France-Maroc : Un réchauffement politique en marche

France-Maroc : Un réchauffement politique en marche

Nul doute que la venue du nouveau locataire du Quai D’Orsay à Rabat, Stéphane Séjourné, lundi 26 février était très (très attendue), que ce soit par la communauté française installée au Maroc que par les décideurs politiques et économiques (des deux pays) en passant par les citoyennes et citoyens des deux rives de la Méditerranée.

Certes, le déjeuner organisé à l’Elysée, huit jours avant, à l’invitation de l’épouse du président Emmanuel Macron et en présence des Princesses sœurs du Roi Mohammed VI se voulait annonciateur d’un réchauffement imminent entre les deux pays et ce après plus de deux ans de gel. 

Réconciliation

1 heure 30 durant, les deux ministres des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné et son homologue marocain, Nasser Bourita, ont tenu une séance de travail en tête-à-tête avant d’enchaîner par une conférence de presse au doux parfum de réconciliation et d’échanges respectueux, courtois et tourné vers l’avenir. « C’est une relation d’Etat à Etat exceptionnelle », lançait le chef de la diplomatie marocaine alors que Stéphane Séjourné rétorquait qu’ « il était désormais temps d’avancer » et qu’il y « veillerait personnellement »

Une volonté conjointe d’aller de l’avant et de (re)donner un nouveau sens et un nouveau cap à 2 pays voisins liés par l’histoire, la géographie et les chapitres de vie communs écrits et vécus par les deux peuples depuis plusieurs décennies au rythme des crises et des réconciliations. Pour le politologue marocain, Mustapha Sehimi, fin connaisseur des relations franco-marocaines, l’heure n’est pas à l’emballement : «Cette rencontre s’inscrit dans un cadre de recherche de normalisation dans la perspective d’un réchauffement des relations entre les deux pays. Le premier acte symbolique a été le déjeuner familial qui s’est tenu à l’Elysée et le second est la venue du ministre des Affaires étrangères français à Rabat. Pour le reste, il faudra attendre des actes concrets, notamment sur le dossier du Sahara». 

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Stéphane Séjourné au Maroc ©Compte X du Ministère des affaires étrangères

55 000 Français au Maroc

De son côté, Abdelghani Youmni, Conseiller des français de l’étranger à Casablanca et conseiller à l’Assemblée des Français de l’étranger précise que «si la France et le Maroc se rapprochent, c’est qu’ils n’ont pas le choix. Cette prise de contact chaleureuse et prometteuse était très attendue par plus de 55 000 français inscrits au registre des Français de l’étranger. Ce retissage des liens est une thérapie pour tous les amoureux des deux pays, qu’ils vivent au nord ou sud de la Méditerranée ». Une sorte de soulagement partagée également par Fatima El Ouafi, Franco-marocaine, Conseillère consulaire auprès de la communauté française de Casablanca : « La visite du chef de la diplomatie française exprime clairement la volonté de Paris de réenclencher les relations diplomatiques sur des bases nouvelles et claires ». Comme l’a exprimé récemment l’Ambassadeur de France à Rabat, Christophe Lecourtier, « les deux pays sont essentiels dans de nombreux domaines tels que l’économie, la culture, l’enseignement et la sécurité ».

S’il n’y a plus de doute sur la volonté des deux pays de vouloir tourner la page, il n’en reste pas moins que des sujets restent en suspens notamment portant sur ce qu’a qualifié Stéphane Séjourné «d’enjeu existentiel», à savoir la position de la France sur le dossier du Sahara. «Le Président Emmanuel Macron est essentiellement très attendu sur ce sujet. Si le ministre des affaires étrangères a rappelé que la France soutient la proposition d’autonomie du Maroc depuis 2007, cela ne suffira pas pour que les 2 pays retrouvent un niveau d’excellence en matière de relations. Quand on est conscient qu’un sujet est d’ordre existentiel pour un partenaire privilégié, on fait ce qu’il faut faire », déclare Mustapha Sehimi

Un propos qui se veut une caisse de résonance des attentes du côté de Rabat sur un dossier qui traîne en longueur depuis 1975, soit un demi-siècle, devenu source de tensions entre Rabat et Paris ces dernières années. En effet depuis que les Etats Unis (Déc 2020) puis l’Espagne (avril 2022) ont acté le fait que la proposition marocaine d’autonomie des Provinces du sud (1) est la seule option politique viable pour solutionner ce conflit, du côté marocain, on reproche à la France, pays amis, sa réticence à s’aligner à la ligne politique des américains et espagnols et à considérer que la proposition politique marocaine est « une » et non pas « la » seule option de sortie de crise. 

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Les ministres des Affaires étrangères français, Stéphane Séjourné (g.), et marocain, Nasser Bourita (dr.), ont donné une conférence de presse commune, à la suite de leur réunion de travail, à Rabat le 26 février 2024. © FADEL SENNA/AFP

Avancer ensemble

« L’ intérêt des 2 pays est d’avancer ensemble, de s’écouter et de rétablir ce climat de confiance qui a toujours constitué un marqueur entre le Maroc et la France. Rien n’empêche aujourd’hui la France de clarifier sa position sur une question de premier ordre pour le Royaume du Maroc. Ca a été dit et redit y compris par la plus haute autorité du pays, aucune concession n’est et ne sera possible sur le dossier du Sahara. Le temps est venu pour la France, pays ami, de prendre ses responsabilités sur le sujet et permettre ainsi aux 2 pays, aux 2 peuples, d’écrire conjointement de nouvelles pages d’histoire et enrichir ainsi notre patrimoine commun », indique Jamal Belahrach, Franco-marocain, Président de la maison de la Diaspora à Casablanca.

Il a d’ores et déjà été annoncé la venue prochaine au Maroc de plusieurs décideurs politiques français, notamment Bruno Lemaire, ministre de l’Économie et des Finances, du 24 au 26 avril prochain avec l’organisation d’un Forum d’affaires France-Maroc. La réconciliation est donc toujours en marche…

(1) La guerre du Sahara Occidental est un conflit militaire qui a débuté le 14 avril 1975 date à laquelle l’Espagne décidait de se retirer de ce territoire après l’avoir colonisé. Deux parties revendiquent ensuite la souveraineté sur ce territoire, le Maroc et le Front Polisario de libération, un mouvement indépendantiste saharaoui soutenu par l’Algérie. 

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