Après la génération Y qui était celle de la révolution numérique, c’est au tour de la génération Z (les Zoomers) de prendre le pouvoir. Dans les pays de l’OCDE, elle rassemble au moins 250 millions de personnes nées entre 1997 et 2012. La moitié de cette population est entrée dans la vie active et commence à imposer ses règles. Cette génération se substitue à la génération du baby-boom (personnes nées entre 1945 et 1964) en train de partir à la retraite.
La génération Z est celle de la crise financière, du covid, de la guerre en Ukraine, une génération dont la jeunesse rime avec les mots de crise, de déclin, de décadence. Contraints aux confinements, les membres de cette génération seraient psychologiquement fragiles expliquant un rapport complexe à la société et au travail. Si les Y veulent sauver la planète mise à mal par les boomers inconséquences, les Z veulent avant tout se sauver eux-mêmes.
Une mutation démographique à grande vitesse
Par le jeu du remplacement des générations et en raison de la pyramide des âges, au sein des pays occidentaux, une mutation démographique s’effectue à grande vitesse avec le départ à la retraite des boomers. En France, c’est près de 800 000 babyboomers qui liquident, chaque année, leurs droits à pension. L’effet noria joue à plein dans le monde économique et politique. Toujours en France, Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac, François Mitterrand et bien d’autres se sont maintenus bien au-delà des 70 ans. En revanche, les élus baby-boomers ont eu des carrières politiques plus courtes. Aujourd’hui, la génération Y est bien représentée sur le plan politique avec notamment Gabriel Attal comme premier Ministre, le Président de la République étant en ce qui le concerne un représentant de la génération X. Les têtes de liste communiste et rassemblement aux élections européennes de 2024, Léon Deffontaines et Jordan Bardella, nés respectivement en 1996 et 1995, se situent aux franges des génération Y et Z.
Le duel électoral entre Joe Biden et Donald Trump, aux États-Unis pourrait laisser à penser que les anciennes générations ne veulent pas céder le pouvoir. Dans les faits, nés respectivement en 1942 et 1946, ils sont plus des enfants de la Seconde Guerre mondiale que des baby-boomers. Cette campagne ne saurait masquer la forêt. Plus de 6 000 PDG d’entreprises américaines moyennes ou importantes et plus de 1000 élus appartiennent à cette génération. Les Zoomers sont plus nombreux que leurs prédécesseurs à exercer des responsabilités à l’âge de 25 ans.
Les comportements des générations sont en partie définis par le contexte économique, politique et social vécu durant leur adolescence et les premières années de leur vie professionnelle. Les Allemands qui ont atteint l’âge adulte au cours de la forte inflation des années 1920 en sont venus à détester la hausse des prix. Les Américains qui ont vécu la Grande Dépression avaient tendance à éviter d’investir en bourse. Les Français nés dans les années 1950 et 1960 ont été marqués par les guerres d’indépendances des anciennes colonies puis par la forte croissance.
La génération Z serait la génération de l’anxiété
La génération Z serait la génération de l’anxiété en raison de la succession de chocs qu’elle a subie : crise des subprimes, crise des dettes souveraines, épidémie de covid, guerre en Ukraine. Les représentants de cette génération malgré ou à cause de la multiplication des réseaux sociaux éprouveraient plus de difficultés à nouer des relations. Les Américains âgés de 15 à 24 ans ne consacrent en moyenne que 38 minutes par jour aux échanges avec les autres, contre près d’une heure dans les années 2000. Ils auraient tendance à être plus déprimés. Aux États-Unis, un cinquième des étudiants ont reçu, en 2019, un diagnostic ou un traitement pour une dépression, contre un dixième dix ans plus tôt. Avec le covid, ce taux aurait encore progressé.
En France, un cinquième des jeunes seraient également confrontés à des problèmes mentaux. Aux États-Unis, le nombre de suicides de jeunes est en forte hausse. Il aurait doublé de 2010 à 2023 pour les jeunes filles âgées de 10 à 14 ans. En France, les pensées suicidaires ont été multipliées par plus de deux depuis 2014 chez les 18-24 ans (passant de 3,3 % à 7,2 % en 2021). Ce taux est de 9,4 % pour les femmes.
L’expression du mal-être prend des formes nouvelles
Les problèmes des Z sont-ils ceux que toutes les générations ont rencontrées durant l’adolescence ou sont-ils le produit d’un environnement chahuté et d’un excès de protection (concept de l’enfant roi). Par rapport aux générations précédentes, l’expression du mal-être prend des formes nouvelles. Un nombre non négligeable de jeunes estiment ainsi que l’attribution de leur sexe ne correspond pas réellement à leur identité. Ils sont plus nombreux que leurs prédécesseurs à affirmer ne pas être motivés pour avoir des relations sexuelles ou pour vivre en couple. De même, l’idée d’être parent ne les enchante guère.
Les problèmes de la génération Z ne seraient-ils pas exagérés ? Les autres générations ont également été confrontées à des chocs de grande ampleur. La génération Y a été ainsi marquée par le chômage de masse des jeunes. En 2012-2014, le taux de chômage des jeunes atteignait 50 % en Espagne ou en Grèce. Il était de 25 % en France. Le marché du travail a depuis profondément évolué. Le taux de chômage des moins de 25 ans est depuis, au sein de l’OCDE, inférieur à 13 %. Il n’a jamais été aussi bas depuis la fin des années 1980. Les jeunes en 2024 peuvent de plus en plus facilement choisir leur emploi avec la multiplication des pénuries de main-d’œuvre.
Les membres de la génération Z optent pour des formations professionnelles plus concrètes que leurs aînés. Ils privilégient les métiers en lien avec l’environnement et délaissent les sciences humaines. Des années 1990 aux années 2010, les jeunes ont dû accepter des emplois à faible rémunération. Depuis quelques années, avec le changement de rapport de force entre employés et salariés, la situation change. Aux États-Unis, la croissance du salaire horaire des 16 à 24 ans a, en 2023, atteint 13 % sur un an, contre 6 % pour les travailleurs âgés de 25 à 54 ans.
Une prime aux jeunes plus ouverts aux nouvelles technologies
Il y a désormais une prime aux jeunes réputés plus ouverts aux nouvelles technologies. Au Royaume-Uni, le salaire horaire moyen des 18- 21 ans a augmenté de 15 % l’année dernière, dépassant de loin les augmentations salariales des autres groupes d’âge. En Nouvelle-Zélande, le salaire horaire moyen des 20-24 ans a augmenté de 10 %, contre une moyenne de 6 %. En 2007, le revenu net moyen des Français âgés de 16 à 24 ans représentait 87 % de la moyenne globale. En 2024, il est égal à 92 %.
En termes de revenus, les Zoomers semblent mieux s’en sortir que les autres générations. Selon un article rédigé par Kevin Corinth de l’American Enterprise Institute (un groupe de réflexion), et Jeff Larrimore de la Réserve fédérale, un représentant type de la génération Z a, aux États-Unis, un revenu familial annuel de plus de 40 000 dollars, soit 50 % de plus que celui des baby-boomers du même âge. La génération X (1965- 1980) est celle qui est la moins bien lotie depuis 1945. Cette génération a dû subir les différentes crises économiques des années 1970 et 1980 qui s’étaient accompagnées d’un fort chômage des jeunes.
Pour compléter leurs revenus, les membres de la génération Z n’hésitent pas à vendre et à acheter en ligne. Ils sont des adeptes des applications de vente de vêtements d’occasion comme Vinted. Ils louent ou sous-louent leur appartement. Ils exploitent toutes les possibilités qu’offre Internet. Dans quelques pays, dont la Croatie et la Slovénie, les membres de la génération Z gagnent désormais autant que la moyenne de la population.
Les jeunes de moins de 30 ans sont également ceux qui sont les plus intéressés par les cryptoactifs. Aux États-Unis, en 2023, 40 % des 18/30 auraient déjà acquis au moins d’entre eux. En France, selon une étude de KPMG, les jeunes de 18 à 35 ans représentent 57 % des acheteurs de cryptoactifs, Le poids des 18-24 ans est passé de 12 % à 24 % parmi les détenteurs de cryptoactifs entre 2023 et 2024.
La hausse des revenus serait-elle un mirage?
La hausse des revenus serait-elle un mirage en raison de la progression des coûts, en particulier en matière de logement ? Aux États-Unis, les jeunes consacraient, en 2022, 43 % de leur budget à l’immobilier et aux dépenses d’éducation (y compris le remboursement des prêts). Ce ratio est inférieur à celui constaté pour les moins de 25 ans entre 1989 et 2019.
Aux États-Unis, l’accession à la propriété des jeunes ne diminue pas, voire s’accélère par rapport aux générations précédentes. En revanche, en Europe, en particulier en France, les primo-accédants rencontrent plus de difficultés pour acquérir un bien.
Les génération X et Y ont vécu dans la hantise de perdre leur emploi, les représentants de la génération Z pensent qu’ils ont la possibilité de fixer leurs conditions. Le droit de retrait en cas de travail non conforme à leurs idées morales est jugé comme normal. Le droit au télétravail voire au « full remote » (travail effectué sans contrainte de lieu et d’heures) est de plus en plus réclamé.
Même si le sujet est source d’infinies discussions, la génération Z aurait un rapport au travail différent par rapport aux précédentes. En 2022, les Américains âgés de 15 à 24 ans ont consacré 25 % de temps en moins au « travail et aux activités liées au travail » qu’en 2007.
Une étude du FMI de 2023 analyse le nombre d’heures pendant lesquelles les actifs déclarent vouloir travailler. Il n’y a pas si longtemps, les jeunes voulaient travailler beaucoup plus que les personnes plus âgées. Désormais, ils veulent travailler moins. Selon l’analyse de Jean Twenge de l’Université d’État de San Diego, la proportion d’élèves américains âgés de 17 ou 18 ans considérant que le travail comme un « élément central de la vie » a diminué. Les membres de la génération Z semblent moins attirés par la réussite professionnelle. Pour les jeunes de la génération Y, le succès passait par la création et le développement du Start Up. Mark Zuckerberg (Facebook), Elon Musk (Tesla) ou Evan Spiegel (Snapchat) étaient leurs héros. Aujourd’hui, les héros des jeunes se retrouvent chez les influenceurs ou influenceuses. La chanteuse Taylor Swift membre de la génération Y est une exception en étant parvenu à s’imposer chez les Zoomers.
Dans le monde de la musique, ces derniers ne sont pas parvenus à imposer leur style. En France, la scène musicale est dominée par des rappeurs comme Jul, Alonso ou Soprano nés entre 1979 En 2008, 42 % des tubes étaient chantés par des millennials ; 15 ans plus tard, seuls 29 % étaient chantés par la génération Z.
Les membres de la génération Z estiment que la création d’entreprise n’est pas une voie de passage obligée pour réussir. Seulement 1,1 % des jeunes de 20 ans dans l’Union européenne dirigent une entreprise ayant plus d’un salarié. Ce taux est en baisse depuis plusieurs années. Les membres de la génération Z produisent également moins d’innovations. Selon Russell Funk de l’Université du Minnesota, les jeunes sont moins susceptibles de déposer des brevets qu’ils ne l’étaient dans un passé récent.
La génération Z sera-t-elle une nouvelle génération dorée ?
La génération Z sera-t-elle une nouvelle génération dorée ? Aura-t-elle « le temps de son côté », comme le chantait Mick Jagger dans les années 1960, où devra-t-elle faire face à des crises de grande ampleur ? La menace écologique, le retour des tensions géopolitiques, l’essor de l’intelligence artificielle pourraient déstabiliser l’économie mondiale dans les prochaines années. Les jeunes pourraient, avec le temps, être mieux placés pour tirer profit de ces perturbations et prendre plus rapidement le pouvoir.
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