils divorcent, selon la décision du juge des familles, l’autorité parentale et la garde n’étant accordées qu’à un seul parent, le ou les enfants restent dans le registre familial d’origine du père ou rentre(nt) dans le nouveau registre familial que va créer la mère. Les décisions de justice donnent en principe, à plus de 95%, l’autorité parentale et la garde à la mère.
Les associations parentales japonaises souhaitent que le Japon réforme sa loi de la famille pour permettre l’autorité parentale et la garde partagée. On estime chaque année à 200,000 le nombre d’enfants séparés définitivement de leur second parent après un divorce, dont plusieurs milliers d’enfants de mariages internationaux.
Le Japon vient de conduire une enquête sur une vingtaine de pays de l’OCDE, la garde et l’autorité monoparentale ne subsiste plus qu’au Japon, en Inde et en Turquie.
Lesfrançais.press : Quel fût le message que vous avez adressé aux parlementaires japonais, quelles sont vos attentes ?
M. CONSIGNY : Je leur ai indiqué que l’action diplomatique était intense entre les ambassades des 27 pays de l’Union Européenne au Japon et le gouvernement japonais, pour inciter le Japon à réformer sa loi afin de permettre à l’enfant d’avoir accès à ses deux familles après un divorce, ce qui constitue une clause de la Convention de New York sur le droit de l’enfant dont le Japon est partie. Mais j’ai aussi indiqué que cette action diplomatique était renforcée aujourd’hui par une action politique européenne dont le récent PPR (Projet de Proposition de Résolution) du 28 mai 2020 devant le Parlement Européen était la parfaite illustration.
Lesfrançais.press : Parlez-nous de cette PPR enregistrée par le Parlement européen, pouvez-vous nous expliquer de quoi il s’agit ?
M. CONSIGNY: Cette PPR, qui sera surement voté positivement eu-égard le soutien de la Commission, aura un impact très important sur le Japon.
Le texte explique en terme diplomatique que l’UE n’est pas dupe du manque de sincérité du Japon dans sa prétendue volonté de résoudre un problème relativement simple : que les enfants aient accès à leurs deux parents.
Il faut comprendre que ces activités ne sont que la partie visible de l’iceberg et l’UE et notamment la France observent le Japon de manière pragmatique, y compris les décisions de justice non cohérentes.
L’article 24 charge le Président du Parlement Européen de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission européenne, aux gouvernements et aux parlements des États membres ainsi qu’au gouvernement et au parlement du Japon.
Il s’agit donc d’une confrontation UE vs Japon pour l’intérêt supérieur des enfants.
Le Parlement Européen fait en sorte que le Japon soit sous pression maximum et que le sujet soit abordé à chaque rencontre.
L’article 23 invite les États membres à déployer des efforts communs et à inscrire cette question à l’ordre du jour de toutes les réunions bilatérales ou multilatérales avec le Japon afin de faire pression sur les autorités japonaises pour qu’elles s’acquittent pleinement des obligations qui leur incombent en vertu de la législation internationale sur la protection de l’enfance
Le Parlement Européen fait en sorte que le Japon soit sous pression maximum et que le sujet soit abordé à chaque rencontre.
L’article 18 demande aux autorités japonaises de mieux coopérer avec l’Union européenne et de permettre l’application effective des droits de visite et de visite accordés par décision de justice aux parents laissés pour compte
L’UE indique ne pas être dupe sur les limites de la modification de loi du 1er avril 2020 qui ne permet pas le respect des rencontres parent-enfants.
L’article 14 rappelle aux autorités japonaises de respecter les dispositions de la Convention de Vienne sur les relations consulaires afin de permettre aux représentants des États membres de l’UE de remplir leurs obligations consulaires, notamment dans les cas où la sauvegarde de l’intérêt supérieur des enfants et des droits de leurs parents, citoyens de l’UE, est en jeu
La Convention de Vienne définit les relations consulaire c’est-à-dire les relations entre pays, le débat est élargi à la relation entre pays.
L’article 13 rappelle aux autorités japonaises les obligations découlant de la convention de La Haye, à savoir veiller à ce que les autorités centrales remplissent leurs obligations énoncées aux articles 6 et 7 de la convention de La Haye de 1980, notamment pour aider les parents laissés-pour-compte à maintenir des contacts avec leurs enfants
L’UE indique ne pas être dupe sur les multiples non-respect de la Convention de la Haye dont l’un des objectifs est de faire respecter les jugement étranger et les DVH.
L’article 12 se félicite de l’engagement de la Commission à soulever la question dans toutes les enceintes possibles, y compris le comité mixte de l’Accord de partenariat stratégique UE-Japon.
L’intérêt supérieur des enfants aura un impact sur l’accord de partenariat stratégique UE-Japon.
Enfin L’article C rappelle que le nombre important de cas non résolus d’enlèvement d’enfants par un parent dont l’un des parents est un citoyen de l’Union européenne et l’autre un citoyen japonais est alarmant
L’image actuelle du Japon est relativement négative en termes de respect des droits fondamentaux des enfants.
Lesfrançais.press : Nous imaginons qu’il est assez rare pour un occidental de s’exprimer au Parlement japonais, comment avez-vous vécu cette expérience ? C’est pour vous une reconnaissance de votre implication ainsi que votre immersion dans la culture nippone ?
M. CONSIGNY: J’ai l’immense chance de parler japonais, de le lire et l’écrire grâce à l’Union Européenne et son Executive Training Programme in Japan qui m’a amené au Japon dans les années 1980.
C’est un long combat qui perdure depuis mes deux mandats (10 ans).
Si nous avons obtenu la ratification de La Haye en 2014 par l’effort commun des associations parentales japonaises et étrangères, l’étape suivante de réforme de la loi japonaise pour les cas nationaux requiert une parfaite coordination avec la société civile japonaise et les politiques japonais, car le changement ne pourra venir que de l’intérieur. Parler la langue est la clef pour une communication claire et transparente avec tous les acteurs. L’éloquence y est moins pertinente que la sincérité et la ténacité.
La souffrance des parents laissés pour compte est quotidienne, nos actions politiques prennent des semaines, des mois, des années.
Je reste modeste sur toute forme de « reconnaissance » car je n’oublie pas cette souffrance quotidienne.
Mais je suis confiant que les lignes bougent enfin au Japon et que la loi de la famille va évoluer dans le sens désiré.
Saluons l’action de Sauvons Nos Enfants Japon, en France, au Japon, dans les instances européennes, sans qui ce PPR, comme les autres actions médiatiques, ne seraient pas possibles.
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