Alors que la France sombre dans une crise politique sans précédent, suite à la démission de Sébastien Lecornu, ce 06 octobre 2025, la presse internationale, comme les Français de l’étranger assiste médusée à cette situation. Tour d’horizon des réactions à travers le monde.
« Une humiliation pour lui, pour la France et pour Emmanuel Macron »
La démission éclair de Sébastien Lecornu, moins d’un mois après sa nomination, provoque de vives réactions à l’étranger. De Londres à Rome, la presse s’interroge sur la stabilité politique de la France et sur la capacité d’Emmanuel Macron à sortir de la crise.
Chez notre voisin et « meilleur allié », la presse est sévère. “La crise en France s’aggrave de manière dramatique”, titre la Frankfurter Allgemeine Zeitung. La démission de Sébastien Lecornu, selon le quotidien conservateur allemand, cause un “désordre encore jamais vu depuis les débuts de la Ve République”, en 1958. À l’origine du chaos, l’arrivée de Bruno Le Maire, “ancien ministre de l’Économie et des Finances responsable de la politique budgétaire des dernières années”, au ministère des Armées. Une “double rupture de confiance” pour le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, à qui Sébastien Lecornu avait promis de ne pas nommer Bruno Le Maire. Un “affront” d’autant plus important pour le chef des Républicains qu’il avait “réussi à se maintenir au gouvernement malgré l’opposition” d’une partie de son camp.
Dans une logique de rivalité entre Rome et Paris, très présente dans la presse de droite transalpine, Panorama évoque “une victoire” italienne, avant de conclure, cruel : “Les marchés à Paris dansent au rythme du Boléro. Profitons de ce moment.” Car, en effet, “pour la première fois, le rendement du BTP [les obligations d’État italiennes à dix ans] est passé en dessous de celui de son homologue français, l’OAT [obligations assimilables du Trésor]. Celui-ci a en effet atteint les 3,59 % contre 3,58 % pour le BTP italien. Traduction dans un jargon moins technique, poursuit le média milanais, aujourd’hui, l’Italie est plus fiable que la France aux yeux des investisseurs.”
En Belgique, où le surréalisme fait partie de la culture politique, c’est aussi la consternation alors que son voisin, sombre « dans un chaos complet ». Le quotidien flamand De Standaard constate, railleur, que « la politique française est parvenue à renforcer la dose. » Renchérissant en déclarant que « La France erre depuis des mois comme un bateau à la dérive, et d’aucuns espéraient que le nouveau Premier ministre apporterait l’accalmie dans le pays. Ils avaient tort.”
Aux Pays-Bas, le NRC décrit une « crise politique qui s’aggrave ». « Le président Emmanuel Macron doit pour la cinquième fois en deux ans chercher un nouveau Premier ministre ». Le quotidien néerlandais explique que « l’absence de majorité pour adopter le budget 2026 » a rendu la position de Sébastien Lecornu intenable.
Outre-manche, Le Telegraph adopte un ton plus sobre. La décision, « inattendue et inédite », selon le quotidien conservateur, « va plonger la France et son président cerné de toutes parts dans une énième crise politique ». Le journal rappelle qu’il s’agit du cinquième Premier ministre d’Emmanuel Macron depuis 2022 et prévient que ce départ « pourrait conduire à de nouvelles élections législatives ». Autre sujet d’inquiétude relevé : les marchés financiers, avec « de fortes tensions sur le marché obligataire français ».
La valse des ministres et des taux
En Suisse, le Temps résume la situation ainsi : « Emmanuel Macron a poussé le bouchon trop loin ». Alors qu’en Grèce, la situation politique de la France, partenaire diplomatique et économique privilégié, suscite des inquiétudes. “Emmanuel Macron va-t-il rester président jusqu’en 2027 ? La question revient avec insistance aujourd’hui, alors que la deuxième économie de la zone euro voit ses Premiers ministres partir prématurément, les uns après les autres, sous le regard d’un président visiblement affaibli”, s’inquiète I Kathimerini. Le quotidien de centre droit ne se montre pas tendre avec le président français, tenu responsable de l’impasse politique que traverse le pays. “Ce n’est probablement pas la faute des Premiers ministres qui ont échoué, puisqu’ils étaient différents les uns des autres. Si quelqu’un est à blâmer pour la situation actuelle, c’est bien le président qui choisit les Premiers ministres”, tance ainsi le journal grec.
En Espagne, “la valse des Premiers ministres français […] ne démontre pas l’inaptitude des candidats à occuper le poste, mais l’impossibilité de gouverner la France dans sa configuration actuelle”, écrit l’éditorialiste Matías Vallés sur le site du journal régional espagnol El Periódico de Extremadura.
Enfin, aux USA, la démission de Lecornu a “pris de court la nation”, écrit The New York Times. Un geste qui “a ébranlé les marchés”, décrit le journal de centre gauche, “alors que les investisseurs tentaient désespérément de tirer les conséquences de cette nouvelle incertitude pour la deuxième économie de l’Union européenne”. En conséquence, “l’indice boursier du CAC 40 a décroché de 2 %”, note le quotidien. “Le rendement des obligations [de l’État français] à dix ans a augmenté de neuf points de base pour atteindre 3,6 %. Une progression qui a fait grimper l’écart de taux français par rapport à la dette allemande – un indicateur clé du risque budgétaire – à plus de 89 points de base, soit le niveau le plus élevé depuis fin 2024”, ajoute le média économique Bloomberg. “Face à l’effondrement des obligations françaises, les investisseurs anticipaient une incertitude encore plus profonde”, jauge le journal américain.
Les expatriés consternés
Alors que le monde entier profite d’une nouvelle croissance, l’Europe est toujours en panne et en particulier notre pays. Les Français de l’étranger ont été surpris et surtout consternés du climat politique en France tandis que les conséquences négatives s’accumulent.
De Hong-Kong, où on constate que « Nous sommes la risée du monde !!! » à la capitale européenne depuis laquelle notre confrère Jean Quatremer déclare que « la démission avant censure inéluctable de Sébastien Lecornu illustre parfaitement la totale déconnexion d’Emmanuel Macron avec le réel (pour rester poli) », le constat est unanime.
Aux USA, la célèbre avocate franco-américaine, Margaret Wheatley, s’inquiète des conséquences financières de ces déambulations.
Pas de surprise.
— Mafevema (MC Wheatley) (@mafevema) October 6, 2025
La démission de Lecornu fait flamber le spread sur la dette française https://t.co/ONDEx2JYGh
D’autres, à la veille la semaine de l’Assemblée des Français de l’étranger (la semaine prochaine), s’interrogent sur les options possibles pour notre pays, comme Florian Bohême, élu au Cambodge et président des Assises sur la protection sociale des Français de l’étranger, qui, dans un langage cru, adapté, surement, à la situation, en appelle à la démission d’Emmanuel Macron.
Ainsi que ce soit dans la presse ou parmi les Français de l’étranger, la situation française est perçue soit comme un drame soit comme une farce. Dans tous les cas, notre pays ne ressortira pas indemne de cette longue séquence. La suite se joue à l’Elysée, où le Président de la République devra faire preuve de courage, quelle que soit sa décision, pour relancer la France.
Auteur/Autrice
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Directeur de publication et rédacteur en chef du site lesfrancais.press
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