Depuis plus de 20 ans, l’économie mondiale se tertiarise au détriment de l’industrie. Cette déformation de la production avait comme vertu de ralentir les émissions de gaz à effet de serre en réduisant la consommation de matières premières et de d’énergie.
Les plans de relance contribuent à l’augmentation de la demande en produits industriels
Depuis le début de la crise du Covid, la structure de la demande évolue fortement en faveur des biens. Les ménages tendent à acheter davantage de matériel informatique et électronique ainsi que des biens d’équipements pour leur logement quand, les entreprises, de leur côté, investissent dans des matériels nécessaires à la digitalisation, au télétravail et à la transition énergétique.
Les plans de relance, comme celui de l’UE, contribuent également à l’augmentation de la demande en produits industriels et en produits destinés au bâtiment ainsi qu’aux travaux publics. Cette évolution constitue donc une rupture par rapport à un cycle engagé dans les années 1990 et qui s’était accéléré avec la crise des subprimes.
Si jusqu’en 2002, la production industrielle pour les pays de l’OCDE progressait au même rythme que le PIB, un premier décrochage est intervenu entre 2002 et 2007. De 2010 à 2019, la production industrielle progresse faiblement en volume quand le PIB s’accroît de plus de 16 %.
Ce phénomène est encore plus net pour l’ensemble de l’économie mondiale. Plusieurs facteurs ont contribué à la forte croissance du secteur tertiaire. Plus le niveau de vie des ménages augmente, plus la part du budget consacrée aux services progresse. Ces vingt dernières années, les populations des pays émergents ont connu une forte progression de leur pouvoir d’achat, conduisant à une expansion du secteur tertiaire. Les loisirs, les services à la personne et la santé connaissent une progression plus rapide que celle du PIB avec l’accroissement des classes moyennes.
Un vif mouvement de désindustrialisation
Au sein des pays occidentaux, le vieillissement de la population contribue au développement des services. La saturation des besoins en produits industriels a pu également jouer. Cette transformation de la demande a conduit à la création d’emplois dans les services, emplois moins sophistiqués et moins payés.
Le ratio pétrole/PIB a diminué de 40%.
Les pays de l’OCDE ont connu un vif mouvement de désindustrialisation, accentué par le développement industriel des pays d’Asie du SudEst. Cette mutation a pour conséquence une moindre progression des émissions des gaz à effet de serre. Pour l’OCDE, le volume des émissions ont, en vingt ans, pour un point de croissance, baissé de 60 %. Pour l’ensemble de l’économie mondiale, la diminution est de 40 %. Depuis 2009, la consommation de métaux au sein de l’OCDE a diminué de 30 % ; pour l’ensemble de l’économie mondiale, la hausse a été de 5 %. De 1990 à 2019, le ratio consommation de pétrole sur PIB a diminué de 40 %. La croissance est moins consommatrice de produits pétroliers. Cette évolution est la conséquence d’une plus grande efficience dans l’utilisation des matières premières et de l’énergie et de la moindre dépendance de la croissance à la production industrielle.
Cette évolution favorable au climat est-elle durable ? La crise sanitaire semble prouver le contraire. L’épidémie a provoqué une hausse rapide et forte de la demande en produits industriels. En raison des confinements et de l’essor du télétravail, les ménages ont augmenté leurs dépenses en produits informatiques et électroménagers ainsi que celles liées à l’équipement des logements.
La transition énergétique pourrait provoquer dans un premier temps une augmentation des émissions des gaz à effet de serre. Les investissements nécessaires pour la décarbonation de la production sont sources d’émissions de CO2. La fabrication d’éoliennes, de panneaux solaires, le remplacement des véhicules, l’isolation des logements, etc. donnent lieu dans le cadre des circuits de production à de fortes émissions de gaz à effet de serre. Faute de pouvoir circuler facilement ou librement, les ménages pourraient à nouveau privilégier l’équipement de leurs logements. Il en résultera une augmentation de la consommation de matières premières et des émissions de CO2.
Pour respecter les objectifs climatiques, les États ne pourront plus compter sur le déclin de l’industrie, d’autant plus qu’au sein de l’OCDE, la tendance est à la relocalisation. Afin de contenir l’augmentation de la température à l’échelle mondiale à 1,5 degré, ce dont doutent de plus en plus les scientifiques du GIEC, les États-Unis, l’Europe, le Japon et la Chine sont censés faire disparaître les émissions nettes de CO2 entre 2050 et 2060. Cet objectif ambitieux peut-il être réalisé en maintenant un taux de croissance de l’économie mondiale autour de 3% nécessaire pour améliorer la situation des pays en développement et émergents? Faut-il que les pays dits avancés acceptent une décroissance?
Une plus grande efficience dans les processus de production
De 1990 à 2019, les émissions de CO2 ont progressé de 60% ; depuis 2009, la hausse est plus contenue, +12,5 % sur ces dix dernières années en lien, par ailleurs, avec un affadissement de la croissance.
La nécessité d’une décorrélation entre croissance et émission de gaz à effet de serre s’impose. Cela suppose de réelles avancées technologiques en matière d’énergie décarbonée, dans le domaine de la construction de bâtiments (l’acier, le béton et le ciment sont des importants émetteurs) ou de l’agriculture. La recherche d’une plus grande efficience dans les processus de production industrielle sera donc indispensable; l’autre voie, difficilement acceptable, étant la décroissance.
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