Frédéric Petit : sa position sur le budget 2025 pour les expatriés

Frédéric Petit : sa position sur le budget 2025 pour les expatriés

La loi de Finances décide des prochaines recettes et des futures dépenses de la France. C’est elle qui détermine donc, d’un côté les taxes et recettes, et de l’autre les actions et dépenses qui seront soutenues par le budget de l’Etat. Ce texte a été en discussion à l’Assemblée nationale. Ensuite, il sera soumis à l’examen du Sénat. Les expatriés sont directement concernés par ce qui sera adopté. Même en cas de 49.3. Alors quid de l’Impôt universel ? Quel soutien pour nos écoles françaises à l’étranger et les bourses scolaires ? Quel avenir pour notre réseau consulaire ? Et bien d’autres choses encore. Aussi, Lesfrançais.press a donc interrogé Frédéric Petit, député MoDem des Français d’Allemagne, d’Europe centrale et des Balkans pour qu’il nous partage sa position sur le budget 2025, et décrypte les amendements en cours.  Nous avons aussi posé ces mêmes questions à un sénateur du Parti Socialiste, interview que vous trouverez également dans notre édition du jour.

Fiscalité et budget 2025 : vers des hausses pour les expatriés malgré l’opposition de Frédéric Petit

Lesfrancais.press : « La situation financière de la France est connue, la rigueur semble de retour, pour autant, à la lecture des propositions budgétaire actuelles, estimez-vous que les Français de l’étranger sont avant tout, considérés comme une variable d’ajustement avec les baisses proposées ? »

Frédéric Petit : « Tout d’abord, je crois que parler de rigueur pour ce budget est quelque peu excessif car la construction d’un budget est un exercice complexe et exigeant. Ensuite, je veux préciser qu’en tant que député, je n’oppose jamais les catégories de citoyens entre elles ; c’est particulièrement vrai dans la discussion budgétaire tendue que nous vivons. Une chose est sûre en revanche : si nous ne redressons pas nos finances publiques et ne restaurons pas la crédibilité de la France au niveau international, nous en souffrirons tous, à commencer par les populations les plus fragilisées.  

« En ce qui concerne la fiscalité, le projet du gouvernement ne proposait pas de changement pour les Français de l’étranger. C’est un amendement un peu surréaliste voté en hémicycle, malgré mon opposition, qui alourdit cette fiscalité » Frédéric Petit, député des Français établis hors de France (7eme circonscription)

Trois éléments du budget concernent directement les Français de l’étranger : d’une part, les recettes, c’est-à-dire la fiscalité qui serait appliquée aux 200 à 300 000 concitoyens qui paient leurs impôts en France ; d’autre part, deux programmes de dépenses budgétaires, le 151 (aide aux Français de l’étranger), et le 185 (diplomatie culturelle et d’influence, francophonie).

Combien rapporterait une augmentation de certains impôts ?
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En ce qui concerne la fiscalité, le projet du gouvernement ne proposait pas de changement pour les Français de l’étranger. C’est un amendement un peu surréaliste voté en hémicycle, malgré mon opposition, qui alourdit cette fiscalité. Fort heureusement, cette idée ne devrait pas prospérer au Sénat.

Le budget du programme 185 dont je suis le rapporteur au sein de la commission des affaires étrangères, et qui concerne les lycées français, est certes en baisse par rapport aux fortes hausses budgétées en 2024 – nous n’avons pas encore le « réalisé 2024 définitif », mais nous continuons notre hausse par rapport aux années précédentes : 441 millions d’euros en 2025, pour 439 millions en 2023, et, rappelons-le, 354 millions en 2017 !

Mis à part les modifications mécaniques, le budget du programme 151 qui concerne l’aide aux Français de l’étranger, avec les bourses scolaires, quant à lui, reste stable. »

Lesfrancais.press : « Alors que le montant alloué par le projet de budget pour les bourses scolaires est en baisse, que pensez-vous de la proposition du député NPF des Français de l’étranger Karim Ben Cheïkh qui vise à garantir « aux parents boursiers de ne pas consacrer plus de 25 % de leur revenu aux frais de scolarité de leurs enfants au sein du réseau de l’AEFE » ? »

Frédéric Petit : « Il faut savoir que le montant à budgéter pour les bourses est défini quasiment mécaniquement à partir des bourses utilisées l’année précédente. Le montant initial du budget est donc assez peu déterminant, et il lui est arrivé d’être corrigé en cours d’exécution. En revanche, dans ce domaine, nous devons tous militer, non pas pour augmenter un budget initial très cadré, mais plutôt pour lever les freins à l’utilisation de cette aide. Le montant des bourses augmentera mécaniquement si davantage de personnes y recourent. C’est mon combat depuis sept ans : faire en sorte qu’un maximum de nos concitoyens accède à cette aide.

« Ma position depuis de nombreuses années, est la même ; elle est claire : nous avons un vrai défi de mixité sociale à relever rapidement dans les lycées français à l’étranger. »

Bourses et mixité sociale : rendre l’éducation accessible à tous dans les lycées français

De ce point de vue, ma position depuis de nombreuses années, est la même ; elle est claire : nous avons un vrai défi de mixité sociale à relever rapidement dans les lycées français à l’étranger. Outre l’aide à apporter à nos concitoyens vivant à l’étranger, c’est l’image de la France dans le monde qui est en cause ici : l’éducation « à la française » est une éducation inclusive, pas une éducation « pour les riches », et cela constitue un message diplomatique fondamental.

Londres, présidentielle
Lycée français de Londres au Royaume-Uni

Je plaide ainsi pour plusieurs évolutions, dont certaines sont en cours : premièrement,  je considère que l’organisation de ce dispositif doit revenir à la direction des Français à l’étranger (DFAE), bien plus expérimentée que l’AEFE, et connaissant mieux le fonctionnement des conseils consulaires locaux, et la distribution des aides aux Français de l’étranger (STAFE, aide d’urgence, circuit de communication avec les élus…) ; ensuite,  je reste favorable au maintien d’une procédure solide, voire rigide, afin d’éviter les abus – seule, la prise en compte du patrimoine me paraît injuste en l’état –, mais je considère qu’une petite fraction, 10 % de ce budget, pourrait être mis à disposition directement des élus consulaires afin « d’aller chercher » les quelques cas, toujours existants, où la procédure génère de l’injustice ; enfin, je me bats pour que, sur les budgets de rémunération de tous les employés locaux engagés dans les projets français (ambassades, Expertise France, Agence française de développement, agents des ONG, enseignants…), l’État ou les opérateurs employeurs locaux intègrent systématiquement une aide pour que les familles puissent fréquenter le lycée français quand celui-ci existe. J’ai commencé à approfondir cette question avec l’Agence française de développement (AFD), qui est très intéressée.

Pour formuler simplement mon idée, je dis que si les enfants du chauffeur de l’ambassadeur, ou des enseignants de français langue étrangère (FLE) de l’Alliance française, fréquentent le lycée français, ce n’est pas uniquement une aide pour eux, mais également un message diplomatique et éducatif fort. Et ce n’est pas une très grosse question budgétaire.

« Je porte depuis des années la revendication qui n’est ni budgétaire, ni législative, que les bourses soient accordées par ‘cycle scolaire’, et ne soient pas remises en cause chaque année. »

Concernant l’amendement de mon collègue du Nouveau Front Populaire (NFP), que je n’ai pas encore eu à débattre et que je découvre, je pense qu’il part d’une bonne intention, mais ne répond pas au besoin. D’une part, la bourse doit être définie par rapport à l’écolage du lycée concerné qui va de gratuit à plus de dix-mille euros ; d’autre part, il est inopérant de tout baser sur les seuls revenus de la famille, au risque de recréer des injustices ou des incohérences : 25 % du revenu des familles, c’est déjà trop dans certains cas, et peu significatif dans d’autres (e.g. famille très à l’aise avec une grande fratrie).

Frederic Petit
Frederic Petit en session à l'APFA (Bonn)

De mon côté, je porte depuis des années la revendication qui n’est ni budgétaire, ni législative, que les bourses soient accordées par ‘cycle scolaire’, et ne soient pas remises en cause chaque année, avec les procédures et le stress qui s’en suit : une famille s’engage en général sur une scolarité entière, et, s’il n’y a pas de changement majeur dans ses moyens, on peut difficilement lui demander de prendre cet engagement en sachant que l’aide sera remise en cause chaque année, jusqu’au bac. »

« J’ai repris mon travail sur la résidence de repli qui n’est pas une question budgétaire (…) il s’agit principalement d’inscrire cette disposition dans le droit français »

Pour moi, il s’agit principalement d’inscrire cette disposition dans le droit français, dans le code des collectivités territoriales par exemple, et permettre ainsi la reconnaissance pour les expatriés, de leur attachement à notre pays et leur garantir un droit au retour, sans être pénalisés financièrement, en cas de force majeure, de conflit dans le pays où ils vivent ou encore de pandémie mondiale comme celle que nous avons connue en 2020.

Je suis également très satisfait du grand pas réalisé sur la question du certificat de nationalité française. Les démarches administratives devraient bientôt être simplifiées pour nos compatriotes vivant à l’étranger. »

Un droit au retour pour les expatriés : la proposition de « résidence de repli »

Lesfrancais.press : « L’impôt lié à la nationalité française, plus communément appelé impôt universel, a refait surface dans le débat parlementaire, quelle est votre position sur ce sujet ? »

Frédéric Petit : « Je l’ai déjà dit, notamment dans vos colonnes, cet impôt est anticonstitutionnel et impossible à mettre en œuvre.

« L’impôt universel est anticonstitutionnel et impossible à mettre en œuvre ».

Il ne verra jamais le jour. Le président insoumis de la commission des finances l’a reconnu lui-même.

Lesfrancais.press : Et plus généralement, d’autres amendements visant les Français de l’étranger ont émergé dans la discussion parlementaire. La plupart du temps, ils sont contraignants pour nos expatriés (comme la modification des certificats de vie pour les retraités) où quasiment en dehors du cadre légal (la CSG), comment expliquez-vous cela ? Est-ce parce que notre parlement méconnaît le quotidien des Français de l’étranger ou bien existe-t-il une volonté politique de faire payer davantage nos ressortissants vivant hors de France ?

Frédéric Petit : « Les Français de l’étranger sont très peu nombreux à être significativement imposés en France 200 à 300 000, comme je l’ai dit plus haut. À mon sens, il s’agit plutôt d’une course à l’échalote sur des symboles (d’un côté, les « tricheurs de l’étranger », les « méchants riches exilés », de l’autre), dont certains collègues pensent pouvoir tirer profit électoralement en allant ferrailler sur le terrain des extrêmes.

« Il s’agit d’une course à l’échalote sur des symboles (d’un côté, les « tricheurs de l’étranger », les « méchants riches exilés », de l’autre), dont certains collègues pensent pouvoir tirer profit électoralement. »

Depuis 2017, l’administration a évolué, lentement, certes, mais dans le bon sens ; les questions sont posées en termes de « services », d’efficacité, de bon sens, et non uniquement en termes de coût, ou de procédures. Je rappelle également que nous continuons dans ce budget le « réarmement » de notre réseau à l’étranger avec 75 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires votés.« 

Auteur/Autrice

  • Jérémy Michel a travaillé de nombreuses années pour des élus et a coordonné les affaires publiques européennes d'une grande entreprise française. Installé à Bruxelles depuis 2000, il est actuellement coach et consultant.

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