Alors que la loi sur le droit à l’aide à mourir a été adoptée à l’Assemblée nationale, certains parlementaires ont fait le choix de s’y opposer, parmi eux, Frédéric Petit, député des Français d’Allemagne, d’Europe centrale et des Balkans. Dans une interview accordée à Lesfrancais.press, l’élu MoDem explique pourquoi il a voté, en conscience, contre ce texte de loi : « personnellement, cette loi ne m’offre pas de droit nouveau puisque je refuserai de l’utiliser. En revanche, elle ne réduit pas ma liberté de conscience. »
Lesfrancais.press : « Frédéric Petit, vous avez mené un travail important sur la question de la fin de vie, notamment en recueillant les témoignages de vos concitoyens dans votre circonscription. Pourtant, vous avez voté contre le texte relatif au « droit à l’aide à mourir » en première lecture par l’Assemblée nationale. En quoi ne correspondait-il pas à vos convictions ? »
Frédéric Petit : « À travers mes votes, j’ai essayé de prendre une décision de législateur, dans l’intérêt supérieur de la nation, en faisant abstraction de mes choix philosophiques et spirituels. Sur le plan personnel, je continue à penser, peut-être simplement à espérer, que je ne serai jamais amené à renier une vie que l’on m’a donnée, dont je suis responsable mais non propriétaire. Personnellement, cette loi ne m’offre pas de « droit nouveau » puisque je refuserai de l’utiliser. En revanche, elle ne réduit pas ma liberté de conscience.
« Selon moi, la solution aux situations de fin de vie, même douloureuses, ne relève pas de la loi ».
Frédéric Petit, député des Français établis hors de France.
Mais j’ai également conscience que beaucoup de mes concitoyens n’ont pas les mêmes convictions que moi, et que je légifère aussi pour eux. Mon vote contre ne tient donc pas à mes « convictions personnelles ». D’un autre côté, l’objectif de mes séminaires citoyens n’est pas de venir « prendre des consignes » pour m’exonérer de la responsabilité personnelle et constitutionnelle de mes choix, de mes votes. Et de toute façon, ce que vous appelez les « témoignages » de mes concitoyens étaient très largement partagés…
Je reconnais d’ailleurs la difficulté actuelle d’exprimer sa compassion envers ceux qui souffrent de façon inexorable ainsi que celle d’assumer leur responsabilité pour certains médecins, soignants, proches, quand la demande est insistante et légitime. Ce qui a finalement présidé à mon vote, c’est que, selon moi, la solution aux situations de fin de vie, même douloureuses, ne relève pas de la loi. Ces décisions ont fondamentalement trait à l’intime, aux convictions profondes de chacun d’entre nous. Je ne suis pas convaincu que la loi doive « interdire ou permettre » le choix, quel qu’il soit, des personnes confrontées à cette question vertigineuse.
« J’ai tout à fait conscience qu’avec ce vote, je ne réponds pas à ceux qui souhaitaient que le législateur les accompagne dans ce devoir de compassion et de responsabilités contradictoires ».
Frédéric Petit, député des Français établis hors de France
D’ailleurs, les situations dont nous parlons lors de nos débats en hémicycle et dont j’ai moi-même fait l’expérience dans ma vie, n’auraient en rien été transformées par le fait que cette loi ait déjà été votée ou pas. J’ai tout à fait conscience qu’avec ce vote, je ne réponds pas à ceux, et ils sont nombreux, je le sais, qui souhaitaient que le législateur les accompagne dans ce devoir de compassion et de responsabilités contradictoires.
Je pense cependant que la réponse doit préserver le caractère intime de la discussion avec soi-même, familiale, le caractère à tout le moins confidentiel d’un professionnel avec son patient. Il faut respecter ce que chaque personne concernée a de plus précieux : sa liberté et sa responsabilité personnelles. »
Lesfrancais.press : « Bien que le vote se fasse en conscience, s’opposer à un tel texte n’est-ce-pas faire reculer le sujet de « l’aide à mourir » dans notre pays, alors que de nombreuses personnes attendent en France une telle loi ? »
Frédéric Petit. : « Le texte sur le droit à l’aide à mourir a été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale, malgré le vote en conscience contre de certains parlementaires dont je fais partie. Il est désormais entre les mains des sénateurs.
Donc, s’il poursuit favorablement son parcours législatif, ce droit sera définitivement inscrit dans la loi. Il y a une majorité vraisemblablement pour adopter cette disposition et je le rappelle, la liberté de conscience est un droit fondamental qui est clairement respecté par ce texte. »
Lesfrançais.press : « Pensez-vous que le Sénat, qui doit désormais examiner le texte, pourrait l’amender et y intégrer des propositions plus proches de vos idées ? »
Frédéric Petit : « Avant tout, ce que je souhaite, c’est que les débats au Sénat soit à la hauteur de ce qu’ils ont été dans notre assemblée : dignes et respectueux. Les débats doivent être à la hauteur de notre démocratie.
« Certes, j’ai voté contre ce texte mais j’affirme que telle qu’il sort de l’hémicycle, il ne donne aucun droit à personne de tuer qui que ce soit ».
Frédéric Petit, député des Français établis hors de France
Certes, j’ai voté contre ce texte mais j’affirme que telle qu’il sort de l’hémicycle, il ne donne aucun droit à personne de tuer qui que ce soit ; Les garde-fous, augmentés et débattus en séance sont solides ; ils ne permettent ni de dévoyer la loi et d’en faire une loi autorisant le meurtre, ni n’ouvrent la voie à une civilisation de la mort et de l’eugénisme, comme certains de ses détracteurs ont voulu le faire croire. »
Lesfrançais.press : « Enfin, de quelle manière les Français de l’étranger sont-ils concernés par la loi adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale ? Existe-t-il des informations spécifiques dont les expatriés doivent avoir connaissance dans la perspective d’intégrer les dispositifs prévus ? »
Frédéric Petit : « On m’a souvent posé cette question. Dans ce domaine, les Français sont soumis aux lois de leur pays de résidence, bien entendu, de même que la loi française s’appliquerait, si elle était votée, à tous les résidents en France, même ceux ne disposant pas de la citoyenneté française. Je ne pense donc pas que les Français installés à l’étranger soient directement concernés, à part dans le fait que beaucoup d’entre eux s’intéressent à la situation de notre pays, et participent à l’aventure de notre nation, même sans résider en France. »
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